Royaume-Uni : un premier gouvernement marqué par une grande diversité sociale
Après son écrasante victoire aux législatives, le Premier ministre britannique, Keir Starmer, a formé son gouvernement. Il est quasiment constitué de ministres issus du « shadow cabinet » des Travaillistes (gouvernement de l’opposition). Il tranche avec les gouvernements conservateurs composés habituellement de ministres formés dans des écoles privées. La plupart de ses membres proviennent de milieux modestes et ont fait leur cursus scolaire dans l’enseignement public. Deux femmes occupent des postes importants. Keir Starmer fait donc la part belle à la méritocratie.
Ce gouvernement nouvellement constitué marque aussi plusieurs progrès, notamment avec plusieurs femmes à des postes importants et beaucoup de ministres issus de la société civile dont certains ont grandi dans des conditions difficiles et fait face à la pauvreté. Il s’agit en tout cas d’un contraste important avec le précédent gouvernement, qui était constitué majoritairement de ministres issus de classes sociales privilégiées et qui sortaient des grandes écoles.
Angela Rayner : Vice-Première ministre
La première nouvelle de la constitution de ce nouveau gouvernement est que deux femmes vont occuper deux postes principaux. D’abord, Angela Rayner a été nommée Vice-Première ministre. Bras droit de Keir Starmer, elle a eu une ascension fulgurante au sein du parti. Originaire de Manchester, dans le nord de l’Angleterre, elle a grandi dans un des quartiers les plus pauvres de Manchester. Elle a ensuite quitté l’école sans qualifications et est devenue mère à 16 ans. Elle a travaillé en tant qu’aide-soignante, puis dans un syndicat. Elle est membre du Parlement depuis 2015 et avait perdu de peu l’élection des primaires du parti travailliste en 2020. Restée fidèle à Keir Starmer tout au long de sa campagne, elle accède donc au très haut poste de Vice-Première ministre.
Rachel Reeves : ministre de l’Economie
Pour la première fois de son histoire, le Royaume-Uni aura une femme au ministère de l’Economie. C’est l’ancienne économiste Rachel Reeves qui est nommée à ce poste après avoir fait campagne sans relâche auprès des financiers de la City pour faire accréditer le programme économique du parti. Rachel Reeves a réussi là où les travaillistes ont souvent échoué, convaincre de leur viabilité économique. En effet, plusieurs figures du district financier londonien avaient soutenu son programme et l’avaient jugé « faisable » et « raisonnable ». Elle est aussi membre du Parlement depuis 2010 et bénéficie donc d’une grande expérience parlementaire.
David Lammy : ministre des Affaires étrangères
Né de parents guyaniens dans le nord de Londres et élevé par une mère solo à partir de l’âge de 12 ans après que son père les ait quittés, il est devenu le premier Britannique noir à étudier pour une maîtrise en droit à Harvard. A 27 ans, il est devenu le plus jeune député du Parlement lorsqu’il a été élu à Tottenham en 2000, avant de devenir ministre junior sous Tony Blair et Gordon Brown. Dans l’opposition, il a déclaré que le Labour avait un « engagement à toute épreuve » à soutenir l’Ukraine. Il a autrefois qualifié le candidat présidentiel américain Donald Trump de « sociopathe sympathisant des néo-nazis », mais a récemment insisté sur le fait qu’il trouverait un « terrain d’entente » avec Trump si celui-ci revenait à la Maison-Blanche.
Beaucoup ont aussi critiqué la position des travaillistes sur le conflit israélo-palestinien qui, selon beaucoup d’activistes pro-Gaza, est trop pro-israélienne. Après que le parti ait perdu plusieurs sièges au Parlement au profit de candidats indépendants pro-Gaza, David Lammy aura donc du pain sur la planche pour aider à résoudre cette crise qui cristallise l’opinion publique. Enfin, il appartiendra au nouveau ministre des Affaires étrangères de renouer les liens avec l’Union européenne, fortement endommagés par le Brexit.
Yvette Cooper : ministre de l’Intérieur
Une des ténors du parti, elle est élue députée depuis 1997 pour la circonscription du Yorkshire de Pontefract et Castleford. Elle a déjà une expérience ministérielle sous le gouvernement de Gordon Brown où elle a occupé le poste de secrétaire au Travail et aux Pensions, puis elle a été la première femme ministre des Finances. Après la défaite électorale des travaillistes en 2010, elle a pris le rôle de ministre de l’Intérieur dans le « shadow cabinet » de l’opposition. Parmi d’autres premières dans sa carrière politique, l’ancienne journaliste est devenue la première ministre à prendre un congé de maternité, et elle a formé avec son mari, l’ancien ministre de l’Education Ed Balls, le premier couple marié au sein du gouvernement Brown.
