Pour sa première campagne électorale, Christelle Batupanza (Les Engagés), veut porter la voix des sans-voix
Christelle Batupanza Ndonga fait partie de cette nouvelle génération de jeunes femmes issues de la diversité qui se sentent portées par une ambition sociale qui se traduit par un engagement politique. Cette diplômée de la VUB en sciences sociales, Molenbeekoise, trentenaire et d’origine congolaise sait pourquoi elle s’engage en politique. Candidate à la Chambre sur la liste des Engagés (conduite par Elisabeth Degryse vice-présidente de la Mutualité chrétienne) pour les élections du 9 juin, son leitmotiv reste l’altruisme, le don de soi et la volonté de travailler pour la communauté afin de faire bouger les lignes encore trop souvent rigides selon elle, surtout en ce qui concerne les politiques migratoires. Pour cette jeune femme responsable adjointe d’un service de dispatching chez Fedasil (Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile), notre pays n’assume pas son rôle de nation signataire des conventions de Genève censées protéger les hommes et les femmes dans leurs droits d’asile. Nous l’avons rencontrée et elle nous parle longuement de son engagement en politique et de sa vision de la société sous le prisme de son parti les Engagés.
Christelle Batupanza Ndonga, parlez-nous de vous en quelques mots ?
Je viens d’avoir 30 ans cette année et je suis bruxelloise d’origine congolaise. Je suis née en Belgique et j’ai grandi avec deux cultures. Ma maman est arrivée à Bruxelles lorsqu’elle avait un an avec mon grand-père venu travailler ici dans les années soixante. Mon papa est arrivé à l’âge adulte et c’est à Paris que mes parents se sont rencontrés la première fois. J’ai fait toutes mes études en néerlandais et je les ai terminées avec un Master en sciences sociales à la VUB. Je suis donc parfaitement bilingue.
Le projet « Il fera beau demain » nous a permis de prendre du recul pour travailler sur un projet beaucoup plus fort.
Mon premier boulot a été en tant que collaboratrice politique dans l’éducation de rue pour l’Asbl JES à Molenbeek. L’objectif étant de créer du lien avec les jeunes dans les différents quartiers dits difficiles, même si je n’aime pas le terme. Ma première mission fut un projet visant à amener les jeunes à développer une meilleure relation avec la police. Après 18 mois, j’ai intégré Fedasil en 2018 en tant que collaboratrice sociale. En 2022 je suis devenue adjointe dans un des services du dispatching.
Vous vous lancez aujourd’hui dans la campagne électorale sur la liste des Engagés à la Chambre. Etiez-vous déjà membre du parti depuis plusieurs années ?
Pendant mes études, je me suis dit que c’était important d’avoir aussi une éducation civique pour mieux comprendre le fonctionnement de la société. J’ai été bénévole dans l’associatif pendant des années et on voit bien qu’il y a certaines limites, que les décisions se prennent plus haut. J’ai pensé qu’il était important de m’engager en politique. D’abord en 2014, au cdH (devenu Les Engagés). Comme ma famille habitait à Bruxelles-ville, j’ai donc intégré la section locale de la ville. J’ai ensuite fait un pas de côté pour des raisons personnelles, puis je suis revenue grâce à Gladys Kazadi qui est notre vice-présidente des Engagés et députée au Parlement bruxellois. Gladys est une amie que j’ai rencontrée à l’Unicef, il y a 10 ans. En 2018-2019, j’étais dans son équipe de campagne et j’ai repris, grâce à son engagement sincère, goût à la politique.
Qu’est-ce qui vous séduit chez les Engagés que vous ne retrouvez pas dans les autres partis politiques ?
J’ai assisté à l’évolution qui a transformé le cdH en un mouvement participatif avec le projet « Il fera beau demain ». Cela m’a convaincue que les valeurs que portait le parti étaient toujours là. Des valeurs auxquelles je tiens et qui s’inscrivent dans le mouvement participatif des Engagés. Ce mouvement nous dit que la politique n’est pas une chose réservée à une certaine élite. Chaque citoyen peut prendre un engagement pour rendre meilleur l’environnement dans lequel il vit. Tout cela m’a donné envie de rester et de m’engager pour donner des réponses cohérentes aux gens et des réponses qui se rapprochent de la réalité.
Chaque citoyen peut prendre un engagement pour rendre meilleur l’environnement dans lequel il vit.
Ces dernières années, avec tout ce que nous avons vécu comme le Covid-19 par exemple, on s’est rendu compte que parfois les politiciens prennent des décisions qui sont loin de ce que les gens vivent au quotidien. Avec ce nouveau mouvement, on constate qu’on a besoin des autres, de la société civile, des gens qui connaissent le terrain pour prendre de meilleures décisions.
Toutes les valeurs que vous nous décrivez, les autres partis qui composent notre paysage politique s’en revendiquent également, vous ne pensez pas ?
