Avant le premier tour des législatives en France, plus de 200 personnalités, présentes sur les réseaux sociaux s’étaient mobilisées dans une tribune sur Médiapart pour inciter leurs publics à voter pour le Nouveau Front Populaire. Alors, est-ce que ces influenceurs et youtubeurs peuvent avoir un réel impact sur les intentions de vote, surtout chez les jeunes qui votent pour la première fois en majorité pour le Rassemblement National ? Et quelles sont les réglementations face à cette nouvelle manière de faire campagne ? Certes, il y a eu une mobilisation durant ce premier tour avec un taux de participation de près de 67%, mais elle indique qu’elle a été plus forte en faveur du parti d’extrême droite qui arrive en tête avec plus de 33% des voix. Reste à voir si cette mobilisation et les nombreux désistements vont porter des fruits.
Au lendemain de la dissolution surprise de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, le plus gros streamer français, Squeezie, qui a plus de 9 millions d’abonnés sur YouTube, avait adressé une lettre ouverte sur Instagram à son jeune public intitulée « Lettre ouverte à tous les jeunes qui me suivent » et dans laquelle il sort de sa réserve habituelle et explique : « Je n’ai jamais voulu parler de politique avec vous […] car chacun est maître de ses convictions et je ne veux pas que les miennes influencent les vôtres. Mais je pense que s’opposer fermement à une idéologie extrême qui prône la haine et la discrimination va au-delà d’une quelconque prise de position politique » (https://www.instagram.com/p/C8MoUsdMgC4/?img_index=1).
C’est tout à fait normal qu’avec cet écran de fumée, des tas de gens croient en leurs changements. Le RN ne vous aidera pas.
Il donne aussi des contre-arguments à la communication léchée sur les réseaux sociaux comme TikTok, avec des personnalités qui parlent aux jeunes comme Jordan Bardella qui maîtrise parfaitement ce genre de communication. « C’est tout à fait normal qu’avec cet écran de fumée, des tas de gens croient en leurs changements », poursuit-il. Avant de conclure : « Le RN ne vous aidera pas. Alors s’il vous plaît, allez voter les 30 juin et 7 juillet prochains et gardez en tête que voter pour un parti qui prône la haine, la discrimination et la peur de l’autre n’a jamais été une solution et ne le sera jamais ».
Squeezie s’offre donc en nouvel exemple de ce qui a longtemps été appelé le barrage républicain, mais ne s’est cependant pas risqué à émettre une consigne de vote explicite.
Une tribune sur Mediapart
Plusieurs de ses comparses des réseaux sociaux ont signé une tribune sur le site Médiapart en appellant à ouvertement à voter pour la nouvelle coalition de gauche, le Nouveau front Populaire (https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/170624/plus-de-300-personnalites-d-internet-appellent-se-mobiliser-l-histoire-nous-regarde).
Avec plus de 300 signataires, cette tribune est historique pour une catégorie de personnes qui observent généralement une neutralité politique pour ne pas risquer d’offenser leurs collaborations commerciales. Cependant, l’urgence de la situation semble avoir pris le pas sur toutes considérations économiques. Pour les signataires de la tribune, « l’heure n’est plus à la neutralité ».
La tribune signée avant le premier tour est plus que jamais d’actualité. « Nous, créatrices, créateurs, personnalités d’Internet, appelons à la mobilisation. L’Histoire nous regarde et nous avons jusqu’au dimanche 30 juin, premier tour des élections législatives, pour encourager nos communautés à voter. Nous voulons faire front commun. Nous pouvons, collectivement, éviter l’ascension au pouvoir de l’extrême droite. Un autre avenir est possible », soulignent les signataires de la tribune.
Se mobiliser sur internet peut parfois faire peur de perdre de l’audience ou des sponsors.
Ils appelaient à voter massivement contre l’extrême droite. Le premier tour semble indiquer que la mobilisation n’a vraiment fonctionner puisque le RN arrive en tête au soir du 30 juin. Reste à voir maintenant ce qu’il en sera de la mobilisation du second pour lequel on assiste à des désistements tous azimuts pour battre le le parti de Marine Le Pen et de Jordan Bardella.
En effet, les signataires sont conscients des conséquences que cette prise de position peut avoir sur leurs revenus et leurs carrières. « Se mobiliser sur internet peut parfois faire peur de perdre de l’audience ou des sponsors, ce faisant, de nombreux créateurs et créatrices de contenus hésitent à prendre la parole », rappellent-ils. Mais ils estiment qu’une « clarification est nécessaire ». Et pour eux, les sponsors et abonnés perdus en raison de cette opération « sont ceux qui tolèrent un pouvoir d’extrême droite ».
Quel encadrement pour la publicité politique ?
Comme souvent lorsqu’il est question d’influenceurs, la question de la rémunération est posée, pour savoir s’ils ont été payés par un parti politique pour en faire leur promotion.
Pour ce qui est d’une prestation rémunérée, le code électoral est très clair : « L’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite ».
L’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite.
En revanche, lorsqu’il s’agit de la promotion d’idées, de partis ou de candidats politiques, si cela n’est pas fait à titre onéreux, les influenceurs sont alors libres d’exprimer leurs opinions sans restrictions. Mais certains influenceurs affirment avoir reçu des propositions de partenariat avec un parti politique pour 15.000 euros pour promouvoir leurs idées sur les réseaux sociaux, ce qui est illégal.
Il sera donc intéressant de garder un œil sur l’évolution des nouveaux moyens de communication utilisés par les divers partis politiques qui veulent de plus en plus s’adapter au langage d’une jeunesse qui s’informe presque exclusivement sur les réseaux sociaux.
Riposte du RN
Le Rassemblement National est donc sous le feu d’une mobilisation sur les réseaux sociaux sans précédent. Cependant, le parti d’extrême droite utilise lui aussi les outils numériques à son avantage. Dans un post sur Instagram, son président Jordan Bardella avait riposté à la sortie de Squeezie. Il adresse sa lettre ouverte « À tous les jeunes qui suivent Squeezie (et les autres) » (https://www.instagram.com/p/C8NHMxCMoc8/?img_index=1).
Alors si ce jeu de ping-pong politique peut prêter à sourire sur la forme, le fait est que la polarisation politique actuellement en œuvre en France impacte de plus en plus les réseaux sociaux et donc les jeunes.
On assiste donc à une nouvelle forme de communication politique qui a l’avantage de toucher un public qui était jusqu’alors moins politisé, avec des jeunes de 18-25 ans qui étaient majoritairement abstentionnistes, mais qui a pour désavantage d’être extrêmement manichéenne et souvent manque de vérifications.
Il n’est donc pas étonnant que le parti qui voulait le plus se refaire une image se soit jeté sur l’occasion d’attirer un électorat qui pourra peut-être les faire accéder au pouvoir.
On a vu les résultats du premier tour des législatives, on verra ce qu’il en sera le 7 juillet, date du second tour.
Lena Job
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