Israël a réussi un « coup double » en pratiquant, en moins de vingt-quatre heures, l’élimination ciblée de deux de ses pires ennemis : le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh et le « numéro 2 » du Hezbollah, Fuad Shukr. Un double succès dont la communauté israélienne du renseignement avait bien besoin après les erreurs qui ont conduit au pogrom du 7 octobre. Mais évidemment, il y aura un prix à payer. Au Moyen Orient, les tensions sont encore montées de plusieurs crans. Et en France, la sécurité de la délégation israélienne aux Jeux Olympiques a encore été renforcée.
Dans un communiqué diffusé tôt ce mercredi matin, le Hamas écrit : « Notre frère, le moudjahidin Ismaïl Haniyeh, le chef du mouvement, est mort dans un raid sioniste contre son quartier général à Téhéran après sa participation à l’investiture du nouveau président » [iranien]. Jérusalem, de son côté n’a pas confirmé être à l’origine de cette attaque et ne le fera sans doute pas officiellement.
Notre frère, le moudjahidin Ismaïl Haniyeh, le chef du mouvement, est mort dans un raid sioniste contre son quartier général à Téhéran.
On ignore encore les circonstances exactes de l’opération qui a coûté la vie au chef terroriste : le Hamas et l’Arabie saoudite évoquaient, ce matin, une « frappe de missile », mais des médias iraniens écrivaient que Haniyeh avait été « abattu », sans plus de précision. L’hypothèse du missile, cependant, semble la plus crédible et nos sources nous disent que la frappe aurait eu lieu « à 2 heures du matin ».
Une formidable opération de renseignement
Une seule chose est certaine : de quelque manière qu’elle ait été menée, l’élimination d’Ismaïl Haniyeh n’a été possible qu’au terme d’une opération complexe de collecte de renseignement. D’abord, il y a eu du renseignement humain (« HUMINT ») : il a fallu que des informateurs pistent Haniyeh, qu’Israël a donc bénéficié, sur le terrain (et peut-être même dans l’entourage direct du chef du Hamas), du concours de sources privilégiées qui connaissaient ses itinéraires ainsi que ses horaires et savaient où le chef terrorise logeait (les secrets certainement les mieux gardés). Ensuite, il a fallu que des opérateurs dignes de foi (sans doute des officiers de renseignement israéliens) confirment cette localisation et soient capables de transmettre cette information en temps réel. Enfin, ces renseignements humains ont été confrontés à des renseignements « techniques » (« SIGINT », « ELINT », « COMINT ») pour permettre une exploitation rapide. Et tout cela au cœur de Téhéran, capitale du pire ennemi de l’Etat hébreu.
Il est vrai que le Mossad est coutumier des opérations à Téhéran – et plus généralement en Iran – où, ces dernières années, des attaques complexes et risquées ont été menées pour éliminer des ingénieurs, de hauts fonctionnaires et des responsables militaires et des « Gardiens de la Révolution » liés au programme nucléaire.
La veille, c’est le Hezbollah qui était frappé
La veille, dans la soirée de mardi 30 juillet, c’est à Beyrouth que les Israéliens avaient fait mouche en balançant un missile sur l’immeuble dans lequel se trouvait Fuad Shukr. Celui-ci était l’un des plus proches conseillers de Hassan Nasrallah, le chef suprême du Hezbollah et était considéré comme le chef d’état-major militaire de l’organisation chiite pro-iranienne. Une attaque qui rappelle, évidemment, celle qui avait permis l’élimination du chef de la « Force al-Qods » (les forces spéciales des Gardiens de la révolution iraniens, responsable des opérations à l’étranger), dans une frappe contre le consulat iranien à Damas.
La veille, dans la soirée de mardi 30 juillet, c’est à Beyrouth que les Israéliens avaient fait mouche en balançant un missile sur l’immeuble dans lequel se trouvait Fuad Shukr.
Pour Shukr aussi, le tir de missile a été précédé par une longue opération de renseignement dans un contexte particulièrement hostile : le quartier de Beyrouth-Sud, fief du Hezbollah qui y exerce un contrôle (presque) sans faille.
Le renseignement israélien revenu à son meilleur niveau
Cet incroyable « coup double », en moins de vingt-quatre heures, souligne qu’après l’échec global qui a permis la réalisation du pogrom du 7 octobre, la communauté israélienne du renseignement – et, plus particulièrement, le Mossad – est revenue à son meilleur niveau et est à nouveau capable de recruter des sources dans les cercles les plus fermés, et de participer à la conception et à la coordination, voire même à l’exécution – d’opérations au cœur du dispositif ennemi.
Inévitables conséquences
Cela étant, il est évident que ces deux éliminations ne resteront pas sans conséquence et qu’Israël doit s’attendre à une escalade au Sud (Bande de Gaza) et au nord (Liban) dans les prochains jours, ainsi qu’à de possibles attaques de représailles contre ses intérêts à l’étranger. Il est même possible que le Hezbollah – qui dispose d’importants relais en Europe et en France – essaye de s’en prendre à la délégation israélienne aux J.O. à Paris, déjà soumise à une protection renforcée franco-israélienne 24h sur 24 du fait des menaces qu’elle encourt. Nos sources, en tout cas, nous affirment que de nouveaux officiers de sécurité venus de Tel Aviv ont été déployés pour assurer la protection rapprochée de la délégation et des personnalités de l’Etat juif présentes à Paris (la sécurité du « périmètre » des Israéliens étant du ressort de la police française).
Nombreuses réactions et menaces
Mercredi en fin de matinée, Ali Ammar, parlementaire du Hezbollah à Beyrouth déclarait « Israël veut la guerre et nous y sommes prêts ». La branche armée du Hamas a, de son côté, prévenu que l’élimination de Haniyeh allait avoir des « répercussions majeures ».
En Iran, le Guide Suprême Ali Khamenei (qui avait rencontré Ismaïl Haniyeh la veille de sa mort) a estimé qu’« Israël fournissait les bases d’une dure punition » tandis que Masoud Pezeskhian, le président nouvellement élu, déclarait de son côté que son pays ferait « regretter aux occupants sionistes leur lâche assassinat ».
Israël veut la guerre et nous y sommes prêts.
Les réactions internationales ne se sont pas fait attendre. Pour le Premier ministre Qatari : « les assassinats politiques appellent une question : comment une médiation peut-elle aboutir quand l’une des parties élimine les négociateurs de l’autre camp ? ». La Jordanie, elle, a (sobrement) blâmé Israël pour cette « violation du droit international ».
Les assassinats politiques appellent une question : comment une médiation peut-elle aboutir quand l’une des parties élimine les négociateurs de l’autre camp ?
Mercredi midi, la question principale était bien celle-ci : comment l’Iran – qui a été directement défié deux fois en 24 heures, d’abord avec l’élimination d’un des principaux dirigeants de son organisation satellite, le Hezbollah, puis par le ciblage d’Haniyeh sur son propre sol – va-t-il réagir ?
C’est, entre autres, pour analyser cette question cruciale et tenter d’y répondre que Benyamin Netanyahu réunira, cette après-midi, à 16h00, les chefs de ses services de renseignements et de l’armée. Au Moyen-Orient, une fois de plus, le compte-à-rebours est enclenché.
Hugues Krasner
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