Politique

Législatives au Royaume-Uni : victoire écrasante des Travaillistes de Keir Starmer


Hier, jeudi 4 juillet, avaient lieu les élections générales au Royaume-Uni, qui prédisaient une victoire sans précédent pour les Travaillistes (Le Labour). Eh bien, c’est chose faite : à mesure que les résultats de toutes les circonscriptions sont annoncés dans la matinée, les Travaillistes ont déjà obtenu une majorité des sièges au parlement, ce qui permet officiellement de désigner Sir Keir Starmer comme le futur nouveau Premier ministre du pays. Les Travaillistes sont en passe de remporter la plus forte majorité jamais atteinte avec plus de 400 sièges au parlement britannique. Dans le camp des Conservateurs, plusieurs ténors du parti du Premier ministre sortant, Rishi Sunak, ont d’ailleurs perdu leur siège comme l’ancienne présidente du groupe parlementaire des Conservateurs, Penny Mordaunt ; l’ancien ministre de la Défense, Grant Shapps; l’ancien garde des Sceaux, Alex Chalk, et enfin l’ancienne éphémère Première ministre, Liz Truss. Rishi Sunak démissionne de la présidence du parti conservateur. Et les petits partis enregistrent de belles victoires, notamment celui d’extrême droite, Reform UK, dirigé par le « Brexiter », Nigel Farage.

Alors que les derniers sondages prédisaient une majorité des sièges pour les Travaillistes, certains étaient encore sceptiques quant à la magnitude du raz-de-marée. C’était donc une des surprises de la soirée de ce jeudi 4 juillet, jour des élections. Alors que les prévisions donnaient au Labour entre 350 et 400 sièges, il est en passe d’en gagner entre 410 et 420, ce qui serait non seulement le meilleur résultat pour le parti de gauche, mais aussi la majorité la plus forte jamais atteinte.

L’annonce fut une telle surprise hier que même les journalistes en ont perdu leurs mots, comme sur Sky News, où l’on peut entendre l’étonnement en direct des présentateurs qui n’ont pas réussi à cacher leur surprise.

Votes de rejet des Conservateurs

Même si, contrairement à un pays comme les Etats-Unis, le nombre de sièges détenus par le parti majoritaire a peu d’incidence sur la gouvernabilité du parlement, il s’agit cependant d’un message extrêmement clair adressé aux Conservateurs.

Après une défaite, tout aussi historique en 2019, alors que le Labour était encore dirigé par Jeremy Corbyn, opposé aux Conservateurs de Boris Johnson, les Travaillistes réalisent un exploit. « Nous lavons fait », a commenté un Keir Starmer, visiblement épuisé par la campagne, aux membres du Labour en liesse.

A l’instar du Président français, Emmanuel Macron, lors de sa réélection en 2022, Keir Starmer est conscient que beaucoup de votes décrochés par le Labour se sont faits en opposition aux Conservateurs et non par conviction pour les Travaillistes.

Et ce n’était en effet pas une mince affaire puisque les Travaillistes se sont battus, depuis 5 ans, pour réussir à convaincre de nouveau. A l’instar du Président français, Emmanuel Macron, lors de sa réélection en 2022, Keir Starmer est conscient que beaucoup de votes décrochés par le Labour se sont faits en opposition aux Conservateurs et non par conviction pour les Travaillistes.

Sa majorité est donc élevée, mais tous les regards des Britanniques sont maintenant braqués sur le nouveau Premier ministre, et ils seront tout aussi intransigeants qu’avec les Conservateurs si les Travaillistes devaient échouer à réparer ce que 14 ans de gouvernement conservateur ont détruit.

Un autre facteur qui peut faire de l’ombre à cette victoire sans précédent, c’est le taux de participation qui est au plus bas depuis 1885, et démontre donc une désillusion de l’électorat pour la politique en général auquel Keir Starmer devra être très attentif.

AFP

Le chef du parti travailliste britannique, Keir Starmer, aux côtés de son épouse Victoria, lors d’un rassemblement de victoire à la Tate Modern de Londres le 5 juillet 2024. (Photo par JUSTIN TALLIS / AFP)

Des ténors Conservateurs perdent leurs sièges

Il s’agit donc d’une défaite sans précédent pour les Conservateurs, un des plus anciens partis politiques du monde, qui ont été sanctionnés par les électeurs britanniques. Ils ont pour l’instant acquis 119 sièges et enregistrent donc une perte de 248 sièges. En effet, en 2019, les Conservateurs avaient décroché 367 sièges sur un total de 650 députés au Parlement britannique, infligeant une sérieuse défaite aux Travaillistes. Pour ces législatives de 2024, ces derniers ont fait plus fort en s’adjoignant près de 410 sièges.

Plusieurs ténors du parti du Premier ministre sortant, Rishi Sunak, ont d’ailleurs perdu leur siège comme l’ancienne présidente du groupe parlementaire des Conservateurs, Penny Mordaunt ; l’ancien ministre de la Défense, Grant Shapps; l’ancien garde des Sceaux, Alex Chalk, et enfin l’ancienne éphémère Première ministre, Liz Truss.

Les raisons de l’échec des Conservateurs

Alors comment expliquer cette descente aux enfers pour les Conservateurs ?

D’abord le Brexit, qui avait permis aux Conservateurs d’apaiser l’aile dure de leur parti tout en gardant l’extrême droite hors du parlement, a été un échec cuisant. Les Britanniques regrettent leur choix, car la décision de quitter l’Union Européenne a eu des répercussions désastreuses sur l’économie britannique.