Shabana Mahmood : garde des Sceaux
L’ancienne avocate Shabana Mahmood a été confirmée comme garde des Sceaux, devenant ainsi la deuxième femme, après Liz Truss, à occuper ce poste. Ancienne coordinatrice nationale de campagne, elle a supervisé la victoire des travaillistes lors de l’élection partielle de Batley & Spen en 2021. Des observateurs la présente comme celle qui sauvé le leadership de Sir Keir Starmer après une défaite à Hartlepool quelques mois plus tôt. Shabana Mahmood revendique le titre de première députée musulmane et explique que sa foi la « pousse à s’engager dans la cause publique ».
John Healey : ministre de la Défense
Dans l’opposition, il a plaidé pour une augmentation des dépenses de défense et a critiqué les réductions de la taille de l’armée. Il a également souligné, avec le nouveau secrétaire des Affaires étrangères David Lammy, que le gouvernement travailliste aura un « engagement inébranlable » à continuer de soutenir l’Ukraine. Elu pour la première fois en 1997, Healey a servi dans les gouvernements de Tony Blair et Gordon Brown, ainsi que dans les cabinets fantômes d’Ed Miliband et Jeremy Corbyn. Il a voté en faveur de la participation du Royaume-Uni à la guerre en Irak en 2003, mais il affirme que davantage aurait dû être fait pour « suivre avec la diplomatie, le redéveloppement économique et la régénération, ainsi que la sécurité à long terme pour l’Irak ».
Wes Streeting : ministre de la Santé
Déjà ministre de la Santé dans le « shadow cabinet » des Travaillistes, il a immédiatement fait des vagues lorsqu’il a été promu à ce rôle en déclarant qu’il ne « ferait pas semblant que le NHS était un système de santé que le monde envie ». Il a ainsi rappelé que le service britannique de santé devra être réformé sous un gouvernement travailliste. Cependant, le député d’Ilford North a également des raisons personnelles de se préoccuper du NHS. En effet, il a été diagnostiqué et traité pour un cancer du rein plus tôt en 2021 à l’âge de 38 ans. Il a écrit sur cette expérience dans un mémoire où il a également décrit son enfance dans un HLM de l’East End de Londres, les visites à son grand-père, braqueur de banques, en prison et son parcours en tant que chrétien gay.
Bridget Phillipson : ministre de l’Education
La nouvelle secrétaire à l’Education, Bridget Phillipson, a souvent parlé de son enfance. Elevée par sa mère dans une HLM avec de la moisissure et sans chauffage, elle a grandi dans une ancienne ville minière dans le nord-est de l’Angleterre, elle a été harcelée à l’école et a bénéficié de repas scolaires gratuits. Mais Bridget Phillipson rend hommage aux « enseignants incroyables » de l’avoir encouragée à postuler à Oxford, où elle a étudié l’histoire moderne. Elle a rejoint le Parti travailliste à l’âge de 15 ans et est devenue députée de sa région natale de Houghton & Sunderland South en 2010, à 26 ans. Elle a fait partie de l’équipe de direction de Sir Keir Starmer depuis qu’il est devenu leader du Labour. Les enfants ne recevront pas « une éducation de première classe dans des écoles de deuxième classe », a-t-elle soutenu après que des centaines d’écoles ont dû fermer leurs portes, il y a deux ans, en raison de la dégradation des bâtiments qui menaçaient de s’effondrer.
Ed Miliband : ministre de l’Energie et de la Transition Écologique
Ed Miliband a été confirmé comme le nouveau ministre de la Sécurité énergétique et du Net ZéroIl, un portefeuille similaire à celui qu’il occupait à la fin du dernier gouvernement travailliste en 2010. Il est resté engagé sur la question du changement climatique lorsque le Parti travailliste était dans l’opposition et a été l’un des principaux soutiens du « Plan de Prospérité Verte » de Keir Starmer visant à investir dans les industries vertes. Ed Miliband est député de Doncaster North depuis 2005, mais il est au centre de la politique travailliste depuis encore plus longtemps. Il a collaboré avec des députés travaillistes avant la victoire électorale de 1997 et comme conseiller spécial de Gordon Brown lorsqu’il est devenu ministre des Finances. Il est surtout connu comme ancien leader du Parti travailliste et celui qui avait battu son frère David, entre autres, dans la course à la direction du parti après la défaite du Labour aux élections générales de 2010.
