Législatives 2024: les Français de l’étranger ont snobé le Rassemblement national
Alors que la France métropolitaine se réveille avec une gueule de bois électorale suite au raz de marée de l’extrême droite aux élections législatives, les Français de l’étranger semblent avoir fait un autre choix. La France avait en effet introduit en 2010, 11 circonscriptions dans le monde entier pour permettre aux Français résidant à l’étranger d’élire des parlementaires devant les représenter à l’Assemblée nationale. Deux élections législatives plus tard, l’initiative est un succès avec une participation des Français de l’étranger qui n’a rien à envier à celle de la France métropolitaine. Cependant, le paysage politique dessiné par les Français de l’étranger diffère drastiquement des résultats en France. Le RN n’est qualifié dans aucune circonscription pour participer au deuxième tour des législatives prévues le 7 juillet.
La tendance observée en France sur le taux de participation s’est confirmée en avance pour les Français de l’étranger qui avaient accès au vote en ligne. Cette formalité de vote a eu un fort succès avec des taux de participation qui ont quasiment doublé dans certaines circonscriptions avec environ 410.000 Français résidant hors de France qui ont voté en ligne en juin 2024 contre 250.000 en 2022.
Le RN qui ne se qualifie pas au second tour
Dans les 11 circonscriptions des Français de l’étranger, il n’y aura aucune triangulaire avec le RN. En effet, le parti d’extrême droite ne s’est pas qualifié au second tour dans aucune des 11 circonscriptions. Si les candidats du Nouveau Front Populaire (NFP) et Renaissance se qualifient avec entre 30 et 40 % des voix, le RN arrive en général loin derrière avec environ 5 % des voix.
Le message des Français de l’étranger est donc clair, ils disent non au Rassemblement National. Pas étonnant puisque beaucoup de ressortissants français qui habitent à l’étranger évoluent dans un contexte de melting pot culturel peu compatible avec les politiques xénophobes du RN.
De plus, une majorité des Français de l’étranger sont binationaux et donc ne seraient plus les bienvenus sous le régime de préférence nationale prôné par le RN. « Il est quand même contradictoire pour un Français de l’étranger qui est lui-même un immigré de voter pour un parti anti-immigration », explique Benjamin Ko, militant LFI/NFP.
Le parti présidentiel en tête dans 5 circonscriptions
Si dimanche soir, chez Renaissance (le parti présidentiel) et ses alliés du groupe Ensemble, l’ambiance était morose, les résultats des circonscriptions des Français de l’étranger ont dû leur redonner du baume au cœur. En effet, Renaissance se qualifie dans toutes les 11 circonscriptions et arrive en tête dans 5 d’entre elles, notamment aux Etats-Unis, dans la Péninsule Ibérique, en Suisse, dans les Balkans et en Asie/Europe de l’Est.
Historiquement, les Français de l’étranger sont des migrants économiques et ils sont là pour leur développement personnel, c’est une migration de confort avec une mentalité libertarienne et entrepreneuriale.
La posture économique internationaliste et les positions de politique internationale du Président de la République, Emmanuel Macron, semblent donc faire leur effet sur les Français de l’étranger. « Emmanuel Macron jouit d’une très bonne image à l’international. Historiquement, les Français de l’étranger sont des migrants économiques et ils sont là pour leur développement personnel, c’est une migration de confort avec une mentalité libertarienne et entrepreneuriale », poursuit Benjamin Ko.
Les militants Renaissance, eux, n’ont pas souhaité s’exprimer sur ces résultats du premier tour.
Deux blocs pour le second tour
En attendant, un élément caractéristique de ce premier tour des législatives tant en France métropolitaine que chez les Français de l’étranger, résulte dans les marges extrêmement fines entre certains candidats. Si en France métropolitaine, la situation se traduit par un nombre record de triangulaires, pour les Français de l’étranger, deux blocs s’affronteront durant le second tour : Renaissance et le NFP. La bataille sera donc rude entre les deux camps, car dans certaines circonscriptions, les écarts de voix sont minimes. Dans la 3e circonscription d’Europe du Nord, il n’y a que 63 voix d’écart entre la candidate NFP en tête et son adversaire Renaissance. Chaque voix comptera donc plus que jamais dans cette élection législative définitivement hors du commun.
