Société

Plus de 4.000 participants à la marche contre l’antisémitisme à Bruxelles et par solidarité avec les juifs belges


La marche contre l’antisémitisme, organisée ce dimanche 10 décembre à Bruxelles, s’est déroulée dans le calme et sans débordement. Elle a rassemblé plus de 4.000 personnes, jeunes et moins jeunes, juifs et non juifs, qui ont défilé dans les rues proches du palais de justice pour dénoncer la montée des actes antisémites en Belgique. Beaucoup de participants sont venus apporter leur soutien aux juifs de Belgique qui vivent aujourd’hui dans la peur et pour dénoncer l’importation du conflit israélo-palestiniens en Europe. Les jeunes de l’Union des étudiants juifs de Belgique réclament la nomination d’un coordinateur de la lutte contre l’antisémitisme en Belgique. Des responsables politiques belges sont présents dans le cortège, mais ils jouent la carte de la discrétion. Une cadre de la Commission européenne a assuré à la tribune que l’Union européenne et les Etats membres se tiennent aux côtés de la communauté juive pour la protéger et lutter ensemble contre l’antisémitisme. Le ministre de la Justice, Paul Van Tigchelt a également pris le même engagement dans un communiqué.

C’est dans un froid sec que les organisateurs ont lancé, dimanche 10 décembre, peu après 14h, la marche contre l’antisémitisme à Bruxelles. En cette Journée internationale des droits de l’homme, au total, plus de 4.000 personnes ont répondu à l’appel du Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB), du Forum der Joodse organisaties (FJO) et de la Ligue belge contre l’antisémitisme (LBCA). « Il y a une importation du conflit israélo-palestinien en Belgique et en Europe. Et aujourd’hui, la situation est telle que les juifs de Belgique ont peur. Notre objectif est de dénoncer cette montée de l’antisémitisme et tout le monde est le bienvenu. Nous voulons aussi montrer que les Belges juifs ne sont pas seuls et attirer l’attention des responsables politiques sur le phénomène », nous a confié Joël Rubinfeld, président de la Ligue belge contre l’antisémitisme, peu avant le début de la marche.

La marche d’aujourd’hui vise à dénoncer l’antisémitisme, ce n’est nullement un rassemblement pour défendre le gouvernement du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou.

Pas une marche pour défendre le Premier ministre Netanyahou

Il est un peu plus de 13h et la place de la Chapelle, non loin du Sablon à Bruxelles se remplit tout doucement. Lors de notre échange, notre interlocuteur est apostrophé par un passant, à l’arrêt de bus situé juste en face du lieu de rassemblement avant le lancement de la marche. Affirmant être un Tunisien, il dénonce le fait qu’une attention particulière est accordée à la marche contre l’antisémitisme, alors que la riposte israélienne, après l’attaque terroriste du 7 octobre perpétrée par le Hamas contre Israël, fait des milliers de morts à Gaza.

bePress Photo Agency / BOURGUET

Un rassemblement qui a transcende d’autres combats. (Photo Philippe BOURGUET / bePress Photo Agency/bppa.be)

Un dialogue vif s’établit entre le prénommé Zouhier, âgé d’une soixantaine d’années et Joël Rubinfel. « On ne juge pas les gens pour ce qu’ils sont, mais par ce qu’ils font. La marche d’aujourd’hui vise à dénoncer l’antisémitisme, ce n’est nullement un rassemblement pour défendre le gouvernement du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou. D’ailleurs, nous ne voulons pas de drapeau israélien lors de la marche, mais des drapeaux belges. Nous sommes des Belges juifs », rétorque le président de la LBCA à son interlocuteur. Il fait sienne la citation d’un humoriste belge qui a déclaré que « l’antisémitisme est le logiciel principal par lequel se propagent tous les autres virus de la haine », et revendique une solution à deux Etats au Proche-Orient.

Non à la riposte disproportionnée contre les Palestiniens

Sur la place de la Chapelle, la foule de participants grossit. Des anonymes, des responsables politiques connus ou de notoriété moindre arrivent de tous les côtés. On aperçoit l’ancienne ministre Laurette Onkelinx (PS) venue en famille avec son mari, l’avocat, Marc Uyttendaele, et le fils de ce dernier, Julien Uyttendaele, futur ex-député socialiste bruxellois. Il vient de claquer la porte de la fédération bruxelloise du PS, dénonçant le fonctionnement interne la fédération une certaine stratégie communautariste sur les questions de la laïcité.

