“De père en fils”, un premier roman brillant et prometteur signé Frédéric Jacquet
Journaliste / Secrétaire de rédaction
La littérature belge francophone est riche de jolies plumes qui ne demandent qu’à prendre leur envol. Le premier roman de Frédéric Jacquet « De père en fils », aux éditions Vérone (Coll. Evasion) est de celles-ci. Son auteur, journaliste de formation, nous propose à travers ce premier opus bien plus qu’un roman de type policier. « De père en fils », c’est une histoire dans l’Histoire. Mais bien plus encore…C’est aussi des personnages attachants, des enquêtes parallèles, un secret de famille bien gardé, des questionnements, une rencontre mystérieuse, de l’amour, le tout merveilleusement articulé dans un style qu’on se réjouit déjà de voir s’installer dans nos librairies. « De père en fils » ou l’histoire d’une certaine fugacité de l’existence, quand l’improbable bouscule nos vies et nous convie à une autre idée d’un certain bonheur auquel on ne s’attendait pas.
Un décor singulier, une histoire qui bouscule
D’abord, il y a le décor, singulier. Le premier roman (à tiroirs) de Frédéric Jacquet aborde une page de l’Histoire de France que, sans doute, nous maîtrisons mal ou si peu. Paris, le début des années 60 alors que la guerre d’Algérie touche à sa fin, près de 2000 personnes se regroupent place de la Bastille pour s’opposer à la vague d’attentats diligentés par l’OAS et réclamer la fin du conflit. C’est alors que 3 000 policiers reçoivent l’ordre d’évacuer les manifestants, quoi qu’il en coûte… L’évacuation fera 9 morts. C’est ce qu’on a appelé : l’affaire du métro Charonne.
Et puis, on se retrouve en 2022, dans le nord de la France, entre Lille et le petit village frontalier d’Avioth (si cher à l’auteur) où deux corps mutilés, ceux des parents de Damien, célèbre auteur de thrillers, sont retrouvés dans une déchèterie. Y-a-t-il un lien ? Plusieurs ?
Et puis il y a cette rencontre entre Damien et Lara, une lectrice venue mystérieusement chercher une dédicace pour sa grand-mère. Une rencontre troublante qui rythmera par la suite le reste de ces histoires qui composent ce roman palpitant.
On prend conscience du caractère éphémère que peut avoir l’existence quand tout bascule en un instant.
Interrogé, Frédéric Jacquet, livre l’origine du choix de ce moment de l’Histoire : « C’est presque par hasard, je voulais une histoire contemporaine. Je voulais créer une histoire qui avait un ancrage réel et non fictif ; j’avais d’abord en tête la période de la fin de la seconde guerre mondiale mais ça ne collait pas avec l’âge de mes personnages dont l’histoire se tient principalement en 2022 -2023 (même si leurs racines remontent 60 ans auparavant). Et c’est en écoutant, en voiture, une émission radio sur la Première dans laquelle on revenait sur l’affaire du Métro Charonne. que là, je me suis dit que les personnages que j’imaginais pouvaient parfaitement trouver leur place dans ce contexte si peu connu de ce pan de l’histoire française ; tout a débuté ainsi », explique simplement Frédéric Jacquet.
De l’importance de la transmission
Entre voyage dans le temps et découvertes inattendues, « De père en fils » vous transporte tant au cœur d’une enquête rocambolesque que dans les travers des secrets d’une histoire de famille comme il en existe peut-être.
A travers flash-backs, entre passé et présent, Frédéric Jacquet nous livre ici un polar familial avec pour fond, une histoire française dans laquelle les coulisses du fonctionnement des gens de pouvoir, à toutes époques, ne brillent pas forcément par ce que l’on croit. On ne vous en dit pas plus, lisez-le !
Ce roman témoigne dans une écriture fluide et un style efficace, que derrière l’apparence de vies bien établies, la fragilité existe et qu’un assassinat, un secret savamment camouflé, une rencontre, des enquêtes, des témoins d’antan, peuvent agir comme des bombes à retardement susceptibles de bouleverser toute une existence du jour au lendemain.
