Un mois d’attente pour un gouvernement au complet… Enfin, après une visite aux sinistrés de Pas-de-Calais, par un communiqué, le Premier Ministre Gabriel Attal a annoncé, en fin de journée de ce jeudi 8 février et quasiment un mois après sa nomination à Matignon, la deuxième vague des membres de son gouvernement. Enfin, constatent de nombreux observateurs, nombre de dossiers en suspens faute de responsables vont pouvoir être étudiés… Mais que ce fut dur, que ce fut laborieux comme le confirme une plongée dans les coulisses de cette constitution de gouvernement. Plus jeune Premier ministre de la Vème République à 34 ans, en plus de constituer son équipe gouvernementale sous le « haut patronage » du Président de la République, Emmanuel Macron, Gabriel Attal a dû faire face à trois problèmes : la polémique consécutive aux propos d’Amélie Oudéa-Castéra, alors ministre de l’Education, de la Jeunesse, des Sports et des Jeux olympiques ; la crise agricole, et le cas François Bayrou, relaxé au « bénéfice du doute » par la justice ce 5 février dans l’affaire des assistants parlementaires (le Parquet de Paris a fait appel de cette décision et le dossier n’est donc pas clos). La nouvelle ministre de l’Education, Nicole Belloubet est déjà la cible de critiques en raison de ses positions, par le passé, à propos sur le secteur de l’éducation. Ambiance.
Pour la première vague de ministres « poids lourds », Macron et Attal avaient joué et la continuité, et la « prise de guerre » (avec Rachida Dati au ministère de la Culture, membre importante du parti Les Républicains/LR), les observateurs de la chose publique y avaient noté une « droitisation » du macronisme et aussi une influence sourde mais efficace de l’ancien Président de la République (2007-2012) Nicolas Sarkozy. Avec la deuxième vague présentée ce 8 février, pas de « prise de guerre » chez les LR…
Parce qu’il a fallu résoudre deux casse-tête d’importance. D’abord, le cas Amélie Oudéa-Castéra, dite « AOC ». Promue ministre de l’Education nationale en plus des Sports et des Jeux olympiques, elle a très vite gaffé en confiant avoir placé ses enfants dans l’enseignement privé, parce que dans le public il y avait trop d’absentéisme des enseignants. Branle-bas de combat chez les profs, et AOC de s’enfoncer avec des approximations intenables.
Une nouvelle ministre de l’Education déjà attaquée
A Matignon, Gabriel Attal faisait savoir qu’il ne voulait plus entendre parler de cette ministre ; à l’Elysée, refusant de se déjuger, Macron soutenait sa camarade de promotion à l’ENA (Ecole nationale de l’administration). La solution a été trouvée et proposée par un troisième, Alexis Kohler, le très discret, mais très efficace et influent secrétaire général de l’Elysée : on laisse à Amélie Oudéa-Castéra les Sports et les Jeux olympiques (qui débuteront à Paris le 26 juillet prochain) et on nomme Nicole Belloubet à l’Education nationale et à la Jeunesse. Solution qui sied tant au Président de la République qu’au Premier ministre…
Ancienne ministre de la Justice (2017-2020) lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, Nicole Belloubet à l’Education nationale est déjà la cible des oppositions, du Rassemblement national (RN) à la gauche radicale, en passant par les LR.
Marquée à gauche, ancienne première adjointe du maire socialiste de Toulouse, elle a été professeure et rectrice des académies de Toulouse et Limoges, autant dire que le « mammouth » de l’Education nationale, elle connaît ! Mais déjà, se pose la question : dans le passé, Nicole Belloubet a avancé et défendu des propos sur l’éducation et la pédagogie éloignés des sujets mis en avant (groupes de niveaux dans les classes, redoublement, uniforme,…) par Gabriel Attal lors de son passage de six mois à l’Education nationale. Lequel n’a pas manqué, lors de sa nomination à Matignon, de faire savoir qu’il emmenait l’Education avec lui.
Le cas François Bayrou
Dans les coulisses de cette deuxième vague de nominations, un deuxième dossier est venu ralentir le tout. Le cas François Bayrou. Celui qui, en 2017, avait rejoint avec son Modem (Mouvement démocrate) le candidat Emmanuel Macron… et qui, depuis, se considère comme un « faiseur de roi ».
