L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), chargée de réguler le paysage audiovisuel français et d’attribuer les canaux de diffusion sur la TNT, a annoncé ce mercredi 24 juillet, qu’elle ne renouvellerait pas l’autorisation de diffusion des chaînes C8 et NRJ 12. A l’inverse, la chaîne d’information CNews, régulièrement rappelée à l’ordre par l’Arcom et propriété, comme C8, du groupe Canal+, dans le giron du milliardaire conservateur Vincent Bolloré, a été sélectionnée pour un renouvellement de sa fréquence. L’Arcom a privilegié deux autres projets, pour remplacer les deux canaux supprimés, OF TV, chaîne régionale du groupe de presse, Ouest France et Réels TV (du milliardaire tchèque, Daniel Kretinsky) qui souhaite « être une chaîne de débat publique conscient de ses obligations de pluralité ».
C’est un véritable de tonnerre dans le Paysage audiovisuel français (PAF), visant directement le milliardaire français Vincent Bolloré, propriétaire du groupe Vivendi qui possède le groupe Canal+ et donc la chaîne C8. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), chargée de réguler le paysage audiovisuel français et d’attribuer les canaux de diffusion sur la TNT, a décidé de ne pas retenir C8 pour l’attribution de nouvelles fréquences de Télévision numérique terrestre (TNT). Elle a aussi rejeté la demande de NRJ12. A l’inverse, l’Arcom a préselctionné notamment la chaîne d’information CNews, régulièrement rappelée à l’ordre, et propriété, comme C8, du groupe Canal+, dans le giron de Vincent Bolloré. L’Arcom a privilegié deux autres projets, pour remplacer les deux canaux supprimés, OF TV, chaîne régionale du groupe de presse, Ouest France et Réels TV (du milliardaire rchèque, Daniel Kretinsky).
En termes d’emploi, il n’est, pour l’instant, pas clair de savoir ce qu’il adviendra des 160 salariés de la rédaction de C8.
Raison de l’échec de la demande de C8
L’Arcom, qui n’adresse pas directement la suppression de C8 dans la publication des candidatures retenues pour la TNT, explique sa décision : « L’Arcom s’est fondée sur les critères mentionnés aux articles 29, 30 et 30-1 de la loi du 30 septembre 1986, en appréciant notamment l’intérêt de chaque projet pour le public au regard de l’impératif prioritaire de pluralisme des courants d’expression socio-culturels ».
L’Arcom s’est fondée sur les critères mentionnés aux articles 29, 30 et 30-1 de la loi du 30 septembre 1986, en appréciant notamment l’intérêt de chaque projet pour le public.
Le régulateur va maintenant « établir des conventions avec chacun des candidats retenus, condition indispensable à la délivrance d’une autorisation d’usage de la ressource radioélectrique sur la TNT, d’une durée maximale de dix ans. Elles seront établies sur le fondement des exigences posées par la loi du 30 septembre 1986 telle qu’interprétée par la jurisprudence du conseil d’Etat, notamment en matière de pluralisme, en référence aux conventions les plus récentes des services de télévision nationaux et locaux de la TNT, et au regard des engagements formulés par chaque candidat dans son dossier de candidature et au cours de son audition publique ».
C8, la chaîne de la discorde
En effet, C8, qui appartient au groupe de Vincent Bolloré depuis 2012, est à ce jour la chaîne de télévision française qui a fait l’objet de plus de sanctions et de rappels à l’ordre de la part de l’Arcom. Depuis 2012, C8 a fait l’objet de 16 mises en garde, 7 mises en demeure et 9 sanctions pécuniaires, avec une accélération des sanctions depuis 2021.
La chaîne cumule 7,6 millions d’euros de sanctions de la part de l’Arcom en raison de manquements répétés à ses obligations. Il lui est notamment reproché de manquer cruellement de pluralité de représentation politique en adoptant une ligne éditoriale très conservatrice. La chaîne a donc été plusieurs fois rappelée à l’ordre et par la suite sanctionnée pour des propos ou des attitudes discriminatoires de ses chroniqueurs et présentateurs.
Tout n’est pas permis en France. Et particulièrement de s’asseoir sur les règles du pluralisme.
Cyril Hanouna, présentateur star de la chaîne et aux commandes de l’émission de divertissement controversée Touche Pas À Mon Poste (TPMP), avait été personnellement rappelé à l’ordre par le régulateur, alors qu’il avait insulté le député de La France Insoumise, Louis Boyard, en juillet 2023, lors d’une émission en direct de TPMP.
