France : que faut-il retenir du discours de politique générale de Gabriel Attal ?
Le Premier ministre Gabriel Attal s’est exprimé aujourd’hui devant l’Assemblée Nationale, 20 jours après sa nomination à Matignon. Dans un contexte de colère agricole qui gronde en France et dans le reste de l’Europe, il a dû réécrire son discours à la dernière minute pour intégrer des annonces visant à aider les agriculteurs. Emploi, santé, resserrement de l’éducation ont été les sujets principaux abordés par le nouveau locataire de Matignon. Il a annoncé notamment l’instauration d’un SNU obligatoire d’ici 2026. Il sera organisé sous la forme d’un séjour de 12 jours auprès de l’armée pour les jeunes de 15 à 17 ans. Le Premier ministre a annoncé la création de travaux d’intérêts « éducatifs » pour les délinquants de moins de 16 ans. Il y a eu peu d’annonces en direction des agriculteurs. Les bénéficiaires du Revenu de Solidarité Active (RSA) devront désormais effectuer 15 heures « d’activité » s’ils veulent le toucher. Gabriel Attal a annoncé la régularisation de médecins étrangers pour faire face au manque de médecins en France. Il prévoit une prime exceptionnelle de 800 euros et une revalorisation salariale de 200 euros pour les infirmières.
Dans un discours de plus d’une heure, Gabriel Attal a pu surprendre par son désir d’autonomie politique vis-à-vis du président. Celui que l’on avait surnommé « bébé Macron » s’est en effet émancipé, notamment en annonçant un resserrement de l’éducation, sujet qui lui est cher en tant qu’ancien ministre de l’Education. Il s’est aussi illustré par une politique à court terme, avec des annonces qui devraient être en place pour certaines dès le printemps. Le nouveau Premier ministre se singularise donc avec une communication lissée et une ligne court-termiste.
Un Service National Universel (SNU) d’ici 2026
La mise en place d’un Service National Universel (SNU), d’uniformes à l’école et de travaux d’intérêts « éducatifs » pour les jeunes délinquants montre que Gabriel Attal opère un virage à droite en matière d’éducation. Ce virage n’est pas surprenant, car il avait été annoncé précédemment par le Président Macron. Cependant, le nouveau locataire de Matignon y a mis sa patte, notamment en abordant le sujet du harcèlement scolaire, qui lui tient particulièrement à cœur en tant que Premier ministre.
Une nouveauté est donc prévue d’ici 2026 : l’instauration d’un SNU obligatoire, qui se déroulera sous la forme d’un séjour de 12 jours auprès de l’armée pour les jeunes de 15 à 17 ans. Au programme, levée du drapeau et chant de La Marseillaise en uniforme.
Notre pays a besoin de réformes profondes et d’ambitions sur la sécurité, la baisse des prélèvements obligatoires, l’industrie et l’écologie. Le conseiller en communication d’Emmanuel Macron a fait du marketing politique.
Autre nouveauté, a priori, l’uniforme sera instauré au sein des établissements scolaires français, prenant la forme d’un haut unique porté par tous les élèves. L’adoption générale de l’uniforme se fera d’ici 2026, si les essais actuellement en cours dans certains établissements sont concluants.
Enfin, en matière d’éducation, le Premier ministre a annoncé la création de travaux d’intérêts « éducatifs » pour les délinquants de moins de 16 ans.
Peu d’annonces pour les agriculteurs
Gabriel Attal, qui a dû s’adapter à l’actualité des agriculteurs qui bloquent actuellement l’accès à Paris, les a cependant vite déçus par le peu d’annonces faites pour apaiser leur colère. Il a notamment annoncé que les industriels et les grandes surfaces ne respectant pas la loi Egalim, garantissant un revenu fixe aux agriculteurs, seront sanctionnés d’une amende. Il a également précisé que les aides de la PAC seront versées directement sur les comptes bancaires des exploitants à partir du 15 mars prochain. Le Premier ministre défend l’exception agricole française.
Il reste encore un espoir pour les agriculteurs, car le Président Emmanuel Macron doit s’entretenir ce jeudi 1er février avec Ursula Von Der Lyen, présidente de la Commission européenne, pour discuter des normes imposées aux agriculteurs, actuellement très contraignantes.
Durcissement des conditions pour toucher le revenu de solidarité
Le RSA (Revenu de Solidarité Active), une aide permettant aux Français sans emploi d’avoir un revenu de base, et qui était jusqu’à présent octroyée sans contrepartie, sera durci à partir du 1er janvier 2025. Les bénéficiaires de cette aide devront désormais effectuer 15 heures « d’activité » pour espérer toucher cette aide, avec des activités pouvant inclure un stage en entreprise ou le passage du permis de conduire.
Gabriel Attal a également indiqué qu’il souhaiterait accorder aux personnes touchant le SMIC, ou salaire minimum, moins de charges sociales pour leur permettre une meilleure insertion professionnelle et sociale. Cependant, il n’a pas annoncé comment ces pertes de revenus pour l’Etat seront financées ou compensées.
Santé, l’AME durcit, mais davantage de médecins étrangers
En matière de santé, le chef du gouvernement a annoncé le durcissement de l’AME (Aide Médicale de l’État), qui permet une prise en charge des soins de santé pour les étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire depuis plus de 3 ans. Il s’agit d’un accord que Reconquête avait conclu avec la droite lors de la rédaction de la loi sur l’immigration, qui avait été fortement censurée par le Conseil constitutionnel.
Gabriel Attal a également annoncé le recrutement et la meilleure régularisation de médecins étrangers pour faire face au manque de médecins en France. Enfin, il prévoit une prime exceptionnelle de 800 euros et une revalorisation salariale de 200 euros pour les infirmières.
Autres annonces notables
En matière d’écologie, le Premier ministre a été relativement peu ambitieux, comme lors de sa passation de pouvoir. Mais il a notamment décrété la création d’un service civique écologique pour « permettre aux jeunes de s’engager pour la planète ». L’examen du projet de loi sur la fin de vie est à l’agenda d’ici le printemps. Enfin, il a encouragé ses collègues ministres à tester la semaine de 4 jours auprès de leurs administrations.
Ce n’est pas Gabriel Attal qu’on a entendu, c’est Gabriel Thatcher. C’est un discours très libéral qui a été prononcé.
L’opposition dénonce un manque de vision
Sans surprise, l’opposition a accueilli le discours de Gabriel Attal de manière mitigée. Le communiste Fabian Roussel a noté le virage à droite du gouvernement : « Ce n’est pas Gabriel Attal qu’on a entendu, c’est Gabriel Thatcher. C’est un discours très libéral qui a été prononcé ».
Quant aux Républicains, par la voix d’Éric Ciotti : « Le Premier ministre a manqué de vision. Notre pays a besoin de réformes profondes et d’ambitions sur la sécurité, la baisse des prélèvements obligatoires, l’industrie et l’écologie. Le conseiller en communication d’Emmanuel Macron a fait du marketing politique ».
Sur la forme, il semble qu’Attal se soit livré à un exercice de communication qu’il connaît bien et dans lequel il semble exceller. Cependant, sur le fond, il faudra voir s’il ne s’agit pas que d’un énième coup de communication qui ne semble pas convaincre les Français à la veille des élections européennes.
Léna Job (à Paris)