Politique

Législatives en France : un raz de marée extrémiste qui interpelle, mais prévisible


Le premier tour des élections législatives organisées ce dimanche 30 juin a livré ses résultats et sans surprise, comme l’ont prédit les sondages jusqu’aux derniers jours, le Rassemblement national (RN) arrive largement en tête. Avec 34% des voix, le parti héritier du Front national de Jean-Marie Le Pen devance le Nouveau front populaire (NFP) qui recueille 28,1% des voix contre 20,7% pour la majorité présentielle (sous bannière Ensemble avec Renaissance du président Emmanuel Macron, le Mouvement démocrate de François Bayrou, Horizons d’Edouard Philippe, etc.) et environ 10% pour Les Républicains.

Ce premier tour des législatives a mobilisé, plus que jamais les citoyens français puisqu’elles ont mobilisé près de 68% des électeurs qui se sont déplacés pour faire entendre leurs voix. Un record de mobilisation que la France n’a plus connu depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en 1997 par Jacques Chirac où les législatives ont attiré 67,9% des électeurs. Visiblement, le séisme de la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par le président Emmanuel Macron (alors qu’il avait soutenu qu’il ne le ferait pas quels que soient les résultats des élections européennes) et l’enjeu du scrutin ont décidé les Français à sortir de chez eux pour manifester leurs préférences.

Le séisme de la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par le président Emmanuel Macron et l’enjeu du scrutin ont décidé les Français à sortir de chez eux pour manifester leurs préférences.

Sitôt les résultats annoncés, les différents responsables politiques français de tous les bords, à l’exception de l’extrême droite, ont sonné le tocsin contre celui-ci, appelant à faire barrage contre le Rassemblement national lors du second tour prévu le 7 juillet. Des voix venues de l’extérieur, notamment de Belgique s’émeuvent des résultats des législatives en France. Mais les consignes risquent de ne pas être suivies. Il n’y a qu’à voir les efforts déployés avant le premier tour pour dissuader les Français de voter pour les extrêmes, mais ceux-ci ont cartonné, le parti présidentiel et ses alliés et ce qui reste des Républicains (la droite n’ayant pas pactisé avec le RN) sont laminés.

Les discours rationnels, plein de bon sens et défendant les valeurs de solidarité, des droits humains et du vivre ensemble servis par les partis démocratiques n’ont pas résisté aux allocutions de haine, de division, teintées de contre-vérités par l’extrême droite et ses alliés. Même le bilan de la majorité présidentielle mettant en avant la bonne santé de l’économie française et la réduction du chômage n’ont pas suffi à détourner la majorité des Français des thèses de l’extrême droite. Non seulement la dédiabolisation du parti héritier du Front national (fondé par Jean-Marie Le Pen) a réussi, mais les idées martelées par les responsables du RN et leurs nervis ont désormais conquis les esprits.

Non seulement la dédiabolisation du parti héritier du Front national a réussi, mais les idées martelées par les responsables du RN et leurs nervis ont désormais conquis les esprits.

La stratégie du bouc émissaire (tenant l’étranger et tout ce qui lui ressemble comme la source de tous les maux), l’exploitation des problèmes d’insécurité, le tout saupoudré de mauvaise foi semblent donner des résultats. Face au rouleau compresseur de l’extrême droite française décomplexée, le Nouveau front populaire (NFP) apparaît comme un attelage de partis hétéroclites dont le programme ressemble plutôt à un patchwork sans un réel lien cohérent. Le seul élément de ralliement est « tous contre l’extrême droite », c’est maigre insuffisant comme offre politique.

Désormais, la France est sur le point de rejoindre la liste des pays comme les Pays-Bas, l’Italie, la Pologne ou la Hongrie où l’extrême droite a conquis le pouvoir au niveau national. Les élections européennes avaient donné un avant-goût de cette montée, mais Emmanuel Macron a fait un pari qu’il a perdu.

La lucidité recommande de reconnaître que les partis politiques traditionnels n’ont pas réussi à répondre aux besoins vitaux d’une grande partie de la population qui souffre et qui a perdu ses illusions.

Certes, le président français est le premier responsable de cette première erreur d’analyse. Mais les résultats des élections législatives en France sont la conséquence d’un mouvement beaucoup plus profond. La lucidité recommande de reconnaître que les partis politiques traditionnels, drapés dans leur certitude sur plusieurs points, n’ont pas réussi à répondre aux besoins vitaux d’une grande partie de la population qui souffre et qui a perdu ses illusions. Elle se sent menacée dans ses valeurs.

L’heure est donc grave et il est plus que temps pour les partis traditionnels de revoir leur stratégie et d’être plus à l’écoute de la population, des petites gens dont les souffrances n’arrivent plus à leurs oreilles. Les démocrates doivent faire front, mais ils doivent désormais éviter d’adopter des positions et des discours donnant l’impression de minimiser les problèmes d’insécurité ou d’accorder trop d’importance à la tolérance.


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