Politique

France : Surpassé par le RN aux européennes, le Président Macron joue à quitte ou double et dissout l’Assemblée nationale


Rien moins qu’un coup de tonnerre, un tsunami… bref, un événement historique en France en ce 9 juin 2024. D’abord, les résultats des élections européennes avec le raz-de-marée du Rassemblement national (RN, extrême droite) et ses 32% des voix, et la déroute de la coalition présidentielle (15%) qui recueille seulement un point de plus que la liste Place Publique-Parti socialiste (gauche). Ensuite, une heure après la révélation des premières estimations, la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée, dans un discours de quatre minutes, par le Président de la République Emmanuel Macron, se référant à l’article 12 de la Constitution de la Vème République pour une décision prise ce dimanche soir 9 juin à 19 heures.

Dans sa courte allocution (4 minutes), Emmanuel Macron a reconnu que « le principal enseignement de ce scrutin n’est pas un bon résultat pour les partis français qui défendent l’Europe ». Et de pointer ces partis, le Rassemblement national et Reconquête ! (5,5% des voix), qui ne sont pas favorables à l’Europe. « Ces partis représentent aujourd’hui 40%, c’est une situation à laquelle je ne peux pas me résoudre. Je ne peux pas faire comme si de rien n’était ». Donc, dissolution de l’Assemblée nationale, et de nouvelles élections législatives les 30 juin et 7 juillet prochains. « C’est un temps de clarification », dit encore Emmanuel Macron.

Dissolution audacieuse

Dans les jours prochains, le Président de la République va préciser le pourquoi de cette dissolution de l’Assemblée nationale dans laquelle, depuis les élections législatives de juin 2022, Emmanuel Macron et ses soutiens ne pouvaient compter que sur une majorité relative, synonyme de difficulté, voire d’impossibilité de gouverner et de mener des réformes.

La ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin défend la décision du Président : « Cette dissolution, c’est une audace ». De son côté, le politologue Jérôme Jaffré analyse : « En prononçant cette dissolution, le Président de la République prend un risque historique. Dans les prochains jours, il développera un thème très simple : « Voulez-vous confier le pays au Rassemblement national et à son programme ? » Et insistera sur la possibilité de voir Jordan Bardella, le président du RN, à l’Hôtel de Matignon dans les habits de Premier ministre…

AFP

Marine Le Pen (à gauche sur la photo) et son poulain, Jordan Bardella, président du Rassemblement national se réjouissent de la dissolution de l’Assemblée nationale et se disent prêts à exercer le pouvoir. Mais il faut encore attendre les élections de fin juin et début juillet. (Photo par STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Le Rassemblement nationale jubile

Evidemment, Marine Le Pen, la « patronne » du RN, est intervenue dans la foulée de la décision d’Emmanuel Macron : « Le Président de la République a répondu à l’appel de Jordan Bardella… » et d’ajouter : « Nous sommes prêts à exercer le pouvoir. Nous sommes prêts à mettre fin à l’immigration de masse. Nous sommes prêts à redresser le pays. Nous sommes prêts à gouverner ». Une rumeur laisse même entendre que le RN est en ordre de bataille pour ces prochaines législatives des 30 juin et 7 juillet prochains avec, déjà désignés, 577 candidats à la députation.

Au-delà de la stupéfaction de cette dissolution, nombre d’observateurs de la chose publique laissent entendre que le Président de la République joue un sacré coup de dés. Et de rappeler ce qu’avait fait le Président François Mitterrand en 1986 en nommant son adversaire Jacques Chirac au poste de Premier ministre.

Ainsi, en lui confiant les affaires du pays, Mitterrand avait fait le pari que Chirac échouerait dans sa mission et perdrait ainsi, contre lui, la présidentielle de 1988. Ces mêmes observateurs assurent que, tel un maître machiavélique de la politique, Emmanuel Macron sait qu’en appelant les Français aux urnes les 30 juin et 7 juillet, le RN pourrait obtenir la majorité à l’Assemblée nationale et, dans la foulée, il nommerait Jordan Bardella à Matignon.

Il prend ainsi le pari très clair, à ses yeux : montrer que le parti d’extrême-droite est incompétent pour gérer le pays. Et ainsi, mettre en échec la candidature déjà annoncée de Marine Le Pen à la présidentielle de 2027 pour laquelle, pour mémoire, Emmanuel Macron, constitutionnellement, ne peut briguer un troisième mandat…

Serge Bressan (correspondant à Paris)


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