QATARGATE

Le mandat d’arrêt à charge du ministre du travail de Doha a été suspendu il y a 6 mois, pourquoi ? Mystère….

Qatari Ali Bin Samikh Al Marri. Crédit Euractiv

On savait déjà l’enquête sur le Qatargate bien mal en point depuis que, le 19 septembre dernier, la Chambre des mises en accusation de Bruxelles avait ordonné une « relecture » du dossier par trois magistrats, faisant ainsi droit à une requête  des avocats de certains prévenus qui estimaient qu’il avait été mal géré par le parquet et le juge d’instruction Michel Claise. Les investigations sont, depuis, quasiment à l’arrêt. Les « relecteurs » rendront leur rapport mi-mars prochain et une décision est attendue en mai. Mais ce vendredi, nouvelle péripétie, et non des moindres : on apprend que la Belgique a purement et simplement suspendu le mandat d’arrêt international à charge du ministre Qatari Ali bin Samikh Al Marri, qui est pourtant la figure centrale du dossier du côté de l’Emirat.

Ali bin Ali bin Samikh Al Marri est le ministre du travail du Qatar. Connu pour avoir été un défenseur des droits de l’homme dans son pays, il s’était vu nommé à ce poste lorsque le Qatar avait compris qu’il lui fallait (plus ou moins) réformer son droit du travail de manière à répondre aux multiples critiques venues d’Europe (et d’ailleurs) quant aux contrats et conditions de travail de la main d’œuvre immigrée employée sur les chantiers de la Coupe du monde de football.

Le « visage présentable » de l’Emirat, en charge de ses relations publiques

Monsieur Al Marri était ainsi devenu la figure la plus présentable de l’Emirat. Véritable chargé de relations publiques Doha, il multipliait les rencontres avec des décideurs politiques, des journalistes et des syndicalistes pour vendre l’image de son pays et convaincre ses interlocuteurs que le vent du changement soufflait.

Jamais à court d’arguments, on peut penser qu’il se déplaçait également avec de grosses valises bien remplies. La justice belge le soupçonne, en tout cas, d’avoir joué un rôle central dans la corruption de parlementaires européens, le fameux « Qatargate ».
Et pour cause : Francesco Giorgi, l’ancien assistant de l’eurodéputé Antonio Panzeri (et son bras droit dans les dossiers de corruption au profit du Maroc, de la Mauritanie et du Qatar), rapidement passé aux aveux après son arrestation au début du mois de décembre 2022, avait directement mise en cause le ministre, affirmant, dans une déposition du 13 décembre, qu’il recevait des instructions de celui-ci et de l’un de ses conseillers et les transmettait à Panzeri.

Et Giorgi d’aller plus loin et d’avouer que Doha avait promis 4,5 millions de dollars à Panzeri (à charge pour lui de les répartir entre les heureux bénéficiaires) s’il arrivait à faire évoluer positivement la position du Parlement européen sur le Qatar. Devenu « repenti », Panzeri chargeait à son tour l’éminence qatarie.

Un premier mandat d’arrêt annulé en quelques heures, un deuxième suspendu « provisoirement » après deux mois…

Il n’en avait pas fallu plus à Michel Claise pour émettre, à la mi-janvier 2023, un mandat d’arrêt international à charge d’Al Marri. Pour d’obscures raisons, ce mandat avait été retiré le jour même, quelques heures à peine après avoir été transmis à Interpol.
Mais un deuxième mandat avait été délivré le 21 mars : le ministre était inculpé pour corruption (« active », les corrompus passifs étant ceux qui recevaient son argent pour défendre le Qatar), blanchiment d’argent et association criminelle. Un autre mandat était délivré au même moment contre le conseiller d’Al Marri qui avait profité d’un passeport diplomatique pour acheminer vers Bruxelles l’argent (au minimum, des centaines de milliers d’euros) qui était ensuite ventilé par Panzeri et consorts.

Bruxelles n’aurait pas voulu se mettre à dos l’un des principaux producteurs de gaz naturel du monde...

Vous voulez lire la suite de cet article ?

Cet article premium
est réservé à nos abonnés.

Vous êtes déjà abonné ?
Connectez-vous

Pas encore abonné ?
Abonnez-vous
à L Post pour promouvoir la pluralité de la presse. L-Post n’est financé par aucun grand groupe et dépend uniquement des lecteurs. Informer avec rigueur et indépendance a un coût.

Soutenez L Post et le journalisme indépendant : BE85 0689 4115 0106