LA MONARCHIE BRITANNIQUE EN DIFFICULTE

Pour la première fois au Royaume-Uni, le soutien à la monarchie tombe sous la barre des 50%.

La reine Camilla (à gauche) de Grande-Bretagne et le roi Charles III (à droite) s’apprêtent à accueillir de hauts dignitaires étrangers en novembre dernier au palais de Buckingham. AFP

Dans un sondage publié jeudi 11 janvier, et pour la première fois depuis lexistence des sondages dopinion, le soutien à la monarchie chute à moins de 50%. La question unique de ce sondage était : « Quelle option préféreriez-vous pour le Royaume-Uni, une monarchie ou un chef d’État élu ? », à laquelle 48% des participants ont répondu quils souhaitent une monarchie, 32% un chef d’Etat élu et 20% ne savent pas. Il faut cependant garder à lesprit que cette enquête, réalisée par Savanta, a été commandée par le mouvement politique Republic, qui milite pour linstauration dune république au Royaume-Uni. Ses membres avaient notamment été remarqués lors du couronnement du roi Charles III, en mai dernier, lorsqu’ils avaient scandé « Not my King » (Pas mon roi) au passage du carrosse du couple royal. Plusieurs éléments expliquent le désamour des Britanniques pour leur famille royale. Par ailleurs, les résultats du sondage de Savanta révèlent des disparités régionales.

Le sondage est significatif et témoigne d’un désamour de plus en plus certain pour la monarchie. Alors que la reine Elizabeth II bénéficiait d’un soutien sans faille de la population, comment peut-on expliquer ce déclin soudain de la popularité de la monarchie ?

De nombreux scandales ont entaché la famille royale

Les scandales qui touchent la famille royale britannique ne sont pas nouveaux, mais il faut dire que le roi Charles III a dû essuyer de nombreux scandales lorsqu’il a accédé au trône à la mort d’Elizabeth II, sa mère, en septembre 2022. Le scandale majeur autour du Prince Andrew, frère de Charles III, impliqué dans l’affaire Jeffrey Epstein et accusé de viol sur mineur, a eu une influence non négligeable sur la popularité de la famille royale.

Même si le Prince Andrew a été évincé de la famille royale, le public britannique a eu l’impression que le scandale a été étouffé par la famille, alors qu’Andrew a passé un accord financier avec les victimes présumées pour éviter toutes poursuites judiciaires.

Comme le souligne Graham Smith, chef de file du mouvement Republic, la séparation du Prince Harry avec sa famille est aussi significative : « Andrew a clairement causé des dommages significatifs à la monarchie, mais Charles est celui qui en est responsable. Il a été à l’origine des décisions sur la façon de mal gérer le scandale et sur la manière de répondre à Harry et Meghan. Voici le résultat ».

Charles III et la reine consort Camilla n’ont, eux-mêmes, jamais bénéficié d’un grand soutien de la population britannique. Dans un classement effectué par YouGov, parmi les 14 membres les plus éminents de la famille royale, Charles III se classe 6e, avec 51% de cote de popularité, et Camilla, 9e, avec une cote de popularité de 41%. Les membres de la famille royale les plus populaires sont la reine Elizabeth II, suivie par le Prince William et la Princesse Anne, sœur de Charles III.

Un coût important pour les contribuables

Ce qui peut aussi expliquer la chute de popularité de la monarchie est le coût qu’elle engendre pour des contribuables, notamment au moment du couronnement en mai dernier. La question avait d’ailleurs fait la une des journaux, alors que le Royaume-Uni est en forte récession économique et une crise du coût de la vie. Selon les estimations, le couronnement aurait coûté 100 millions de livres aux contribuables britanniques. Dans le même temps, le roi Charles III hérite d’un patrimoine estimé à 1.8 milliard de livres.

Sur les 107.5 millions de livres dépensés, pour l’année 2022/2023, par la famille royale, 86.3 millions viennent des contribuables britanniques, ce qui représente un coût médian de 77 centimes par Britannique. À titre de comparaison, la monarchie belge a coûté 40.905.000 euros en 2023, soit un coût de 3,5 euros par Belge. Dans le même temps, dans un sondage pour Le Soir, 57% des Belges considèrent qu’il faut que la Belgique reste une monarchie.

Il est cependant aussi estimé que le coût de la famille royale est rentabilisé 5 à 6 fois pour les Britanniques, notamment grâce aux revenus engendrés par le tourisme.

Des disparités régionales

Des disparités régionales peuvent aussi être observées dans le récent sondage effectué par Savanta. La monarchie est la plus populaire dans l’est et le sud-est du pays (55%), alors qu’elle est moins populaire à Londres (40%).

Le soutien pour une République est au plus haut en Écosse (41%), au Pays de Galles (41%) et à Londres (39%), alors qu’il est moins populaire pour le sud-est du pays (24%). Ce désamour des autres régions du Royaume-Uni pour la monarchie n’est pas nouveau et s’inscrit dans une tendance séparatiste de l’Ecosse et du Pays de Galles.

C’est l’Irlande du Nord qui est la plus incertaine, avec 22% des personnes interrogées qui ont répondu « ne sait pas » à la question d’une monarchie vs d’une république.

Enfin, une disparité de la popularité s’observe aussi au niveau de l’âge des participants. En effet, la catégorie des 25-34 ans est la plus en faveur d’une république, et celle des 65 ans et plus sont, eux, plus favorables à une monarchie.

Dans tous les cas, ce nouveau sondage indique une voix de plus en plus forte pour une république et la nécessité d’un débat au sein du pays comme le réclame le movement Republic. « La monarchie subit une perte catastrophique de soutien, mais un cinquième des personnes ne sont pas encore certaines de l’alternative. Nous avons désespérément besoin d’un débat mieux informé, plus robuste et plus médiatisé sur ce que signifie abolir la monarchie », plaide Graham Smith. Et de souligner l’importance du sondage. « C’est énorme. Les monarchistes ont passé des années à dire que la monarchie bénéficie du soutien du pays. Il est clair que ce n’est plus le cas ».

Lena Job (à Londres)