Ce message essentiel rebondit au fil des pages de ce roman comme un pic de rappel de l’importance de chaque instant, de l’importance aussi de la transmission pour se (re)trouver une sérénité qu’on ignorait enfouie.
Quand le secret est une bombe à retardement
A travers une cinquantaine de chapitres, 60 ans d’écart, et un panel de personnages affirmés et quelque fois mystérieux, Frédéric Jacquet nous embarque avec lui dans une enquête à tiroirs et une suite de mystères qui bousculeront le quotidien d’une famille somme toute presqu’ordinaire.
L’auteur signe ici un premier ouvrage auquel on ne s’attendait pas et qui pourrait bien se faire remarquer au-delà de ses promesses de départs. Il y est question de sens de la vie, de sa fragilité aussi quand on croit jouir d’un quotidien bien établi mais quand les drames de l’existence, les non-dits et le hasard viennent tout bouleverser, alors on prend conscience du caractère éphémère que peut avoir l’existence quand tout bascule en un instant en renversant toutes les vérités.
La nécessité de retrouver du plaisir.
Osez oser, ça peut marcher
Communicant dans l’âme, Frédéric Jacquet, longtemps journaliste, responsable notamment de l’édition Namur-Luxembourg du quotidien la DH avant de passer par la case d’attaché de presse et responsable communication au sein de cabinets ministériels où il enchainera les missions, apparaît aujourd’hui comme un grand « jeune » auteur de 51 ans.
Auteur aussi de chansons, qu’il conserve jalousement pour lui (pour l’instant), campera également, un temps, le rôle de directeur général adjoint de Liège Airport avant d’en assumer la direction générale ad interim durant un an avant de choisir de se consacrer davantage (ou enfin!) à la création. Et c’est peu dire qu’il a bien fait !
Mais comment est née cette envie d’entrer en littérature ? « Le déclic? Il est né de la nécessité, à un moment de ma vie, de retrouver du plaisir que je n’avais plus dans mon univers professionnel. C’est vraiment ça. Ça a d’abord été une nécessité. Et puis, il se fait que j’avais du temps devant moi, ça aide. Et j’ai pris du plaisir ! Et ça c’est extrêmement positif. J’écris aussi des chansons, oui, mais elles sont dans mon tiroir. Peut-être sortiront-elles un jour (rires) ? »
Une écriture efficace
Faire le grand saut de l’écriture, aussi un message adressé à ses enfants. « J’ai la chance d’avoir trois filles, sortir ce livre est une façon de leur dire : « si quelque chose au fond de vous, vous dit de donner vie à une envie, osez le faire, essayez, allez jusqu’au bout, croyez-en vous! ».
Fort de cette première expérience littéraire au sens noble du terme, Frédéric Jacquet travaille déjà à l’élaboration d’un second roman. « Il me faut du temps pour me mettre à écrire mais quand je m’y mets, c’est tous les jours. Même si ce premier roman a été rédigé en quatre semaines, j’ai pris beaucoup de temps à le relire et puis à l’envoyer aux éditeurs. J’ai écrit partout, même en attendant, dans l’auto, mes enfants qui étaient à leur cours de danse (rires), je mettais tous les moments à profit. C’était comme un besoin. Je voulais avancer. »
Entre écriture journalistique et rédaction d’un roman, le cœur balance-t-il ? « L’exercice est différent et heureusement. Mais J’y ai pris autant de plaisir. Pour ce roman, j’ai prix extrêmement de plaisir d’abord à construire une bulle, à m’y mettre et à me laisser guider par l’histoire que j’avais en tête et voir les personnages prendre corps et vie. »
Le titre ? : « Bien des gens, mes premiers lecteurs, avant l’envoi aux maison d’édition, m’ont conseillé de le changer mais je tenais à ce titre qui a la chance de jouir d’une double lecture, ceux qui liront le roman, le comprendront », conclut l’auteur de ce roman riche de tout et que l’on vous recommande à plus d’un titre.
De Père en Fils, Ed. Vérone, Coll. Evasion, 21,50€, en librairie ou sur commande