LA FIN D'UN FEUILLETON POLITIQUE EN FRANCE

France : le Président Emmanuel Macron nomme un Premier ministre qui semble contenter la droite et l’extrême droite

Le nouveau Premier ministre français, Michel Barnier (à droite sur la photo) réagit aux côtés du Premier ministre sortant, Gabriel Attal (à gauche) lors de la cérémonie de passation de pouvoir à l'Hôtel Matignon à Paris, le 5 septembre 2024. AFP

Après une attente de cinquante et un jours, le Président de la République Emmanuel Macron a nommé, ce jeudi 5 septembre 2024, Michel Barnier au poste de Premier ministre. Il succède à Gabriel Attal, nommé en janvier 2024 et démissionnaire depuis juillet après la défaite du camp présidentiel lors des élections législatives. Au plus jeune (34 ans) locataire de l’Hôtel de Matignon, suit dans la fonction le plus âgé (73 ans) dans l’histoire de la Vème République depuis 1962. La droite républicaine et l’extrême droite semblent accueillir favorablement le nouveau Premier ministre, au grand dam de la gauche et de l’extrême gauche qui accusent le Président Macron de tous les maux. Le nouveau locataire de Matignon a plusieurs années d’activité politique à son actif et est rompu à la négociation. Il annonce la couleur en toute humilité.

Lors de la passation de pouvoir sur le parvis de l’Hôtel de Matignon, fort de plus de cinquante années de vie politique à droite en tant que ministre (Agriculture, Affaires étrangères, Environnement, etc.) puis commissaire européen (qui a « mené à bon port le Brexit », dixit Gabriel Attal) sans oublier maître d’œuvre, avec Jean-Claude Killy, des Jeux Olympiques d’hiver 1992 à Albertville (Savoie), Michel Barnier (73 ans) a d’emblée déroulé un discours de 12 minutes. Entre autres propos : « Nous sommes dans un moment grave. J’aborde cette période avec beaucoup d’humilité, avec une forme olympique et de la détermination », « Faire que cette période soit utile pour la France », « Des changements et des ruptures » ou encore « Il faudra dire la vérité, je dirai la vérité », « Il faudra beaucoup d’écoute, beaucoup de respect ». Enfin, « plutôt agir que parler ».

Cinq grands dossiers de taille

Très vite, le nouveau Premier ministre va être confronté à cinq grands dossiers : le budget, l’immigration, la sécurité, les retraites et le SMIC. En premier lieu, le budget. « C’est la priorité des priorités », précise un observateur de la chose publique. Comment faire, avec quelles mesures, pour que le déficit public qui a pris des dimensions proches des abysses (à la fin 2024, 5,6% du PIB, au lieu des 5,1% prévus, et une dette de 3 000 milliards d’euros) soit contenu comme le demandent Bruxelles et l’Union européenne ? Une obligation : présenter un projet de budget 2025 crédible avec, peut-être, une augmentation des impôts (des entreprises ? des particuliers ?) et une réduction de la dépense nette de 20 milliards d’euros en 2025 et 2026.

Nous sommes dans un moment grave. J’aborde cette période avec beaucoup d’humilité, avec une forme olympique et de la détermination.

C’est donc la fin d’un long feuilleton qui a alimenté la chronique tout l’été. Des noms faisaient l’actualité, de Lucie Castets imposée au Président de la République par le NFP (Nouveau Front Populaire, gauche et gauche radicale) à Xavier Bertrand (président de la région Hauts-de-France, droite républicaine), en passant par Bernard Cazeneuve (gauche), David Lisnard (maire de Cannes, droite) ou encore Thierry Beaudet, représentant de la société civile.

Grande manifestation de l’extrême gauche

Le feuilleton de la nomination du nouveau Premier ministre était « scénarisé » par Emmanuel Macron qui, fort de l’article 5 de la Constitution, a la charge de nommer le Premier ministre et, de l’article 8, veille à ce que celui ou celle qu’il nomme assure « la stabilité politique du pays ». Toutefois, le NFP mené par le « lider minimo » Jean-Luc Mélenchon (LFI, La France Insoumise) tout comme le RN (Rassemblement National, extrême-droite) de Marine Le Pen et de Jordan Bardella faisaient savoir que tous les noms cités, s’ils menaient le gouvernement, seraient immédiatement mis en échec par une motion de défiance à l’Assemblée Nationale.

Dans la foulée de la nomination de Michel Barnier, le NFP a remis une pièce dans la boîte, maintenant son soutien aux manifestations prévues à travers la France ce samedi 7 septembre. Le « sous-commandant Marcos de la Canebière », surnom de Jean-Luc Mélenchon, a répété que le nouvel et 26ème Premier ministre de la Vème République sera confronté immédiatement à une motion de défiance, et crié bien fort qu’avec cette nomination, le Président de la République a « volé » aux Français le résultat des élections européenne (juin 2024) et législative (juillet).

Le déni démocratique est porté à son apogée, nous entrons dans une crise de régime.

Le Premier secrétaire du PS (Parti socialiste), Olivier Faure, a fait la même annonce, précisant : « Le déni démocratique est porté à son apogée, nous entrons dans une crise de régime », toute comme une des figures des Ecologistes, Marine Tondelier. Le ton est différent à l’autre bout de l’échiquier politique : en effet, le RN, par la voix de Marine Le Pen, a annoncé qu’il attendait de voir avant de lancer une motion de défiance contre Michel Barnier et son gouvernement. « Nous serons attentifs au projet qu’il portera », a-t-elle commenté. Elle apparaît dans le rôle de « faiseuse de roi », décidant qui est, à ses yeux, légitime ou non de gouverner la France.

Dans la foulée des élections législatives du 7 juillet dernier, c’est le Président de la République Emmanuel Macron qui avait assuré : « Il est hors de question de travailler avec le NFP et l’extrême-droite »…

Serge Bressan (correspondant à Paris)