Sans surprise, le Slovène Tadej Pogacar a remporté, sur la Promenade des Anglais à Nice ce 21 juillet 2024, son 3ème Tour de France devant le Danois Jonas Vingegaard et le Belge Remco Evenepoel. Au printemps, il avait également remporté le Giro d’Italie, tant sur les routes italiennes que françaises, il a gagné 6 étapes. A ce jour, avant lui, seuls 7 coureurs avaient signé le doublé Giro-Tour de France : Faustro Coppi (1949 et 1952), Jacques Anquetil (1964), Eddy Merckx (1970 et 1972), Bernard Hinault (1982 et 1985), Stephen Roche (1987), Miguel Indurain (1992 et 1993) et Marco Pantani (1998). Durant ce Tour de France 2024, la mainmise de Tadej Pogacar a été pour le moins troublante : ainsi, il a battu tous les records, dont ceux de Marco Pantani et de Lance Armstrong dans les cols pyrénéens. Un monde d’écart face à deux coureurs, dont le recours au dopage a été prouvé par les autorités. Ont surgi alors doutes, questions et suspicions même si le Slovène qui, à présent, veut gagner les prochains Jeux olympiques à Paris et le championnat du monde sur route, rappelle qu’il n’a jamais été contrôlé positif, et encore moins suspendu : « Je ne comprends pas pourquoi il y a des doutes autour de mes performances ». Une controverse est née concernant l’usage du monoxyde de carbone. L’Union cycliste internationale (UCI) veut saisir l’agence mondiale anti-dopage à cet effet.
Pourtant, avant le départ de ce 111ème Tour de France à Florence (Italie), les suiveurs discutant dopage évoquaient deux « produits » en vogue dans le peloton : le bicarbonate de soude et le tramadol. « Administrer du bicarbonate de soude en grande quantité augmente le taux de dioxyde de carbone. Cela a pour effet de limiter l’augmentation d’acide lactique », expliquait un médecin français. Le tramadol est un anti-douleur dérivé de l’opium.
Usage du recycleur de monoxyde carbone
Tadej Pogacar, ceint dans son maillot jaune de maître du peloton 2024, a lancé, un jour de confidence, avoir utilisé le « recycleur de monoxyde de carbone » : « C’est un appareil pour tester comment votre corps réagit à l’altitude. On souffle dans un ballon pendant une minute pour un test qu’on doit faire à deux semaines d’intervalle… Ce n’est pas comme si nous respirions les pots d’échappement tous les jours dans les voitures ».
Pogacar, c’est ce qu’on appelle « mettre la course à sa main ». Tous les événements dépendent de lui, pas des autres. J’étais pareil : je mettais plein de coups jusqu’à ce que le dernier adversaire passe par la fenêtre.
En creux, le Slovène, 25 ans et surnommé « Cannibale 2.0 », laissait entendre que l’utilisation du monoxyde de carbone dans le sport peut être, selon son utilisation, un moyen d’améliorer les performances. Et dans la foulée, on apprenait qu’en plus de son équipe UAE Team Emirates, deux autres équipes utilisaient le fameux « recycleur », une machine évaluée à plusieurs dizaines de milliers d’euros : Visma-Lease a Bike, la formation du Danois Jonas Vingegaard, et Israel-Premier Tech (avec, entre autres, l’Allemand Pascal Ackermann et le Danois Jakob Fuglsang). Trois équipes au plus important budget du peloton cycliste…
Zone grise du dopage
Une précision essentielle : à ce jour, cette méthode recourant au monoxyde de carbone n’est pas interdite par l’Agence mondiale anti-dopage (AMA). Ainsi, on est là en pleine « zone grise », cette zone où la notion même de dopage est totalement floue. Et, aujourd’hui, l’utilisation du monoxyde de carbone en est le meilleur (le pire ?) exemple, ce qui a énerve le Français Bernard Hinault, vainqueur de 5 Tours de France : « Je suis écœuré par tous ces doutes sur Pogacar » et suscite l’admiration de l’éternel Cannibale, Eddy Merckx : « Pogacar, c’est ce qu’on appelle « mettre la course à sa main ». Tous les événements dépendent de lui, pas des autres. Il attaque sans arrêt jusqu’à ce que les autres craquent. J’étais pareil : je mettais plein de coups jusqu’à ce que le dernier adversaire passe par la fenêtre… ».