Liz Kendall : ministre du Travail et des Retraites
Kendall, qui est perçue comme étant à la droite du parti, s’est fait connaître lorsqu’elle s’est présentée à l’élection pour la direction qui a suivi la défaite électorale de 2015, perdant face à Jeremy Corbyn et obtenant seulement 4,5 % des voix. Mais sa stratégie, qui se concentrait sur la nécessité pour le Labour de regagner la confiance du public en matière d’économie, a grandement aidé Starmer à accéder au pouvoir. Elle est considérée comme la première députée en fonction à avoir eu un enfant par gestation pour autrui. Elle a aussi évoqué ses difficultés à fonder une famille et a ouvertement abordé ses deux fausses couches.
Jonathan Reynolds : ministre du Commerce
Jonathan Reynolds, qui se décrit comme un socialiste chrétien, a parlé de sa proximité avec Rachel Reeves, la nouvelle ministre de l’Economie. Il estime que « le rôle du gouvernement n’est pas seulement de répondre aux marchés, mais de les façonner ». Fils d’un pompier, il a grandi dans le Nord de l’Angleterre. Il a ensuite fréquenté l’Université de Manchester, où il a rejoint le Parti travailliste et a choisi d’y rester après avoir obtenu son diplôme. Il est député de Stalybridge et Hyde à Manchester depuis 2010.
Peter Kyle : ministre des Sciences, de l’Innovation et de la Technologie
Peter Kyle affirme que « débloquer les avantages de l’intelligence artificielle lui tient personnellement à cœur », car, dit-il, les scans médicaux de pointe actuellement développés auraient pu sauver sa mère, décédée d’un cancer du poumon détecté trop tardivement. Il est devenu député de Hove et Portslade, dans le sud de l’Angleterre en 2015, mais lors des élections de 2019, il avait alors été évincé par Jeremy Corbyn pour son « manque perçu de loyauté ». Peter Kyle, qui a eu des difficultés à l’école et dit avoir été parfois « humilié » par des enseignants qui ne savaient pas quoi faire de lui, a été diagnostiqué avec une dyslexie sévère à l’âge de 25 ans. Il est retourné à l’école avant de terminer un doctorat.
Louise Haigh : ministre des Transports
Louise Haigh a décroché le titre de la nouvelle députée la plus assidue en 2016 en raison du nombre de ses discours et de ses questions à la Chambre des communes, et a été saluée par l’ancien Président du Parlement John Bercow pour son « sa pugnacité digne d’un Jack Russell ». Anciennement policière, elle a également été ministre de la Police dans le « sahdow cabinet » sous Jeremy Corbyn. Ancienne déléguée syndicale, elle a aussi dirigé la campagne de leadership de Lisa Nandy lors des primaires pour remplacer Corbyn en 2019.
Steve Reed : ministre pour l’Environnement, l’Alimentation et les Affaires Rurales
Il a exhorté le Labour à devenir le « parti de la campagne » et a exprimé le souhait que le gouvernement soutienne les agriculteurs à travers la transition écologique afin que la campagne ne soit pas « vidée » comme les communautés minières l’ont été dans les années 80. Fils d’un ouvrier et d’une infirmière, Steve Reed a grandi en périphérie de Londres. Il est député travailliste de Croydon North depuis sa victoire lors d’une élection partielle en 2012. Il a été garde des Sceaux dans le « shadow cabinet » du nouveau Premier ministre. En 2018, Steve Reed est devenu le premier député travailliste à faire adopter une loi majeure depuis que le Parti travailliste est dans l’opposition. Il s’agit du texte pour protéger les personnes souffrant de problèmes de santé mentale contre la contention forcée en détention et pour lutter contre les décès en détention.
Lisa Nandy : ministre de la Culture, des Médias et du Sport
Lisa Nandy s’est présentée contre Sir Keir Starmer lors des primaires travaillistes de 2020 et a été décrite comme « rafraîchissante et non tribale » par un député conservateur qui pensait qu’elle était le meilleur choix pour le Labour. Elle a terminé troisième, mais sa récompense a été de devenir secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères dans le « shadow cabinet ». Elle fut aussi secrétaire à la Relance économique avant de passer au Développement international.
D’autres ministres ont été nommés pour s’occuper des autres régions du Royaume-Uni :
– Ian Murray a été nommé nouveau secrétaire d’Etat pour l’Ecosse.
– Jo Stevens, députée de Cardiff Central, devient secrétaire d’Etat pour le Pays de Galles.
– Lucy Powell présidera la Chambre des communes.
– Baronne (Angela) Smith de Basildon a été nommée leader de la Chambre des lords.
Léna Job (à Londres)