France : quels sont les articles censurés de la loi « immigration » par le Conseil constitutionnel ?
Les sages du Conseil constitutionnel ont rendu leur décision ce jeudi 25 janvier, sur la controversée loi sur l’immigration. Le texte avait été adopté par le Sénat, puis par l’Assemblée avec 349 voix pour et 186 voix contre. Résultat d’une alliance de circonstances entre le parti de la majorité (Renaissance) et la droite (LR), le texte de loi s’est donc vu largement censuré par la haute juridiction qui, sur 86 articles, en a censuré 32 et en a trouvé 10 conformes à la Constitution. Les articles les plus controversés de la loi, initiés par la droite et l’extrême droite, tels que « le délit de séjour irrégulier », « le durcissement des conditions de regroupement familial », la « caution pour les étudiants étrangers », « la remise en cause de l’automaticité du droit du sol », « l’instauration de conditions de résidence pour obtenir les allocations familiales et les APL (Aide personnalisée au logement) », et « l’instauration de quotas d’immigration », ont tous été censurés.
Une loi qui avait déjà divisé l’Assemblée
Si la loi sur l’immigration avait finalement été adoptée en décembre dernier, cela s’était fait au prix d’une division au sein de la majorité présidentielle, y compris au sein du gouvernement. En effet, lors du vote, l’exécutif avait vu ses parlementaires se diviser : au sein de Renaissance, 20 députés avaient voté contre et 17 s’étaient abstenus. Ou encore au Modem (de François Bayrou), qui fait partie du groupe parlementaire de la majorité présidentielle, 30 parlementaires avaient voté contre et 15 s’étaient abstenus. Cela avait alors déjà fortement fragilisé la position du Président Emmanuel Macron, qui avait promis cette loi aux Républicains lors de la présidentielle pour pouvoir bénéficier de leurs reports de voix durant le deuxième tour, face à Marine Le Pen.
Cependant, le gouvernement, qui avait lui-même fait une saisine auprès du Conseil Constitutionnel, se félicite par la voix de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, qui avait porté à bout de bras le projet de loi;
Loi immigration : le Conseil constitutionnel valide l’intégralité du texte initial du Gouvernement : jamais un texte n’a prévu autant de moyens pour expulser les délinquants et autant d’exigence pour l’intégration des étrangers !
Le Gouvernement prend acte, comme j’ai pu…— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) January 25, 2024
En clair, le gouvernement se félicite, car le projet de loi initial sur l’immigration qui avait été proposé par l’exécutif, soit 27 articles qui avaient été soumis, ont été en grande partie adoptés par les Sages. Traduction, les articles qui ont été censurés avaient été soumis par les Républicains.
Les Républicains sont en effet eux bien déçus, puisque ce sont eux qui perdent le plus suite au verdict des Sages, comme le souligne Eric Ciotti, président du parti des Républicains.
Le Conseil constitutionnel a censuré la loi Immigration. Ils ont jugé en politique plutôt qu’en droit.
Cette censure était attendue par Emmanuel Macron et la gauche.
Une réforme constitutionnelle apparaît plus que jamais indispensable pour sauvegarder le destin de la France !
— Eric Ciotti (@ECiotti) January 25, 2024
Quid d’une réforme constitutionnelle ou d’un référendum?
Si Eric Ciotti réclame une réforme constitutionnelle, le Rassemblement national (RN) veut un référendum sur la question de l’immigration. Son président, Jordan Bardella dénonce un coup de force des juges.
Par un coup de force des juges, avec le soutien du président de la République lui-même, le Conseil constitutionnel censure les mesures de fermeté les plus approuvées par les Français : la loi immigration est mort-né.
La seule solution, c’est le référendum sur l’immigration.
— Jordan Bardella (@J_Bardella) January 25, 2024
En clair, la droite et l’extrême droite considèrent que si la Constitution restreint notamment l’idée de préférence nationale, il faut qu’elle soit changée.
À l’aube des élections européennes, qui voient pour l’instant le RN en tête des sondages, les discussions sur les sujets d’immigration sont donc remises sur la table. Il s’agit donc au passage d’une défaite qui ne dit pas son nom pour Emmanuel Macron, qui voulait que les questions sur l’immigration soient réglées avant les Européennes.
En revanche, c’est tout de même une victoire idéologique pour le RN, puisque le Conseil constitutionnel, même s’il a censuré une grande partie des amendements qui avaient été proposés par les LR et le RN, ne les a pas censurés parce qu’il les considérait anticonstitutionnels, mais à cause de vices de forme.
Mais les articles qui limitaient l’accès aux prestations sociales notamment sont un des pans de la loi qui a été jugé anticonstitutionnel. La boîte de Pandore est donc ouverte, car l’idée de préférence nationale n’a pas été rejetée en tant que telle par les Sages du Conseil constitutionnel.
Même si le président du RN, Jordan Bardella, qualifie la loi sur l’immigration de « mort-née », il n’est pas exclu que les thèmes principaux de la loi sur l’immigration qui avaient été avancés par la droite ne soient pas réexaminés ultérieurement dans un autre texte de loi, même si pour l’actuelle loi sur l’immigration, la décision des Sages prévaut et est définitive.
Quand un texte est aussi censuré, il paraît logique qu’il soit tout simplement retiré.
L’opposition de gauche se dit soulagée par cette censure massive du Conseil constitutionnel et demande le retrait de la loi. « Quand un texte est aussi censuré, il paraît logique qu’il soit tout simplement retiré », précise Antoine Léaument, député LFI.
Quels articles ont-ils été déclarés conformes à la constitution
Une des mesures qui n’a pas été censurée par les Sages est le durcissement de « la régularisation des travailleurs sans papiers » qui devront maintenant obtenir un visa de travail d’un an délivré au cas par cas à condition d’avoir résidé en France au moins 3 ans et d’exercer une activité professionnelle pendant 12 mois. Il s’agit donc de demander aux personnes sans papiers d’avoir commencé à travailler avant même de pouvoir prétendre à un permis de travail. C’est un paradoxe qui inquiète les associations de protection des migrants, elles estiment que cela mettra les travailleurs sans papiers dans une situation précaire et un stress intense d’être contrôlés ou expulsés avant même de pouvoir prétendre à une régularisation de leur statut.
Enfin, le Conseil constitutionnel a aussi mis l’accent sur l’importance pour les migrants de respecter les valeurs de la République. Ainsi, il souligne qu’il sera « imposé désormais aux ressortissants étrangers, qui ne se trouvent pas dans la même situation que celle des nationaux, la souscription d’un contrat prévoyant l’engagement de respecter la liberté personnelle, la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République au sens de l’article 2 de la Constitution »