Comment procède-t-on ?
Techniquement, le procédé est simple : le coureur souffle dans un ballon pendant une minute pour un test qu’on doit faire à deux semaines d’intervalle, la première, la « réinspiration » au monoxyde de carbone (CO), afin de mesurer les avantages physiologiques de l’entraînement en altitude. La deuxième, plus agressive, appelée inhalation de monoxyde de carbone et utilisant le même équipement et les mêmes techniques, beaucoup plus risquée aussi, consiste en de l’inhalation de ce gaz toxique dans le but d’améliorer les performances.
Le nombre de globules rouges augmente ensuite, améliorant ainsi les performances pendant 100 à 120 jours.
Le but ? Tester comment le corps réagit à l’altitude. Un médecin du sport explique que ce « recours » au monoxyde de carbone par « Poggie » et quelques-autres est, au départ, « une méthode pour mesurer le volume sanguin. L’inhalation de monoxyde de carbone permet d’induire une hypoxie, c’est-à-dire une diminution de la concentration d’oxygène dans le sang. Le nombre de globules rouges augmente ensuite, améliorant ainsi les performances pendant 100 à 120 jours, notamment en haute montagne ». Un de ses confrères ajoute : « Avec ce type de méthode, on arrive à connaître au gramme près la quantité d’hémoglobine qu’on a dans le sang. Ça permet, par exemple, de voir si le stage en altitude a permis à l’athlète de gagner en hémoglobine. Plus on a d’hémoglobine, plus on sera performant ».
Risques mortels
Toutefois, l’inhalation du monoxyde de carbone n’est pas sans danger. Pis : l’exposition à de fortes concentrations de CO est rapidement mortelle. Commentaire de Jacky Maillot, médecin de l’équipe Groupama-FDJ : « C’est évidemment risqué. Un corps humain ne peut pas inhaler un air contenant 40 à 50% de monoxyde de carbone. Cela peut avoir des effets délétères, voire poser des risques mortels. Une exposition répétée au monoxyde de carbone est nocive pour les neurones, avec probablement des risques cérébraux. Son utilisation doit être très surveillée ».
On va saisir l’Agence mondiale anti-dopage au sujet du monoxyde de carbone.
De son côté, le président français de l’UCI (Union Cycliste International) David Lappartient a annoncé, avant même le final du Tour de France 2024 à Nice : « On va saisir l’Agence mondiale anti-dopage au sujet du monoxyde de carbone »…
Et l’ancien coureur français Christophe Bassons, figure de la lutte contre le dopage dans le cyclisme, glisse : « On peut très bien améliorer ses performances sans être officiellement dopé. Juste en étant surmédicalisé ! »
Serge Bressan (correspondant à Paris)
>Le classement général final du Tour de France 2024
1/ Tadej Pagacar (Slovénie / UAE Team Emirates), 83h38’56’’
2/ Jonas Vingegaard (Danemark / Visma- Lease a Bike), à 6’17’’
3/ Remco Evenepoel (Belgique / Soudal- Quick Step), à 9’18’’
4/ João Almeida (Portugal / UAE Team Emirates), à 19’03’’
5/ Mikel Landa (Espagne / Soudal- Quick Step), à 20’06’’
6/ Adam Yates (Grande-Bretagne / UAE Team Emirates), à 24’07’’
7/ Carlos Rodriguez (Espagne / Ineos Grenadiers), à 25’04’’
8/ Matteo Jorgenson (Etats-Unis / Visma- Lease a Bike), à 26’34’’
9/ Derek Gee (Canada / Israel- Premier Tech), à 27’21’’
10/ Santiago Buitrago (Colombie / Bahrain Victorious), à 29’03’’
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