Le Nouveau Front Populaire chez les Français d’Afrique
L’autre fait majeur de ce premier tour chez les Français de l’étranger est la remontada de l’alliance de gauche. Alors qu’aux dernières législatives de 2022, l’union de gauche (à l’époque sous la bannière NUPES) n’avait pas convaincu les Français de l’étranger (elle avait décroché deux sièges de parlementaires), cette fois, on assiste à une vraie victoire pour le NFP, car ses candidats sont qualifiés pour le second tour dans 10 des 11 circonscriptions et sont en tête dans 5 d’entre elles.
Le Nouveau Front Populaire arrive en tête dans les circonscriptions d’Amérique du Sud, d’Europe du Nord, dans le Benelux et sur le continent africain.
On espère maintenant que la stratégie d’Emmanuel Macron ne va pas marcher, et que son électorat de base aura maintenant une plus grande aversion pour le Rassemblement National.
Clara Euler, une autre militante NFP, commente l’attitude de la gauche et dénonce la position ambiguë du chef de l’Etat pour le second tour en France métropolitaine. « On espère maintenant que la stratégie d’Emmanuel Macron ne va pas marcher, et que son électorat de base aura maintenant une plus grande aversion pour le Rassemblement National que pour le Nouveau Front Populaire et qu’ils réaliseront les dangers d’une extrême droite au pouvoir. Mais Emmanuel Macron n’a pas donné de consignes de vote claires pour faire barrage à l’extrême droite, alors la gauche le fait depuis des années. Après avoir tout fait pour faire passer la France Insoumise comme un parti de l’extrême, alors même que le conseil d’Etat a statué sur ce sujet. Emmanuel Macron a semé les graines du chaos et ne prend pas, sans surprise, sa part des responsabilités », dénonce-t-elle.
Léna Job (à Londres)
Situation dans les 11 circonscriptions après le premier tour
1re circonscription
Etats-Unis et Canada
Roland Lescure (Renaissance-Ensemble) : 38,84 %
2e circonscription
Mexique, Amérique centrale, Caraïbes et Amérique du Sud
Sergio Coronado (EELV-NFP) : 36,16 %
Eléonore Caroit (Renaissance-Ensemble) : 33,49 %
3e circonscription
Europe du Nord (îles britanniques, Islande, Scandinavie, Finlande et pays baltes)
Charlotte Minvielle (EELV-NFP) : 39,22 %
Vincent Caure (Renaissance-Ensemble) : 39,13 %
4e circonscription
Belgique, Pays-Bas et Luxembourg
Cécilia Gondard (PS-NFP) : 37,45 %
Pieyre-Alexandre Anglade (Renaissance-Ensemble) : 35,46 %
5e circonscription
Péninsule ibérique et Monaco
Stéphane Vojetta (Divers centre-Ensemble) : 33,68 %
Maxime Da Silva (LFI-NFP) : 26,18 %
6e circonscription
Suisse et Liechtenstein
Marc Ferracci (Renaissance-Ensemble) : 40,54 %
Halima Delimi (PS-NFP) : 30,81 %
7e circonscription
Europe centrale et Balkans
Frédéric Petit (Modem-Ensemble) : 37,78 %
Asma Rharmaoui-Claquin (LFI-NFP) : 32,58 %
8e circonscription
Chypre, Grèce, Israël, Italie, Malte, Turquie et territoires palestiniens
Meyer Habib (Les Républicains) : 35,58 %
Caroline Yadan (Renaissance-Ensemble) : 24,18 %
9e circonscription
Maghreb et Afrique de l’Ouest (hors Bénin, Ghana, Togo et Nigeria)
Karim Ben Cheïkh (EELV-NFP) : 51,57 %
Samira Djouadi (Renaissance-Ensemble) : 15,70 %
Malgré son score, le député sortant de la 9e circonscription des Français de l’étranger, Karim Ben Cheïkh, en raison de la faible participation (28 %), un deuxième tour aura donc lieu.
10e circonscription
Proche-Orient et grande partie de l’Afrique
Elsa Di Meo (PS-NFP) : 32,52 %
Amélia Lakrafi (Renaissance-Ensemble) : 31,82 %
11e circonscription
Russie, Ukraine, Bélarus, Moldavie, pays du Caucase, majeure partie de l’Asie, Océanie
Anne Genetet (Renaissance-Ensemble) : 39,94 %
Franck Pajot (PS-NFP) : 29,78 %