Rattrapé par une affaire de détournement de fonds pour des assistants parlementaires, il avait dû démissionner, un mois et demi après sa nomination, du ministère de la Justice en 2017. Le temps de la justice a été long, et le 5 février dernier, François Bayrou a été relaxé « au bénéfice du doute ». Le soir même, à mots couverts, il faisait offre de service à Macron et Attal.
Le Président de la République n’oublie pas que, sans le soutien de Bayrou en 2017, il n’était peut-être pas élu, et qu’aujourd’hui encore, alors qu’il n’a qu’une majorité relative au Parlement, le Modem y compte 51 députés… De son côté, le Premier ministre n’oublie pas que, se voulant conseiller de l’ombre, Bayrou s’était opposé auprès de Macron à sa nomination à Matignon. Ambiance… Et Bayrou, maire de Pau (Pyrénées-Atlantiques) et Haut-Commissaire au Plan (nommé par Macron), de tenter de convaincre et le Président de la République, et le Premier ministre de son indispensable présence au gouvernement. Bien sûr, à ses conditions et au poste de son choix : l’Education nationale (à la place d’Amélie Oudéa-Castéra), un sujet qu’il assure connaître puisqu’il a occupé le poste entre 1993 et 1997, ou l’Aménagement du Territoire.
Quatre ministres pour le Modem
Lors de leurs deux rencontres, Macron a écouté et l’a envoyé vers Attal. Lequel a proposé à Bayrou le ministère des Armées, sachant que c’est là le domaine réservé du Président de la République ! Et c’est ainsi que François Bayrou a claqué (du moins, a-t-il feint de claquer) la porte, tout en affirmant que « le Modem est membre à part entière de la majorité présidentielle » et qu’il se réserve la possibilité de voter ou non les textes de loi présentés par le gouvernement. Au final, sur 35 ministres et secrétaires d’Etat, le Modem a conservé ses quatre ministres, contre deux pour Horizons, le parti d’Edouard Philippe troisième membre de la majorité présidentielle…
Ce gouvernement est un canard sans tête. Il n’a pas de cap.
Le RN, dont la cheffe de file Marine Le Pen est créditée de 51% de votes si l’élection présidentielle avait lieu en ce février 2024, a fait part de sa « déception », précisant : « Ce gouvernement est un canard sans tête. Il n’a pas de cap ». Ce à quoi répond Gabriel Attal en deux mots répétés à l’envi : action, action, action… résultats, résultats, résultats.
Avec une première échéance électorale : les européennes, le 9 juin prochain. Pour l’occasion, le Premier ministre a fait savoir qu’à la tête de son gouvernement, il va se comporter en chef de guerre. La tache va être ardue : à ce jour, dans les intentions de vote, la majorité présidentielle (qui n’a pas encore désigné sa tête de liste) compte 10 points de retard sur le RN…
Serge Bressan (correspondant à Paris)
>Le gouvernement Attal
Gabriel Attal, Premier ministre, chargé de la Planification écologique et énergétique.
Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du Renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement ; Marie Lebec, ministre déléguée chargée des Relations avec le Parlement ; Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations.
Les ministres
–Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.
Olivia Grégoire, ministre déléguée en charge des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation ; Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des Comptes publics ; Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie et de l’Énergie ; Marina Ferrari, secrétaire d’État chargée du Numérique.
–Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer.
Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des Outre-mer ; Dominique Faure, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité ; Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État déléguée à la Ville, à la Citoyenneté et à l’Intégration.
–Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités.
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la Santé ; Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée de l’Autonomie et des Personnes handicapées ; Stanislas Guérini, ministre délégué à la Transformation et à la Fonction publique ; Satah El Haïry, ministre déléguée chargée de l’Enfance et de la Famille.
-Nicole Belloubet, ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse.
-Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques.
–Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.
Agnès Panier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.
–Rachida Dati, ministre de la Culture.
–Sébastien Lecornu, ministre des Armées.
Patricia Mirallès, secrétaire d’État chargée des Anciens combattants et de la Mémoire.
–Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice.
–Stéphane Sejourné, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères.
Franck Riester, ministre délégué en charge du Commerce extérieur, de l’Attractivité, de la Francophonie et des Français de l’étranger ; Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l’Europe ; Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État à l’Europe et aux Affaires européennes.
–Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.
Patrick Vergriete, ministre délégué aux Transports ; Guillaume Kasbarian, ministre délégué en charge du Logement ; Hervé Berville, secrétaire d’État chargé de la Mer et de la Biodiversité.
–Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
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