#RCTA, la nouvelle tendance sur les réseaux sociaux qui promeut le changement ethnique
Un nouveau hashtag a fait son apparition sur TikTok et sur d’autres réseaux : #RCTA (Race Change To Another), en français « Changement de race à une autre ». La nouvelle tendance pose de nombreuses questions éthiques sur l’appropriation culturelle et un racisme latent. Mais elle s’est propagée avec en toile de fond la popularité croissante de la musique Kpop venant de Corée du Sud et de la culture du manga japonais. Même si la tendance a commencé innocemment avec des Occidentaux qui s’identifient aux idoles asiatiques, le hashtag, qui compte 500 millions de vues sur TikTok, attire de plus en plus d’adeptes, dont beaucoup d’adolescents.
La pratique du RCTA consiste à choisir un modèle vers lequel on veut transitionner et, par divers moyens, atteindre une « transition de race ». Si certaines pratiques peuvent paraître inoffensives, comme l’écoute de vidéos subliminales censées amener une transformation physique sans effort, certains adeptes du RCTA s’adonnent à la chirurgie esthétique. C’est le cas de l’influenceur britannique, Oli London, qui, en 2021, avait fait scandale en subissant 18 chirurgies esthétiques pour ressembler à son idole de Kpop, Jimin, du groupe BTS. « Je me sentais ‘piégé’ dans le mauvais corps depuis huit ans et j’ai lutté contre des ‘problèmes d’identité’. J’ai enfin eu le courage de subir ma chirurgie de transition raciale. Je suis vraiment heureux. Je m’identifie avec la culture, j’ai vécu en Corée, je parle la langue, j’ai maintenant le look coréen, je ressemble complètement à une personne coréenne. Si vous ne saviez pas qui j’étais, vous penseriez simplement que je suis une personne coréenne », avait-il déclaré à l’époque. Mais il a finalement fait marche arrière depuis et veut redevenir un « homme blanc britannique ».
Je me sentais ‘piégé’ dans le mauvais corps depuis huit ans et j’ai lutté contre des ‘problèmes d’identité’. J’ai enfin eu le courage de subir ma chirurgie de transition raciale.
Même si le phénomène prend de l’ampleur à cause des réseaux, il est loin d’être nouveau. Ce hashtag n’est en effet qu’une prolongation du « blackface » ou de l’« asianface » qui consiste à se grimer en personne racisée et qui existe depuis des siècles.
Pourquoi la tendance est-elle problématique ?
Si les phénomènes de « blackface » ou « asianface » existent depuis des siècles, il s’agit en général d’un biais raciste qui consiste à se moquer de l’ethnicité qui est incarnée. Cette fois, cependant, les adeptes du RCTA arguent qu’il ne s’agit pas d’une tendance raciste, puisque ces « transitions raciales » partent d’un sentiment d’admiration envers la communauté asiatique ou africaine. Dans un article de la NBC, Joy, une créatrice de contenus américano-coréenne sur TikTok, a déclaré que les personnes participant à la RCTA négligent souvent les aspects négatifs d’être asiatique dans un pays comme les États-Unis. « Ils font valoir leur privilège lorsqu’ils disent qu’ils veulent changer de race. Quand j’étais plus jeune, je voulais être blanche, car j’en avais assez de faire face à tout le racisme, mais ils ne changent pas de race à cause du racisme. Ils changent de race parce qu’ils pensent que c’est cool », observe-t-elle.
Et c’est bien là le problème. Si à l’origine une communauté blanche semble « rendre hommage » à une culture, la « transition de race » n’est qu’en fait uniquement esthétique et ne s’accompagne pas, pour les personnes qui transitionnent, de préjugés ou du poids du racisme. Il s’agit donc toujours d’un privilège de pouvoir même penser à transitionner. « Il y a un privilège à pouvoir changer de race ou à dire que l’on change de race. Beaucoup de gens ne pourront jamais changer de race. En particulier, les personnes noires dans ce pays [États-Unis] ne pourraient pas dire soudainement ‘Je suis blanc’ et être traitées avec les mêmes privilèges que les personnes blanches ont », a déclaré Kevin Nadal, professeur de psychologie à la City University de New York, sur la NBC.
Transidentité et transracialisme, même combat ?
Avec l’essor de la communauté LGBTQ+ et celle de la communauté transraciale sur les réseaux sociaux, certains ont établi un parallèle entre l’identité transgenre et l’identité raciale en avançant que si une transition de genre est possible, alors pourquoi pas une transition de race ?
Si l’on peut être transsexuel, on peut également être transracial.
La figure de proue du mouvement, Oli London, avait déclaré dans un tweet lors de la finalisation de sa transition : « Si l’on peut être transsexuel, on peut également être transracial. Pourquoi y a-t-il de tels deux poids deux mesures et d’hypocrisie avec des gens qui me critiquent pour être Coréen ? C’est la même chose que quelqu’un qui est né dans le mauvais corps et veut devenir un homme ou une femme. En réalité, je suis né dans le mauvais corps ! ».
Cependant, pour beaucoup d’activistes de la communauté LGBT+ et pour les universitaires, il faut absolument faire une distinction.
Toujours sur la NBC, Tiq Milan, un activiste et écrivain noir transgenre, a déclaré qu’il est préjudiciable pour personnes transgenres de les comparer. Selon lui, la race a historiquement émergé comme une construction sociale visant à établir une hiérarchie raciale, tandis que les variations de l’identité de genre existent depuis des milliers d’années. « Quand il s’agit de notre identité en tant que personnes racialisées, c’est la façon dont nous nous présentons au monde, mais c’est aussi la façon dont les gens vous traitent », a déclaré Milan. « Ce n’est pas seulement mettre des cheveux et du maquillage et parler et marcher d’une certaine manière. C’est fétichiser, objectifier, et cela réduit les cultures magnifiques et complexes des personnes de couleur ».
Si cette tendance a pu sembler au début être simplement le fait d’adolescents s’identifiant un peu trop à leurs idoles, il est crucial de comprendre l’ampleur des répercussions qu’elle entraîne pour les communautés visées, qui sont effectivement fétichisées, et qui, souvent, discréditent les luttes pour les droits humains auxquelles les personnes racisées ont dû faire face.
Léna Job (à Londres)