Société

Corruption, football, industrie de l’armement… Qui est vraiment Oktay Ercan ?


Arrivé dans le football Belge, après avoir injecté plusieurs millions d’euros dans le club de Westerlo, Oktay Ercan intrigue sur ses sources de financement en provenance du Qatar, du Soudan et de la Turquie. Le sulfureux homme d’affaires commence à intéresser les médias, qui enquêtent sur lui.

En Belgique, il est celui qui a fait revivre le KVC Westerlo, désormais pensionnaire de Jupiler Pro League. Loin de chez nous, l’image du propriétaire du club de football, le Turc Oktay Ercan, est bien moins belle : la presse arabe le définit même comme l’un des chantres de la corruption au Soudan. Son ascension et sa fortune, Oktay Ercan les doit à ses affaires dans l’industrie militaire, et plus particulièrement dans les vêtements militaires. Il est notamment associé au ministre qatari de la Défense, Khaled Bin Mohammed Al Attiyah, dans l’entreprise Barer Holding. Mais qui est vraiment cet homme d’affaires turc, dont l’arrivée dans le paysage footballistique belge a étonné ?

La mauvaise réputation d’Oktay Ercan

Ce n’est pas, selon plusieurs journalistes proches du club de Westerlo, son amour pour la  Jupiler Pro League qui l’a conduit à injecter plusieurs millions d’euros dans le KVC, mais l’attrait pour le championnat belge, marqué ces dernières années par des affaires de blanchiment d’argent et de trucages de matches. Déjà actionnaire du club bosnien du NK Celik et du macédonien FC Shkupi, Oktay Ercan est attiré par les championnats moins prestigieux. En Belgique, c’est par le milieu de la pègre qu’est arrivé Oktay Ercan à Westerlo, et notamment par un certain Olgun Aydin, manager de football soupçonné de malversations financières. De quoi inquiéter l’ex-président de Westerlo, Wim Van Hove, à qui Oktay Ercan a alors promis de couper ses relations avec des personnages sulfureux. Du côté de Westerlo, on bottait en touche, au moment du rachat par Oktay Ercan, en indiquant que ce dernier « travaille dans le textile, les mines, l’immobilier, les jets privés, la viande ». En occultant volontairement les activités soudanaises du Turc.

Pourtant, le Soudan fut sans aucun doute la principale source de financement de l’homme d’affaires, jusqu’à la chute du dictateur Omar el-Bachir, recherché par la Cour pénale internationale, en 2019. Depuis, les affaires se sont compliquées pour Oktay Ercan. Des sources bien informées, aussi bien au Qatar qu’en Belgique, nous indiquent qu’Ercan fait l’objet d’une enquête judiciaire sur l’utilisation douteuse de fonds provenant de la société Barer Holding et un potentiel enrichissement personnel. Il serait question de plusieurs centaines de millions de dollars. L’entreprise est d’ailleurs détenue à 70 % par un groupe qatari, Barzan Holdings, lui-même sous le coup d’une enquête d’Etat à Doha, après des investissements douteux effectués en Turquie et au Soudan et pour le compte de l’industrie militaire américaine. « Le Pentagone et la Maison-Blanche sont remontés contre le Qatar, après des promesses non tenues par Barzan », indique une source proche du dossier, qui rappelle que Textron Systems Corporation a déposé plainte en octobre dernier contre Barzan Aeronautical LLC aux États-Unis.

Belgique, Indonésie, Qatar… Oktay Ercan mal en point

Des affaires embarrassantes pour Oktay Ercan, dont la descente aux enfers semble inéluctable. C’est désormais l’heure des comptes pour l’homme d’affaires turc, dont les soutiens s’amenuisent. Dans la ligne de mire de la justice de plusieurs pays, l’homme d’affaires turc ne semble plus disposer d’autant d’appuis qu’auparavant. Ses associés, notamment les Qataris, lui demandent désormais des comptes. Dans les hautes sphères politiques, la réputation d’Oktay Ercan inquiète : une autre source, au Qatar, assure que le ministre indonésien de la Défense, potentiel futur président du pays asiatique, aurait personnellement demandé au ministre qatari de la Défense de couper les liens avec Barer, après la découverte de malversations impliquant le représentant turc de Barer en Indonésie. Une réputation ternie, qui montre à quel point l’empire Oktay Ercan vacille, quatre ans après avoir été accusé d’avoir détourné 70 millions de dollars au Soudan.

Si les affaires ne sont plus aussi florissantes et que Barer Holding est sous le feu des projecteurs de la justice, Oktay Ercan joue son dernier va-tout. Selon un ancien proche du magnat turc, « Oktay Ercan continue de mener une vie dispendieuse, ne se déplaçant qu’en jet privé pour espérer gagner le respect de la haute société turque ». Mais sans la manne en provenance du Qatar, sans le Soudan et fragilisé en Turquie, Oktay Ercan pourra-t-il continuer à promettre de grandes ambitions au KVC Westerlo ? Depuis le début de ses ennuis judiciaires, on voit de plus en plus le Turc dans les travées du stade Het Kuipje. Certains le disent de plus en plus passionnés. D’autres sources, plus averties, affirment qu’il prépare sa villa de Tongerlo, un quartier de Westerlo, pour un éventuel repli en Europe.

B.Y


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