Les agriculteurs britanniques aussi battent le pavé pour réclamer des mesures protectrices
Les agriculteurs britanniques appellent les députés à soutenir des réglementations plus strictes pour les protéger du traitement « injuste » de la part des « six grands » supermarchés. Ils ont organise une grande manifestation devant le Parlement, il y a une semaine, alors que les députés s’apprêtent à débattre des réformes de la chaîne d’approvisionnement alimentaire après que plus de 110 000 personnes ont signé une pétition pressant le gouvernement de réviser le code de bonnes pratiques en matière d’approvisionnement alimentaire. Les agriculteurs dénoncent le Brexit, car la sortie de l’Union européenne leur a fait perdre l’accès au marché unique européen, qui représentait environ 60 % de leurs exportations. A cause du Brexit, ils ont aussi perdu le bénéfice de la Politique agricole commune (PAC) de l’UE, qui leur versait environ 3 milliards d’euros par an en subventions directes et en aides au développement rural.
La société Riverford Organic, à l’origine de la pétition, a déclaré que les « épouvantails » debout devant le Parlement représentent des producteurs de fruits et de légumes qui redoutent de faire probablement faillite au cours des 12 prochains mois si la situation ne change pas. Ils sont plusieurs à dénoncer les pratiques d’achat des supermarchés qui menacent leur activité et leurs moyens de subsistance.
La pétition réclame des réglementations garantissant que les supermarchés adhèrent à des accords d’achat « équitables », notamment en achetant les quantités convenues et en payant le montant convenu à temps « sans exception ». C’est l’équivalent du juste prix (Loi Egalim en France). Riverford Organic produit et vend des paniers de fruits et de legumes.
L’agriculture britannique est à genou
Pour Guy Singh-Watson, fondateur de Riverford Organic, « l’agriculture britannique est à genou. Les moyens de subsistance de nos agriculteurs sont gaspillés. Nos 49 épouvantails devant le Parlement illustrent les 49 % d’agriculteurs qui sont sur le point de quitter notre industrie. J’espère que cela fera comprendre à ceux qui sont au pouvoir l’ampleur du problème et l’urgence d’un changement. Sans un traitement plus équitable pour les agriculteurs, la réalité est la destruction de l’agriculture britannique ainsi que du paysage, de la faune et des communautés rurales ». Et de poursuivre:
« Pour les agriculteurs, le temps presse. Nous exhortons le gouvernement à prendre des mesures dès maintenant pour sauvegarder l’avenir de l’agriculture britannique ».
Même son de cloche chez William White, coordinateur de la campagne sur l’agriculture durable (Sustain). « La manifestation de l’épouvantail de Riverford envoie un message clair : seule une réglementation stricte de la part du gouvernement peut garantir aux agriculteurs un traitement équitable pour la nourriture qu’ils produisent ».
Les agriculteures britanniques redoutent l’avenir
Nick Marston, président de l’organisme industriel British Berry Growers, a déclaré qu’une enquête suggérait que les deux tiers des producteurs avaient peu confiance en leur avenir.
Le coût de production a augmenté de 18 pence par paquet de 400 g depuis 2021, et tandis que les prix de détail en rayon ont augmenté de 27 pence par paquet au cours de cette période, soit une augmentation de 14,8 %. Dans le même temps, les revenus moyens des producteurs n’ont augmenté que de 2,3 % (3,6 pence). « Les producteurs sont aux prises avec des rendements statiques et des coûts toujours croissants, en particulier les coûts de main-d’œuvre. Cela crée une crise pour les producteurs britanniques qui ne peuvent désormais pas cultiver de baies fraîches sur une base financièrement viable », poursuit-il.
Actuellement, le code de bonnes pratiques en matière d’approvisionnement en produits alimentaires n’exige pas une fixation équitable des prix. Les supermarchés peuvent augmenter leurs prix en appuyant simplement sur un bouton ; les producteurs ne le peuvent pas. Les producteurs aimeraient que cette question soit résolue.
Prix équitables pour les agriculteurs
Pour les manifestants, seule une régulation forte imposée par le gouvernement peut permettre aux agriculteurs d’obtenir de meilleurs contrats avec la grande distribution. « Il est tout à fait normal que les agriculteurs et les producteurs britanniques soient payés à un prix équitable, et notre examen de l’équité de la chaîne d’approvisionnement contribuera à répondre à ces préoccupations », a indiqué un porte-parole du ministère de l’Environnement, de l’alimentation et de la ruralité.
Et d’ajouter que les agriculteurs sont vitaux pour le système alimentaire du pays, en précisant que les agriculteurs britanniques fournissent 60% des biens alimentaires consommés dans le pays.
Le Brexit et la colère
Le Brexit a été une catastrophe pour les agriculteurs anglais, qui se sentent trahis par les promesses mensongères des partisans du Leave (sortie de l’UE). En effet, ils ont perdu l’accès au marché unique européen, qui représentait environ 60 % de leurs exportations (un marché de 500 millions de consommateurs). Ils doivent désormais faire face à des formalités douanières, des contrôles sanitaires et des droits de douane pour vendre leurs produits dans l’Union européenne (UE).
Les agriculteurs ont également perdu le bénéfice de la politique agricole commune (PAC) de l’UE, qui leur versait environ 3 milliards d’euros par an en subventions directes et en aides au développement rural. Le Gouvernement britannique a promis de maintenir le même niveau de soutien jusqu’en 2024, mais il envisage de réformer le système pour le rendre plus écologique et plus compétitif.
Les agriculteurs anglais font face à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, car de nombreux travailleurs saisonniers venus d’Europe de l’Est ont quitté le pays après le Brexit. Selon une enquête de la National Farmers Union, 29 % des exploitations agricoles ont eu des difficultés à recruter du personnel en 2021, contre 13 % en 2019.
Des accords commerciaux et une concurrence accrue
Les agriculteurs doivent s’adapter à de nouveaux accords commerciaux conclus par le Royaume-Uni avec d’autres pays, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou les Etats-Unis. Ces accords peuvent offrir de nouvelles opportunités d’exportation, mais ils vont aussi exposer les agriculteurs anglais à une concurrence accrue de la part de pays qui ont des normes environnementales, sanitaires et sociales plus basses.
Ils ont désormais l’impression d’être à la merci du Gouvernement britannique, qui veut les soumettre à des critères environnementaux draconiens, tout en leur imposant une concurrence déloyale de la part de pays qui ne respectent pas les mêmes normes.
Alexander Seale (à Londres)