ECHEC EN VUE POUR LES CONSERVATEURS

Législatives au Royaume Uni : vent favorable pour les Travaillistes qui vont revenir au pouvoir

Le chef du parti travailliste, principal parti d'opposition britannique, Keir Starmer, prononce un discours lors d'un événement de campagne à Glasgow, le 3 juillet 2024, à la veille des élections générales britanniques. AFP

Alors que les Britanniques sapprêtent à se rendre aux urnes ce jeudi 4 juillet, à quoi ressemble le paysage politique et qui est en lice pour devenir le prochain Premier ministre ? La campagne fut très courte, car les candidats avaient moins de deux mois pour convaincre, mais elle a été catastrophique pour les Conservateurs. Alors que le parti de droite, au pouvoir depuis 14 ans au Royaume-Uni, était déjà en mauvaise posture, le Premier ministre Rishi Sunak, candidat à sa propre réélection, apparaît désormais comme un élément encombrant. Les sondages sont favorables aux Travaillistes qui sont sur le point de signer leur retour au pouvoir après 5 ans dans l’opposition.

D’abord, Rishi Sunak, multimillionnaire avec une fortune plus élevée que le roi Charles III, est vu par l’électorat britannique comme un « snob » en dehors des réalités. Lors d’une interview, poussé à apparaître plus proche du peuple, il a voulu convaincre qu’il venait de la classe moyenne et qu’il avait grandi « privé dun certain confort ». Lorsque le journaliste l’a pressé de donner un exemple de ce dont il a été privé en grandissant, Sunak a répondu penaud : « Plein de choses, comme une souscription à Sky TV ». Ce qui était censé être une boutade est très mal passé auprès du peuple britannique, actuellement dans une crise économique sans précédent, et dans un pays où le nombre de banques alimentaires a doublé en quelques années.

Retour surprise de Boris Johnson

Le Premier ministre Rishi Sunak a aussi essuyé un scandale qui éclabousse certains de ses proches collaborateurs, accusés de paris illégaux sur la date des prochaines élections législatives, la veille de l’annonce par Rishi Sunak.

La leçon que je tire de la montée du populisme en France et dans tous les autres pays européens est que nous devons répondre aux préoccupations quotidiennes de tant de personnes dans ce pays.

Mardi 2 juillet, lors d’un dernier rassemblement des conservateurs avant le grand plongeon de ce jeudi, Boris Johnson a fait une apparition surprise, sa première depuis le début de la campagne. Peut-être un retour en grâce pour l’ancien Premier ministre, qui est toujours très populaire auprès de la branche dure du parti. En tout cas, pour Rishi Sunak, il s’agissait de (re)mettre du baume au cœur des adhérents du parti. Boris Johnson lui ne baisse pas les bras et assure qu’il « n’était pas trop tard » pour empêcher le Parti travailliste de former le prochain gouvernement.

Même si les conservateurs ont grappillé quelques points dans le dernier sondage réalisé par la BBC, les travaillistes ont toujours une avance de 19 points et sont en passe de gagner entre 350 et 400 sièges au parlement de Westminster sur 650 sièges et sont donc quasiment assurés d’avoir une majorité.

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L’ancien Premier ministre, Boris Johnson s’adresse aux partisans du Parti conservateur au National Army Museum à Londres le 2 juillet 2024 dans le cadre d’un évènement de campagne pour les législatives de ce jeudi 4 juillet. (Photo by JUSTIN TALLIS / AFP)

Les Travaillistes gagnants, mais un public désabusé

Le Parti travailliste revient de loin. En effet, lors des dernières élections législatives de 2019, fort d’un candidat charismatique, mais controversé et qui incarnait l’idée du Brexit, comme Boris Johnson, les Conservateurs avait la majorité des sièges et raflé au passage des bastions travaillistes dans le nord du pays notamment. Après cette défaite historique, le Parti travailliste, qui était alors mené par Jeremy Corbyn, s’est transformé et est devenu plus centriste pour pouvoir regagner la confiance des électeurs.

Après 5 ans de chaos depuis l’élection de Boris Johnson, qui a vu 3 Premiers ministres se succéder, les travaillistes ont su profiter des nombreux scandales qui ont éclaboussé les Conservateurs, la gestion du Covid-19 par l’ancien maire de Londres et la catastrophe économique causée par Liz Truss.

Cependant, Keir Starmer, le nouveau leader des Travaillistes, est conscient que même si le Labour capitalise sur la déception des électeurs face aux erreurs des conservateurs, il admet que les votes qu’il obtient ne sont pas toujours des votes de conviction. Malgré son avance confortable dans les sondages, il se dit toujours « prudent » et rappelle aux membres du parti qu’il y a encore beaucoup à faire pour convaincre.

Mise en garde des Travaillistes

Enfin, il tire aussi les leçons de la méfiance de la population vis-à-vis des politiques et de ses conséquences dangereuses. En mentionnant les résultats du premier tour des législatives en France qui placent l’extrême droite aux portes du pouvoir, il met en garde : « La leçon que je tire de la montée du populisme en France et dans tous les autres pays européens est que nous devons répondre aux préoccupations quotidiennes de tant de personnes dans ce pays qui se sentent désaffectées par la politique, qui pensent que le pays est soit trop brisé pour être réparé, soit qu’ils ne peuvent pas faire confiance aux politiciens à cause de ce que les Conservateurs ont fait ces 14 dernières années. Nous devons affronter cela et montrer ce jeudi au Royaume-Uni que seuls les progressistes ont les réponses aux défis auxquels nous sommes confrontés dans ce pays et à travers l’Europe. (…). Nous devons faire valoir que la politique est une force pour le bien ».

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Le Premier ministre, Rishi Sunak, chef du Parti conervateur prononce un discours lors de son dernier rassemblement de campagne au Romsey Rugby Football Club à Romsey, Hampshire, le 3 juillet 2024. (Photo par Claudia Greco / POOL / AFP)

Le grand retour de lextrême droite

L’extrême droite justement monte dans les sondages au Royaume-Uni aussi. En effet, avec la réapparition de Nigel Farage, architecte du Brexit, qui a fait son come-back peu après l’annonce de l’élection.

Bien sûr, il est clair qu’il ne s’agit pas du raz-de-marée français, mais l’extrême droite rassemble tout de même 11 % des voix. Même si cette tendance aura peu d’incidence sur la coloration politique du parlement, puisque le système électoral britannique est en représentation proportionnelle, le parti de Farage, Reform UK, ne devrait obtenir que 4 à 5 sièges.

Cependant, ce retour inquiète les Conservateurs tout comme les Travaillistes, qui se font tous deux siphonner des voix par le parti d’extrême droite, qui capitalise sur les déçus de la politique, et il y en a beaucoup.

Les travaillistes sont donc en passe de gagner ce jeudi, mais la tâche sera difficile et ils courent eux aussi le risque de se faire remplacer sans ménagement par l’extrême droite s’ils n’arrivent pas à être à la hauteur des défis.

Léna Job (à Londres)