OPINION

Afghanistan, trois ans après la chute de Kaboul : L’effroyable et douloureux prix de la barbarie talibane

Daniel S. Schiffer avec Ahmad Massoud, le fils du légendaire Commandant Masdoud, mais surtout chef actuel de la Résistance politique et militaire contre les Talibans. Photo DSS

C’était le 15 août 2021, il y a donc, très exactement, trois ans : date funeste pour l’humanité ! Ce sombre et triste jour-là, l’armée américaine, pourtant réputée être la plus puissante du monde, quittait précipitamment, dans les déplorables conditions que l’on sait, l’Afghanistan, qu’elle livrait ainsi subitement, après une série de négociations secrètes à Doha (capitale du Qatar), aux sanguinaires mains de ces fanatiques islamistes, barbares d’un autre âge, que sont les Talibans. Seul le peuple afghan, et les femmes tout particulièrement, désormais privées des droits les plus élémentaires, enfermées sous ces prisons ambulantes que sont les burqas, connaissent le douloureux prix de pareille forfaiture, sinon trahison, de la part de l’Occident !

L’assourdissant silence de nos démocraties

Les témoignages, concernant les invraisemblables tortures, physiques aussi bien que psychologiques, que le peuple afghan subit quotidiennement, sous la férule des milices talibanes, se multiplient, épouvantables preuves à l’appui, en un assourdissant silence, sans que nos démocraties modernes, ni même la plupart de nos intellectuels, pourtant toujours prêts à donner d’impérieuses leçons de morale sur les divers plateaux de télévision où ils pérorent, ne pipent mot à cet effroyable sujet.

Crimes contre l’humanité

Ainsi l’Afghanistan, ses principales villes comme ses villages les plus reculés, est-il devenu aujourd’hui, dans une indifférence quasi générale et, comme telle, quasi complice par son honteuse lâcheté, comme un vaste, indicible et permanent lieu d’exactions en tous genres.
Les Talibans y égorgent à tours de bras, y coupent la main des prétendus voleurs, y tranchent la langue des intellectuels, y pendent les homosexuels, y proscrivent la pensée critique, y interdisent la musique, y abolissent toute forme d’art, y réduisent à néant la culture, y brisent toute tentative d’émancipation, y violent en masse des filles à peine pubères et même parfois de jeunes garçons, y châtient les collaborateurs avec les puissances étrangères du passé, y décapitent en ce meurtre collectif, où le sang de ces nouveaux martyrs coule à flots, les hypothétiques mécréants.

L’Afghanistan est devenu aujourd’hui,  (…)  un vaste camp de concentration.

Bref : les Talibans, ces assassins de l’âme, y tuent l’esprit comme ils y mutilent les corps ! Autant de crimes contre l’humanité, plus encore que de guerre, perpétrés désormais, sous cette immense chape de plomb, en toute impunité ! A ces crimes s’ajoutent, pour aggraver davantage encore la situation, une pauvreté grandissante et, en de nombreux endroits, la famine.

Un vaste camp de concentration et un génocide à venir

Alors, face à ce nouveau scandale de notre pseudo-modernité, en cette nouvelle ère de l’inhumanité, il me vient l’irrésistible mais légitime envie de crier, comme jadis un certain Primo Levi dans l’enfer d’Auschwitz : si c’est un homme !

Car, oui, l’Afghanistan est devenu aujourd’hui, même si la Shoah demeure certes un crime aussi unique qu’inique dans les annales de l’(in)humanité, un vaste camp de concentration, sinon encore d’extermination, avec, si nous n’y prenons garde en ces temps troublés, un possible, innommable, génocide à venir !

Un délit de « non assistance à personnes en danger »

En serons-nous, par notre silence, par notre passiveté ou par notre aveuglement, par notre feinte mais néanmoins confortable insouciance, les complices indirects, apparemment sourds et muets devant, pourtant, tant de souffrance ? Ce serait en tout cas là, si nous ne venons pas plus concrètement en aide à ce malheureux peuple afghan, désormais abandonné de toutes parts, sacrifié sur l’autel de gigantesques intérêts géostratégiques, un délit d’envergure au sein de nos sociétés supposées démocratiques : celui de « non assistance à personnes en danger ».

Le tribunal de nos consciences face au jugement de l’Histoire

Qu’on se le dise : nous aurons un jour – un jour non si lointain, si nous ne sommes pas plus vigilants quant à la claudicante marche du monde – à en répondre, honnêtement mais d’autant plus tragiquement, face à l’implacable, douloureux mais lucide jugement de l’Histoire !

Un cri d’alarme

L’Afghanistan, pays réputé indomptable malgré la rivalité de ses diverses composantes ethniques, peut bien être certes considéré, d’ancestrale mémoire, comme le fatal cimetière des empires, là même où les successives invasions mongoles, britanniques, soviétiques et américaines se sont lamentablement fracassées dans leur volonté de le diriger, à défaut de le dominer véritablement ; il sera surtout un jour, si nous continuons ainsi à laisser sans rien dire, ni sans rien faire, le crime s’accomplir jusqu’à son ignoble conclusion, le sévère tribunal de nos consciences, en plus de devenir l’effroyable mais surtout condamnable terreau du terrorisme planétaire.

A méditer donc, avant qu’il ne soit trop tard, ce cri d’alarme !

                                                                  DANIEL SALVATORE SCHIFFER

 

 

Philosophe, écrivain, auteur d’une quarantaine de livres, dont « Afghanistan – Chroniques de la Résistance » (Editions Samsa). https://www.samsa.be/livre/afghanistan