NOUVELLE CONFERENCE DE L'ONU SUR LE CLIMAT

COP29 : de Dubaï à Bakou, une stratégie payante pour envisager l’après-pétrole

Le président de la COP28, Sultan Ahmed Al Jaber (au centre), le secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), Simon Stiell (à gauche), et d'autres responsables assistent à une séance plénière lors du sommet des Nations Unies sur le climat à Dubaï le 13 décembre 2023. AFP

Après le tour des Emirats arabes unis en décembre dernier, c’est l’Azerbaïdjan qui accueillera  la vingt-neuvième conférence de l’ONU sur le changement climatique appelée COP29. Le feu vert vient d’être donné. Il faut dire que l’Arménie et la Bulgarie ont officiellement retiré leurs candidatures et le groupe de 23 pays de l’Europe de l’Est a apporté son soutien à l’Azerbaïdjan. C’est donc un nouveau pays producteur d’hydrocarbures qui souhaite s’investir dans l’après énergies fossiles. Bakou est, pour le moment, fortement dépendant du pétrole et du gaz, mais il prend son rôle très au sérieux pour préparer la plus grande réunion sur le changement climatique des Nations Unies. Il aura fallu un consensus général autour de sa candidature. La COP29 se tiendra donc du 11 au 22 novembre 2024 en Azerbaïdjan et les nouveaux objectifs de financement seront établis, mais pour l’heure, l’urgence est de rester sur l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5 degré comme annoncé. En tout cas, le pays a pour lourde mission d’organiser la COP en un temps record, car jamais aucun pays n’a dû se plier à un calendrier de moins d’un an pour y parvenir.

Pourquoi l’Azerbaïdjan ?

Avant tout, c’est parce que le pays s’est proposé. Après le tour des Emirats arabes unis (EAU), l’arrivée de l’Azerbaïdjan à la tête de l’organisation de la COP à venir prouve qu’un pays producteur d’hydrocarbures peut désormais souhaiter s’impliquer corps et âme dans la transition énergétique et dans la lutte contre le réchauffement climatique.

En décembre dernier, la « Conference of Parties 28 » (COP28) avait abouti sur un accord qui marque le début de la fin de l’ère des combustibles fossiles et ce, accompagné par une transition rapide et un financement accru.  Cela signifie, bonne nouvelle, que près de 200 pays se sont engagés à réduire de 43% les émissions de gaz à effet de serre avant 2030 ; à tripler leurs capacités en matière d’énergies renouvelables ; à réduire la production d’électricité à base de charbon, etc. En résumé, les pays s’engagent (inexorablement ?) pour l’abandon des combustibles fossiles. L’Azerbaïdjan dont les hydrocarbures représentent quelque 50% de son PIB et surtout 90% de ses recettes d’exportation devra à terme s’y plier. C’est aussi pour cela qu’il a mis en place, depuis des années, une stratégie de diversification de son économie et misé sur les énergies vertes de plus en plus dans certaines parties du pays.

Les pays producteurs de gaz sont encore indispensables

Il y a bientôt deux ans, le déclenchement de la guerre en Ukraine par la Russie a poussé l’Europe à diversifier rapidement ses approvisionnements en gaz pour ne plus dépendre de Vladimir Poutine. L’Union a donc inévitablement dû se retourner vers le gaz qatari, algérien, américain, mais aussi azerbaïdjanais. Un contrat a été signé avec Bakou et qui a valu le déplacement de la présidente de la Commission, Ursula Van der Leyen. Un contrat qui a  rapporté à Bakou la modique somme de 15 milliards d’euros l’an dernier… L’Azerbaïdjan a permis de pallier le manque de gaz européen, après le blocus contre le gaz russe, en produisant 20 milliards de mètres cubes de gaz en un an. Une petite avancée dans la forte dépendance à la Russie qui fournissait avant la guerre quelque 45% du gaz à l’Europe.

BELGA

L’illustration montre le peloton des coureurs lors de la course cycliste sur route masculine lors des Jeux européens 2015, à Bakou, Azerbaïdjan, dimanche 21 juin 2015. (BELGA PHOTO ERIC LALMAND)

Alors pourquoi la COP a-t-elle en fait, contrairement à ce que les opinions ont pensé dès le début, absolument besoin des pays producteurs de pétrole et de gaz pour penser l’après ?

C’est parce que l’Azerbaïdjan et les Emirats Arabes Unis sont concernés par les discussions mises en place par les COP et que leur économie est en lien directe avec la production d’hydrocarbures et de pétrole. Par conséquent, leur implication est de fait incontournable aux débats. Au-delà des discours moralisateurs, il faut voir en eux des protagonistes ad-hoc plutôt que des acteurs sur lesquels il faut jeter le discrédit.

Les pays européens ne peuvent pas continuer à jeter l’opprobre sur ceux qu’ils appellent les grands pollueurs de la planète alors même que cet or noir nous est obligatoire et que, dès lors, on peut considérer que l’Azerbaïdjan pollue pour nous fournir cette nourriture énergétique.

Un pays sur la voie des standards internationaux

Une nouvelle ère s’ouvre dans un pays dont l’économie est de plus en plus diversifiée. Pour l’heure, le régime des Aliyev est bien de construire un Etat avec une économie solide. De plus, à l’instar des pays du golfe, l’Azerbaïdjan se modernise et devient une puissance dans le Caucase. C’est aussi un pays qui sait jouer de sa diplomatie culturelle et d’influence en accueillant notamment certains événements internationaux : le grand prix de Formule 1, la conférence de l’ICESCO (organisation du monde islamique pour l’éducation, la science et la culture),  le forum international sur l’avenir des médias à l’ère de la transformation numérique à l’été dernier. Le fait que l’Azerbaïdjan reçoive la COP29 est gage de confiance de la part de la communauté internationale, d’autant qu’il faut rappeler que la convention cadre des Nations Unies sur le climat fonctionne sur le principe de consensus, que ce consensus prévoit un accord entre 197 pays signataires et que ce nombre de participants et les enjeux géopolitiques rendent la procédure assez lourde à respecter. Les onze mois à venir seront déterminants pour la réussite de cette énième COP.

Sébastien Boussois
Docteur en sciences politiques, chercheur monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales à l’IHECS, associé au  CNAM Paris (Equipe Sécurité Défense) et du NORDIC CENTER FOR CONFLICT TRANSFORMATION (NCCT Stockholm)