Ancienne présidente du PS bruxellois, Laurette Onkelinx se refuse à tout commentaire, précisant qu’elle a pris sa retraite de la politique et qu’elle est juste là en tant que citoyenne. Son mari, l’avocat Marc Uyttendaele se prête volontiers à l’exercice. « Ma présence ici aujourd’hui est une évidence, parce que les juifs de Belgique vivent dans une angoisse profonde à cause de l’importation du conflit israélo-palestinien en Belgique. Une partie de la gauche fait preuve d’une médiocrité grave et refuse de nommer les choses depuis l’attaque terroriste du Hamas depuis le 7 octobre. Ce n’est que par pur calcul électoraliste », nous confie Me Marc Uyttendaele. Il dénonce en même temps « la réplique disproportionnée » d’Israël dans la banque de Gaza. Il précise que la population palestinienne est aussi victime du Hamas.

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La jeunesse européenne a également défilé dimanche pour la lutte contre l’antisémitisme. (Photo Philippe BOURGUET / bePress Photo Agency/bppa.be)

Plus loin dans la foule, le député fédéral Georges Dallemagne (Les Engagés) échange avec la députée bruxelloise, Céline Fremault, également du même parti. « Je suis ici pour témoigner ma solidarité aux juifs de Belgique, car la bête immonde de l’antisémitisme se réveille et il faut l’arrêter à temps au regard des dégâts qu’elle peut causer », précise Georges Dallemagne.

Discrétion des politiques

Dans la foule des manifestants, les responsables politiques sont discrets. « On n’est pas ici pour faire de la politique, mais pour apporter notre solidarité à la communauté juive qui est menacée par des actes antisémites, elle vit aujourd’hui dans une insécurité et dans une solitude. Il est donc normal qu’on soit présent. On peut être présent et dénoncer en même temps l’action disproportionnée d’Israël à Gaza », renchérit François De Smet, président de Défi. Il fustige l’absence du PTB qu’il accuse d’être dans une « logique de sympathie pour les impérialistes. Sur l’échelle des valeurs, le PTB est guidé par une boussole qui est toujours tournée vers le sud quand on voit leur position face à la souffrance des Ouighours et l’invasion russe en Ukraine ». Le président du MR, Georges-Louis Bouchez, et son homologue des Engagés, Maxime Prevot, sont aussi de la partie, mais en toute discrétion.

On n’est pas ici pour faire de la politique, mais pour apporter notre solidarité à la communauté juive qui est menacée par des actes antisémites.

Porte-parole de la ministre bruxelloise de l’Environnement, Elke Van den Brandt (Groen !), Marie Thibaut de Maisières dénonce les procès en sorcellerie faits par certains responsables politiques aux partis de gauche (Ecolo, PS) accusés d’être les relais de l’islamisme en Belgique. « C’est malaisant et cela ne relève pas le débat dans un contexte politique et social déjà très difficile et clivant. Il serait mieux de se concentrer sur ce qui nous rassemble. On ne peut pas être d’accord sur tous les sujets, mais la lutte contre l’antisémitisme est dans l’ADN du projet écologiste. Nous devons tous rester unis là-dessus: l’antisémitisme est inacceptable et les juifs de Belgique doivent se sentir soutenus par l’ensemble du monde politique », observe Marie Thibaut de Maisières.

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De nombreux participants rassemblés sur la place Poelaert pour écouter les discours des organisateurs de la marche contre l’antisémitisme. (Photo Philippe BOURGUET / bePress Photo Agency/bppa.be).

Dissensions dans la communauté juive

Au sein de la communauté juive, si l’idée de la marche de ce dimanche 10 décembre fait l’unanimité, la liste des organisateurs ne fait pas l’unanimité. « Je suis là en tant que citoyen, car la communauté juive se sent menacée en Belgique, il n’est pas normal que ce soit ainsi en 2023. Je défends les juifs de Belgique et pas l’Israël. Mais le CCOJB n’aurait pas dû accepter la Ligue belge contre l’antisémitisme dans l’organisation de cette marche, elle ne représente personne », dit Victor. Aux côtés de l’humoriste Richard Ruben son ami, Philippe estime que la présence des non juifs à la marche est indispensable. « Si les juifs tombent, l’Occident tombera », résume Richard Ruben.