Nous venons de passer 5 ans dans l’opposition. Ce temps-là, nous l’avons consacré à réfléchir au message que nous voulons porter au sein des Engagés. Cette introspection est un avantage, car les autres partis ont travaillé sans avoir eu le temps de s’arrêter pour voir ce qui a fonctionné ou pas. Le projet « Il fera beau demain » nous a permis de prendre du recul pour travailler sur un projet beaucoup plus fort. En ce qui me concerne, affirmer cette position de centriste et très important. On nous a souvent collé cette étiquette « de ne pas avoir d’avis », d’être, par moments, de gauche et par d’autres, de droite. Certaines personnes, selon leurs convictions, seront plutôt de gauche ou de droite, mais quand je vois le mouvement participatif, nous sommes surtout centristes.
Qu’est-ce que le centrisme, selon vous ?
Comme je vous le disais, selon ce qu’on défend, on sera plus à gauche ou plus à droite. Mais cela ne veut pas dire que nous n’avons pas un avis. Avec le mouvement des Engagés, on ose beaucoup plus donner notre avis. Si je prends l’exemple de l’enseignement, on a vraiment un projet clair et précis. Nous pouvons être nuancés sur certains sujets, mais cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas des convaincus.
Les Engagés restent parfois encore frileux sur certaines questions éthiques par exemple. Quelle est la position du mouvement sur ces questions en particulier ?
Laisser la liberté de conscience à chaque député de pouvoir voter librement selon ses propres convictions. Le débat n’est pas là en fait. Être pour ou contre est une chose de personnelle. Ce que je trouve important est que l’on comprenne que ce sont des questions très sensibles, sans normes à imposer à nos élus. Qu’il y ait une ligne de conduite à suivre certes, mais tout le monde doit pouvoir se mettre autour de la table afin de prendre les meilleures décisions.
L’écologie est un point important pour tous les partis politiques belges, que prévoyez-vous pour combattre le réchauffement climatique ?
Chaque parti a ses propres positions sur les questions écologiques. J’ai des collègues au sein du mouvement qui mettent la priorité sur l’écologie, sur le climat. La question écologique est très importante pour les Engagés. Nous avons cette conscience écologique liée aux problèmes climatiques.
Je travaille avec les migrants et je vois les dégâts qu’occasionnent les crises climatiques avec les flux migratoires que nous connaissons en Europe et en Belgique en particulier. Cela ne fait qu’augmenter et ce n’est pas fini.
Que feront les Engagés s’ils sont élus et qu’ils doivent travailler sur ces axes ?
La première chose, c’est que la dignité humaine soit respectée. Aujourd’hui, la Belgique est condamnée pour son mauvais accueil des migrants. L’accueil pour les demandeurs de protection internationale se passe très mal. Il y a un manque d’effectifs et un manque de places d’accueil. Peu de choses sont mises en place pour accueillir les migrants dans la dignité même si on peut compter sur les associations qui font un travail remarquable. L’accueil est un droit pour les personnes qui viennent demander la protection en Belgique. De meilleures dispositions doivent être mises en place.
Je veux être la voix des sans-voix comme les personnes porteuses de handicap, que ce dernier soit visible ou invisible.
Il faut pouvoir avoir assez de places pour accueillir tout le monde au niveau européen. Nous sommes au cœur de l’Europe et nous avons le « pacte migratoire européen » qui est mis en place par la secrétaire d’Etat actuelle à l’Asile et la Migration (Nicole de Moor/CD&V, ndlr). Ce sont des négociations qu’il faut faire avec tous les Etats membres et veiller à ce qu’on respecte cette dignité, qu’on respecte les droits humains. Bien sûr, nous n’avons pas les moyens pour accueillir tout le monde, mais on peut dire qu’il y a un groupe sacrifié aujourd’hui qui sont les hommes isolés. Ils restent dans la rue, livrés à eux-mêmes. Avec certaines structures, on essaie de limiter les dégâts, mais la Cour européenne a condamné la Belgique, car elle est prise en défaut sur ces situations précises.
Comment comptez-vous faire campagne ?
C’est une aventure très excitante. Ce qui est important pour moi, c’est de porter mes priorités et surtout celles que je maitrise. Mise à part l’immigration, je veux être la voix des sans-voix comme les personnes porteuses de handicap, que ce dernier soit visible ou invisible. Moi-même, je suis atteinte d’un handicap invisible, une maladie chronique. De par mon engagement, je veux aussi montrer qu’on peut avoir un handicap, une maladie et faire de grandes choses. Je suis aussi sensible à la jeunesse. C’est important d’incarner cette jeunesse dans toute sa diversité. On a besoin de s’identifier à des personnes qui nous ressemblent dans la société. J’irai aussi à la rencontre des plus âgés, car c’est important de créer du lien intergénérationnel.
Durant la campagne, j’ai la chance d’avoir « Papa » Pierre Kompany (père du footballeur, Vincent Kompany, ndlr) comme parrain de campagne. J’étais encore une enfant quand il a commencé son engagement, c’est donc un honneur pour moi d’apprendre à ses côtés. Mon souhait est de mener à bien cet engagement sincère au service des autres et veiller au bien de tous.
Entretien : Malika Madi