Illégaux déportés au Rwanda : la loi anti-immigration de Rishi Sunak passe de justesse un premier test
Le Premier ministre britannique n’a pas l’intention de renoncer au durcissement de la politique migratoire du Royaume-Uni. Il vient de gagner une première manche de la bataille pour sa loi anti-immigration. Mardi 12 décembre, a marqué un réel tour de force pour lui et son équipe gouvernementale. En effet, sa loi très controversée de renvoi des illégaux vers le Rwanda a été examinée en première lecture au Parlement. C’est avec une très faible majorité de 43 voix, soit avec 313 voix pour et 269 contre, que le texte a finalement été adopté en première lecture. Mais Rishi Sunak n’est pas encore sorti d’affaires avec son texte. Car les partisans d’une ligne dure de son parti jugent le texte trop laxiste, ils demandent un nouveau tour de vis pour durcir davantage le texte, alors que les défenseurs d’une ligne plus modérée bloquent toute tentative dans ce sens et menacent de retoquer le texte lors des prochains examens au Parlement. Le Premier ministre britannique va devoir jouer l’équilibriste entre ces différentes factions de son parti, alors qu’une élection générale s’approche et que le parti conservateur est distancé dans les sondages.
Après une matinée chargée en négociations avec les différentes factions du parti conservateur, le Premier ministre britannique Rishi Sunak a, ce mardi 12 décembre, réussi un premier son pari et a fait passer la loi sur le Rwanda. Pour rappel, le texte a pour but de décréter cet Etat d’Afrique de l’Est comme un pays « sécurisé » afin de pouvoir y déporter les migrants venus illégalement sur le territoire britannique.
Ce texte de loi est non seulement controversé pour son aspect humanitaire, mais il fait aussi fi des lois sur les droits humains. Il implique donc que le Royaume-Uni se mette en porte-à-faux avec la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) à Strasbourg, dont il fait toujours partie, malgré le Brexit.
Beaucoup de parlementaires conservateurs n’étaient donc pas prêts à franchir cette ligne et étaient donc réticents à voter pour cette loi.
Encore trop laxiste d’après les ultra conservateurs
Mais de manière plus surprenante, l’opposition interne que rencontre Rishi Sunak face au texte sur le Rwanda vient de la faction très à droite du parti qui menaçait de voter contre le texte ces tenants de la ligne plus dure jugent trop laxiste et qu’ils veulent réviser au cours de la seconde lecture du texte.
C’est donc cette faction du parti conservateur à qui le Premier ministre britannique a fait les yeux doux tout au long de la journée de mardi, au cours d’un petit déjeuner au 10 Downing Street, que l’on peut imaginer tendue. Les caméras qui ont capturé la sortie des parlementaires invités par Rishi Sunak montrent des participants à la réunion en train de quitter la résidence du Premier ministre, l’air grave et se refusant à tout commentaire avant le vote.
C’est donc avec soulagement que Rishi Sunak a appris le passage en justesse de sa loi. Mais s’il a réussi un premier tour de force politique, rien n’est encore joué.
Rishi Sunak est loin d’avoir gagné son pari
Ce texte sur le Rwanda, qui est devenu le texte phare du mandat du Premier ministre Sunak, cristallise toutes les tensions internes du parti, avec des factions qui deviennent de plus en plus irréconciliables. Le locataire du 10 Downing Street a du mal à convaincre son parti qui se prépare pour des élections générales avec des chances de victoire qui s’éloignent de jours en jours. C’était donc un test de loyauté pour le Premier ministre qui s’est joué, et même s’il a réussi à passer en première lecture, le processus législatif est encore semé d’embûches.
En effet, si la faction très à droite du parti conservateur a finalement consenti à faire des concessions pour que le texte soit voté en première lecture, ces partisans d’une ligne plus dure ont cependant prévenu Rishi Sunak que s’il voulait que le texte aboutisse, il faudrait qu’il soit amendé dans un sens encore plus dur.
Mais cette ligne de plus en plus à droite ne plaît pas à d’autres factions plus modérées et humanistes du parti, ces dernières menacent, à leur tour, de voter contre le texte de loi si Rishi Sunak cède aux sirènes de la faction anti-immigration du parti.
Travail d’équilibriste
C’est un vrai travail d’équilibriste qui attend le Premier ministre britannique dans les prochains mois. Il devra choisir les alliances au sein du parti qui lui seront plus profitables.
Enfin, même si le texte passe l’épreuve de la deuxième et troisième lectures au Parlement, ce qui est à ce stade encore très incertain, il devra aussi être examiné par la Chambre des Lords qui, elle, ne voit pas d’un très bon œil les défis légaux que le texte engendrerait.
Rishi Sunak, qui voulait faire décoller les premiers avions vers le Rwanda dès avril 2024, aura donc encore plusieurs mois de défis internes et légaux à régler s’il veut atteindre son but.
Pas sûr donc que ce texte de loi soit l’héritage que le Premier ministre britannique veut désespérément séduire pour ramener des voix perdues au profit du parti d’extrême droite UKIP avant la prochaine élection générale. Elle doit avoir lieu au plus tard le 28 janvier 2025.
Lena Job (à Londres)