Un peu après 14h, le cortège. Il fait une mini-pause devant le musée juif, puis une autre devant la grande synagogue de Bruxelles. Parmi la foule de marcheurs, les jeunes donnent de la voix. « Non, non, non à l’antisémitisme. Avec ou sans kippa, même combat », scande un groupe de jeunes, habillés d’un drapeau de l’Union des étudiants juifs de Belgique (UEJB). « Nous sommes en 2023 et il n’est pas normal que les juifs aient peur en Belgique. Nous demandons que les responsables politiques prennent des mesures. Il faut que la Belgique se décide à nommer un coordinateur de la lutte contre l’antisémitisme comme le recommande l’assemblée parlementaire du conseil de l’Europe », nous dit Gad Deshayes, un des responsables de l’UEJB, avant de courir rejoindre ses copains.

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Une seule revendication lors de la marche: non à l’antisémitisme. (Photo Philippe BOURGUET / bePress Photo Agency/bppa.be).

Une communauté juive abandonnée

Peu après 15h, le cortège arrive au terminus, place Poelaert, à l’ombre du palais de justice de Bruxelles pour les prises de parole. Il est environ 15h. Alexandra, une chanteuse fait résonner, avec merveille, la chanson « Imagine » de John Lennon. La foule, silencieuse écoute attentivement la chanson qui se prête bien aux circonstances en ce dimanche 10 décembre, journée internationale des droits de l’homme. Les interventions des organisateurs portent la même revendication : non à l’antisémitisme.

La sécurité est la première des libertés. La bête immonde de l’antisémitisme n’est pas morte.

Des responsables politiques sont restés, à l’instar de l’ancien ministre fédéral de la Santé, Daniel Bacquelaine (MR) ou encore du vice-Président wallon, Willy Borsus (MR), venus respectivement de Chaudfontaine (en région liégeoise) et de la province de Luxembourg. « C’est une volonté de ma part d’être présent en ce moment où la communauté juive vit une situation d’angoisse dans notre pays. La sécurité est la première des libertés. La bête immonde de l’antisémitisme n’est pas morte. La situation est dramatique. Nous sommes face à la résurgence d’une époque que nous ne voulons plus connaître », commente Willy Borsus. À ses côtés, se tiennent la députée fédérale, Marie-Christine Marghem (MCC/MR) et l’ancien ministre libéral, Richard Miller.

A quelques mètres, des députés de la N-VA sont également présents. « On assiste à une montée de l’antisémitisme qui fait peur. On attend des mesures fortes de la part du Gouvernement fédéral, mais on ne voit pas grand-chose. La communauté juive est abandonnée par  le Gouvernement », déplorent les députés nationalistes flamands, Darya Safai et Michael Freilich.

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Des drapeaux belges pour annoncer la couleur de la marche contre l’antisémitisme en Belgique. (Photo Philippe BOURGUET / bePress Photo Agency/bppa.be).

Les Belges comme des boucliers

Par la voix du président du CCOJB, Yves Oschinsky, la communauté juive de Belgique se  demande ce qu’elle a fait pour « être exclue, insultée, menacée ». Il a invité la population belge à se dresser comme un bouclier pour protéger les juifs de Belgique contre l’antisémitisme. « Nous avons besoin de vous », adresse-t-il à la foule rassemblée en nombre sur la place Poelaert.

L’Union européenne et les Etats membres se tiennent aux côtés de la communauté juive. Rien ne peut justifier la haine contre les juifs.

Première coordinatrice du combat contre l’antisémitisme désignée par la Commission européenne, Katharina von Schnurbein, a assuré que « l’Union européenne et les Etats membres se tiennent aux côtés de la communauté juive. Rien ne peut justifier la haine contre les juifs. Nous devons protéger la vie juive », a-t-elle martelé avant de passer le micro à Joël Rubinfeld pour le mot de la fin.

Le nouveau ministre de la Justice, Paul Van Tigchelt (Open VLD) a assuré, dans un communiqué, que la justice ne flanchera pas devant les actes antisémites. « A ceux qui participent à la marche contre l’antisémitisme, notre message est très clair : nous vous entendons et nous ne permettrons, ni ne tolérerons jamais l’antisémitisme. Nous luttons contre ce phénomène sur tous les fronts », a-t-il affirmé dans un communiqué. Il a invité la communauté juive à signaler tout acte antisémite et promis une transparence totale sur les enquêtes liées à ces actes.


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