Puis il y a aussi la gestion de la crise du Covid-19, qui a été désastreuse au début de l’épidémie. Alors que le reste de l’Europe commençait à se confiner, Boris Johnson n’avait pas pris la crise au sérieux et le Royaume-Uni avait alors détenu le triste record du plus haut taux de décès en Europe. Par ailleurs, l’ancien maire de Londres et Premier ministre a aussi causé des dommages sans précédent à l’image des Conservateurs. En effet, alors que le pays était à son pic de cas de Covid et que les Britanniques étaient confinés avec des règles très strictes, Boris Johnson et plusieurs de ses collaborateurs ont été photographiés en train de faire la fête à Downing Street. Ils avaient donc écopé d’amendes pour avoir enfreint la loi. Mais au-delà de l’aspect légal, l’image que cela a donné d’un parti au pouvoir, qui se tenait au-dessus des lois, a profondément choqué les Britanniques. A l’époque, plusieurs Britanniques n’avaient pas pu dire au revoir à leurs proches disparus pour respecter les restrictions en vigueur. C’est ce scandale en particulier qui a sonné le glas du parti Conservateur qui, depuis n’a pas su convaincre.

Les Britanniques regrettent leur choix, car la décision de quitter l’Union Européenne a eu des répercussions désastreuses sur l’économie britannique.

Enfin, il y a eu la succession de Premiers ministres qui n’avaient pas été plébiscités par le peuple. Beaucoup de Britanniques ont dénoncé l’absurdité du système électoral. En effet, au Royaume-Uni, lors d’une élection générale, le mandat pour gouverner est donné au parti qui remporte le plus de sièges au Parlement et non à un individu. C’est donc le leader du parti qui devient Premier ministre. Cependant, si le Premier ministre en fonction démissionne, comme cela avait été le cas pour Boris Johnson après le scandale des fêtes au Downing Street, il n’y a pas eu de nouvelles élections législatives, mais ce sont les membres du parti au pouvoir qui décident de leur nouveau leader et donc du nouveau chef de l’Etat. Liz Truss et Rishi Sunak n’avaient donc pas été élus par la majorité des Britanniques, mais seulement par quelques 100 000 membres du parti conservateur.

Dans tous les cas, il s’agit d’une sanction sans précédent pour les Conservateurs qui estiment que le résultat est « une leçon dhumilité » et qu’ils travailleront sans relâche pour regagner la confiance des Britanniques.

AFP

Le candidat indépendant, Niko Omilana (à l’arrière) tient un “L” derrière le Premier ministre sortant Rishi Sunak et chef du parti conservateur. Ce dernier conserve son mandat de député de Richmond et Northallerton, mais il a démissionné de la présidence du parti et va être remplacé à la tête de l’exécutif par Keir Starmer. (Photo par Temilade Adelaja / POOL / AFP).

Plus de sièges que prévu pour les petits partis

L’autre surprise de cette soirée électorale, ce sont les petits partis qui, d’habitude, obtiennent très peu de sièges à cause de la représentation proportionnelle, ont obtenu plus de sièges que prévu. Reform UK, le parti d’extrême droite dirigé par Nigel Farage, a, pour l’instant, déjà obtenu 4 sièges, ce qui était dans la fourchette haute des estimations, mais les résultats définitifs pourraient voir Reform gagner jusqu’à 15 sièges, ce qui serait une victoire historique pour le parti architecte du Brexit, qui n’avait jusqu’à présent aucun député au Parlement.

Les centristes Libéraux Démocrates enregistrent une victoire inattendue avec 61 sièges, ce qui est en passe de devenir leur meilleur résultat.

Les écologistes ont progressé avec un gain de 4 sièges alors qu’ils n’en avaient qu’un député. Enfin, les centristes Libéraux Démocrates enregistrent, eux aussi, une victoire inattendue avec 61 sièges pour le moment, ce qui est en passe de devenir leur meilleur résultat.

Cette victoire des petits partis, malgré un système électoral qui leur est défavorable, démontre aussi la désillusion des Britanniques vis-à-vis des deux principaux partis.

Un paysage politique qui a changé en Ecosse

Enfin, le paysage politique écossais a complètement été redessiné, avec le Scottish National Party (SNP) qui a lui aussi enregistré une défaite sans précédent. Alors que le parti nationaliste et indépendantiste avait enregistré une montée fulgurante depuis le référendum d’indépendance pour l’Ecosse, qui avait échoué de peu en 2014, il a perdu, pour l’instant, 38 sièges au parlement britannique.  Les Ecossais ont en effet la particularité d’avoir des représentants au Parlement britannique à Londres, mais aussi d’avoir leur propre Parlement.

Cette hémorragie au Parlement britannique est donc de mauvais augure pour le SNP pour les prochaines élections du Parlement écossais qui devraient avoir lieu en 2026.

Cette hémorragie au Parlement britannique est donc de mauvais augure pour le SNP pour les prochaines élections du Parlement écossais qui devraient avoir lieu en 2026.  Mais son résultat n’est pas étonnant, au regard des conflits internes suite aux accusations de malversations de l’ancienne Première ministre écossaise Nicola Sturgeon. Le paysage politique écossais est donc en passe de changer radicalement. Il restera à voir comment le nouveau Premier ministre, Keir Starmer, va gérer les désirs d’indépendance de l’Ecosse.

Vu la débâcle des Conservateurs, le Premier ministre sortant, Rishi Sunak, a démissionné de son mandat de président du parti. Au niveau de la conduite des affaires du pays, l’investiture de Keir Starmer au Downing Street devrait avoir lieu cet après-midi et il devrait former son gouvernement dans les jours à venir. Beaucoup de défis l’attendent et les Britanniques l’attendent au tournant.

Léna Job (à Londres)


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