Cette frasque parmi tant d’autres avait valu à la chaîne une amende record de 3,5 millions d’euros de la part de l’Arcom. Cyril Hanouna, qui est donc théoriquement en danger de voir son émission TPMP disparaître, n’a pas encore commenté la décision du régulateur.
Une décision politique ?
L’Arcom, rappelons-le, est un organisme d’Etat indépendant. Elle justifie sa décision de ne pas reconduire l’autorisation de diffusion à cause du non-respect par C8 de ses obligations en matière de pluralité. Mais pour beaucoup de commentateurs, il s’agit d’une décision éminemment politique.
La droite et l’extrême droite, très représentées sur C8 et CNews, s’insurgent sur X (ex-Twitter). « Pour le pouvoir, le pluralisme est insupportable », a dénoncé Marine Le Pen, cheffe de groupe du Rassemblement national (RN) à l’Assemblée nationale ; tout comme le député RN Sébastien Chenu, pour qui l’Arcom est « le bras armé du pouvoir. La France, ce pays de la liberté d’expression qui s’enfonce, s’enfonce… », écrit-il lui aussi sur X.
De son côté, la gauche se réjouit de la décision de l’Arcom. « Tout n’est pas permis en France. Et particulièrement de s’asseoir sur les règles du pluralisme », a déclaré la députée écologiste Sandrine Rousseau toujours sur X.
Je suis, comme beaucoup, sous le choc de l’annonce de l’Arcom, de retirer sa fréquence à C8.
Plusieurs journalistes et éditorialistes ont aussi commenté la décision. « Avec cette décision, l’Arcom tire les premières conséquences logiques des dérives des antennes contrôlées par Vincent Bolloré », a réagi le nouveau directeur général de Reporters Sans Frontières, Thibaut Bruttin. Le régulateur « a pris la mesure de ses responsabilités », a-t-il ajouté.
Interrogé par l’AFP, le groupe Canal+ a pour l’instant décidé de ne pas commenter la décision de l’Arcom. Mais son directeur du groupe canal c’est lui aussi fendu d’un tweet. « Je suis, comme beaucoup, sous le choc de l’annonce de l’Arcom, de retirer sa fréquence à C8. Comment peut-on comprendre cette décision inédite de l’histoire de la TNT vis-à-vis d’une chaîne qui a participé de sa popularité ? Première chaîne de la TNT, C8 est la seule chaîne à parler à toutes les générations en France. Quel mépris pour le public ! », a-t-il écrit sur X.
Aucun signe non plus de commentaire sur la chaîne CNews qui a affiché la décision de l’Arcom dans son bandeau d’informations en continu, mais ne l’a pas commentée non plus.
Quels sont les recours possibles pour C8 ?
Tout d’abord, la décision prise par l’Arcom de non-renouvellement des droits de diffusion ne sera appliquée que sur la TNT et ne concerne pas la diffusion sur internet ou sur une box. De plus, la cessation de diffusion ne sera effective qu’à partir de 2025, et donc C8 pourra faire sa rentrée en septembre avant de disparaître de la TNT. Il n’y a pour l’instant pas de jurisprudence concernant une chaîne contestant la décision de l’Arcom de ne pas renouveler ses droits de diffusion.
Cependant, le groupe Canal+ pourra toujours saisir le conseil d’Etat, qui a le pouvoir de demander une révision de la décision de l’Arcom et de vérifier sa conformité avec les lois et procédures administratives en vigueur. Le conseil d’Etat était déjà intervenu en février dernier sur une décision de l’Arcom. En effet, l’association de journalistes Reporters Sans Frontières (RSF) l’avait saisi pour obliger l’Arcom à adresser une mise en demeure à l’éditeur de CNews, une nouvelle fois sur le fondement de manquements du groupe aux principes de neutralité. La juridiction administrative avait alors accepté le recours de Reporters Sans Frontières et avait obligé l’Arcom à adresser une mise en demeure à l’éditeur de CNews. Vu la décision défavorable pour le groupe de Vincent Bolloré, il est donc peu probable que si le conseil d’Etat est saisi, il oblige l’Arcom à revenir sur sa décision.
Le dossier n’est donc pas défintivement clos.
L.J.
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