Choose France : record d’investissements lors du grand rendez-vous de marketing

De deux mots, l’Elysée a qualifié la 7^ème édition du sommet Choose France, organisé le 13 mai 2024 sous les ors du château de Versailles : « un record » ! Pas moins de 180 patrons d’entreprises étrangères étaient présents et, au total, 56 projets ont été annoncés ainsi que 15 milliards d’euros d’investissements, les plus importants étant promis par Microsoft et Amazon. Parmi les grands bénéficiaires, la filière automobile, l’intelligence artificielle et la tech, ainsi que la finance, et aussi les engrais, le nickel, l’aviation, les robots ménagers, la chimie... Commentaire d’Emmanuel Macron, « organisateur en chef » de l’événement et par là-même plus important VRP de la France qui, récemment, avait déjà profité de la venue en France de l’Indien Narendra Modi et du Chinois Xi Jinping pour faire du business  : « Nous restons, pour la cinquième année consécutive, le pays le plus attractif d’Europe ».

La veille de l’événement, Roland Lescure, ministre chargé de l’Industrie, expliquait : « Choose France n’a jamais autant attiré, nous n’avons jamais eu autant de demandes de dirigeants étrangers. Cet afflux de demandes montre combien la France attire les industriels ».

Dans l’année 2023, toujours selon Roland Lescure, la France « a conservé son rang de première destination européenne des investissements directs étrangers » avec 1 194 créations et extensions de sites sur l’année, ce que n’avait pas manqué de mettre en avant, récemment, le Premier ministre Gabriel Attal. Commentaire de Ted Pick, nouveau patron de Morgan Stanley, la banque américaine présente à Paris depuis 1967 : « La France met beaucoup de sérieux et d’attention à être considérée comme un acteur mondial fiable et solide. C’est important ».

Microsoft en pole position des investisseurs

Le plus important investissement a été annoncé par le géant Microsoft pour un montant de 4 milliards d’euros. Explication de Brad Smith, président de la firme américaine : « La France est un élément central, elle fait déjà partie des principaux acteurs du secteur ». Concrètement, dans les régions de Paris et Marseille, Microsoft agrandira ses data centers, là où sont basés les serveurs informatiques nécessaires à la technologie du cloud et de l’IA (intelligence artificielle) et en construira un nouveau près de Mulhouse (Haut-Rhin). « La France a des atouts majeurs, par exemple son énergie décarbonée, en grande partie alimentée par son parc nucléaire, ce qui rend plus faciles les investissements dans ce pays pour ce type d’entreprise plutôt que dans d’autres. Il est donc très logique de “choisir la France” », poursuit Brad Smith.

A l’issue de ce 7^ème Choose France, le deuxième plus gros prochain investisseur dans l’Hexagone est un autre membre du GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) : Amazon qui va investir « plus de 1,2 milliard d’euros en France » à la fois dans l’IA et le cloud à travers sa filiale Amazon Web Services (AWS), mais aussi dans la logistique d’e-commerce, avec la création de « plus de 3 000 emplois ». Telehouse et Equinix, sociétés spécialisées dans la construction de data centers, en construiront également en investissant, respectivement, 1 milliard et 630 millions d’euros.

Résultante de la politique volontariste

En début d’année, dans un long discours, Emmanuel Macron avait réaffirmé la constance de sa politique économique et la nécessité de réindustrialisation de la France… Alors qu’il traverse une période difficile avec les sondages défavorables à son parti pour les prochaines élections européennes (9 juin 2024), le Président de la République veut saisir tout élément positif : il y eut le 8 mai à Marseille avec l’arrivée de la flamme pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris, puis ce 13 mai, le Choose France, à Versailles qui mettait en avant l’attractivité économique de la France et la satisfaction macroniste.

A l’Elysée, on ne manque pas la moindre occasion pour expliquer que la situation actuelle de la France est la conséquence de la « politique économique volontariste du chef de l’État, une politique fiscale attractive, des investissements dans l’innovation, des simplifications réglementaires et une stratégie claire en termes de production d’énergie décarbonée ».

Enthousiasme peu contagieux

Toutefois, cet enthousiasme de la majorité présidentielle se révèle peu contagieux. Ainsi, selon un récent sondage, 76 % des Français jugent que le gouvernement a une mauvaise gestion de l’économie. Enseignant à Harvard, l’économiste Luc Chancel assure que, contrairement à la version officielle tenue par l’Elysée, « la France est en troisième position sur l’échelle européenne de l’attractivité, derrière le Royaume-Uni et l’Espagne ».

Sous le pseudonyme de Don Diego de la Vega, un universitaire spécialiste de l’Union européenne et des questions économiques commente : « Les enseignements positifs sont assez minces sur ces projets d’investissements étrangers. Il est important d’avoir le sens des proportions. L’économie française repose sur un PIB annuel de plus de deux mille milliards d’euros. Le PIB annuel repose sur 1 500 milliards d’euros de production annuelle. Le patrimoine se compte en trillions étant donné la valorisation de nos actifs, de notre immobilier. La dette publique atteint les 3 000 milliards d’euros. Il y a également le poids des dettes privées. Le gouvernement vient donc d’annoncer 15 milliards d’investissements étrangers en France qui seront écoulés sur plusieurs années… ».

Et la Chine et l’Inde continuent de bouder la France : il y a encore du boulot pour Emmanuel Macron, VRP n°1 de la France…

Serge Bressan (correspondant à Paris)