DISPARITION

Alain Delon, l’acteur a tiré sa révérence

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« Alain Fabien, Anouchka, Anthony, ainsi que son chien, Loubo, ont l’immense chagrin d’annoncer le départ de leur père. Il s’est éteint sereinement dans sa maison de Douchy, entouré de ses trois enfants et des siens. (…) Sa famille vous prie de bien vouloir respecter son intimité, dans ce moment de deuil extrêmement douloureux ». C’est par ces mots que le clan Delon annonçait ce matin la disparition du dernier des géants du cinéma français. Alain Delon est décédé ce dimanche le 18 août, à 3 h du matin, à l’âge de 88 ans. Il rejoint les étoiles dont il faisait déjà partie.

Plein Soleil, Rocco et ses frères, Mélodie en sous-sol, Le Guépard, L’Insoumis, Le Samouraï, La Piscine, Le Clan des Siciliens, La Piscine, Christine, Le Cercle rouge, Borsalino, Un flic, Monsieur Klein… Une filmographie inégalable, le parfum d’une époque. Delon s’en est allé rejoindre Bebel et Lino, Melville et Romy, Mireille pour l’éternité. La belle gueule du cinéma français n’est plus. Il aura tourné avec les plus grands, les plus belles. Il n’en épousera qu’une, Nathalie Delon.

Une enfance difficile, un parcours unique

Né le 8 novembre 1935 à Sceaux, dans les Hauts-de-Seine, Alain Delon était le fils de Fabien Delon, directeur du cinéma «Le Régina» et d’Édith Arnold, employée dans une pharmacie. À seulement 4 ans, ses parents divorcent. Il est alors confié à une famille d’accueil, ce qui restera pour lui une blessure d’enfance jamais cicatrisée.

Le père de cette famille est gardien de prison à Fresnes (Val-de-Marne), Alain Delon qui vit à côté, entend la salve qui exécute Pierre Laval dans la cour de la prison, dont on lui raconte les détails. Il est placé ensuite dans une pension catholique où il passe toute sa jeunesse avec un de ses meilleurs amis, Gérard Salomé. Il se fera renvoyer six fois des écoles qu’il fréquente. Sa mère, qui a épousé en secondes noces Paul Boulogne, un commerçant boucher-charcutier de Bourg-la-Reine, dans les Hauts-de-Seine, lui ménage une place dans le domicile familial. Alain passe un CAP de charcuterie et travaille à la charcuterie de son beau-père.

A 17 ans, déjà sa belle gueule en poche, il fait son service militaire dans la Marine nationale. Après une période au Centre de formation maritime de Pont-Réan, il poursuit son service militaire en 1953 à l’École des transmissions des Bormettes. Après avoir été pris pour avoir volé du matériel, la Marine nationale lui laisse le choix entre quitter la Marine ou prolonger son engagement de trois à cinq ans. Matelot de 1ère classe, il est dès lors affecté à la compagnie de protection de l’arsenal de Saïgon, dans ce qui fait encore partie de l’Indochine française.

Mis aux arrêts à la fin de la guerre d’Indochine pour avoir volé une jeep pour effectuer une virée, il est exclu de la Marine. Cette période le marquera profondément. A l’armée, il découvre la discipline militaire, le sens de l’honneur et du drapeau français.

Flic ou voyou?

De retour à Paris, déjà son physique avenant et sa « gueule d’ange » font chavirer les filles et lui permettent de se faire héberger et nourrir par plusieurs prostituées. Il fréquente Montmartre, Saint-Germain où il côtoie notamment la jeune Dalida. « Si je n’avais pas été acteur, j’aurais fini voyou », avouera-t-il un jour.  Repéré par Romy Schneider, il deviendra son partenaire avant d’être son amant, dans « Christine »,  où il tient son premier rôle important. Ensuite tout s’enchainera très vite. « Plein Soleil » lui offre les feux de la rampe et Delon devient une véritable star de cinéma. Ce qu’il restera tout au long de sa carrière.

En 2003, Claudia Cardinale, sa partenaire dans Le Guépard en 1963, lui remet l’Étoile d’Or du Festival international du film de Marrakech. En 2008, il tient le rôle de Jules César dans Astérix aux Jeux olympiques, mais ce film à très gros budget, malgré plus de six millions de spectateurs, est très mal accueilli par la critique et ne reçoit pas le succès escompté.

Delon continue sa carrière sur les planches, interprétant notamment en 2007 Sur la route de Madison et en 2008 Love Letters, successivement avec Mireille Darc et Anouk Aimée.  En 2013, le Festival de Cannes lui rend une première fois hommage avec lors de la sélection Cannes Classics, la projection du film Plein Soleil présenté en version remastérisée. En octobre cette année-là, Alain Delon joue de nouveau dans la pièce de théâtre « Une journée ordinaire », mais cette fois en tournée à travers la France, accompagné de nouveau de sa fille Anouchka.

Les honneurs d’une vie d’acteur

En 2019, au Festival de Cannes, il reçoit une Palme d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Il prononce alors une allocution lors de laquelle il apparaît en larmes aux côtés de sa fille.
Avant de partir, Alain Delon confiera vouloir tourner une dernière fois. Pour ce tournage, il souhaite une équipe exceptionnelle. Il renoncera finalement à ce projet intitulé « La maison vide » après qu’un AVC, en 2019, et des complications de santé l’en empêchent.

A Douchy, cette nuit, le Samouraï a rendu son dernier souffle entouré de son clan, déchiré mais rassemblé, et de son fidèle compagnon associé à la tristesse de la famille. Le cinéma français perd son dernier géant. Resteront des dizaines de films, une gueule, un regard, un charisme, une famille, trois enfants, des petits-enfants. Toute une histoire.