Ce fut un accouchement dans la douleur, mais le Gouvernement Barnier a été annoncé ce samedi soir, 21 septembre 2024. Après des tribulations de ces derniers jours et des ajustements de dernière minute, c’est un peu avant 20h que le secrétaire général de la Présidence, Alexis Kohler, a annoncé la composition du nouveau gouvernement, sur le perron de l’Elysée. Après la nomination de Michel Barnier (Les Républicains/LR) le 5 septembre dernier, elle aussi vivement attendue et ayant fait flop, avec d’un côté l’extrême droite se voulant faiseuse de rois et une gauche livide criant au scandale démocratique. Ces dernières élections législatives, lors desquelles les Français se sont déchirés entre la gauche et l’extrême droite, ont cependant été claires sur un point : ils ont écarté la majorité présidentielle au sein de l’Assemblée nationale. Mais au final, c’est beaucoup de bruit pour rien, puisque le nouveau Gouvernement Barnier reconduit tout de même une bonne partie des ministres de la Macronie (Renaissance). En voici le tableau.
Un gouvernement de continuité plutôt que de rupture, malgré l’annonce et la promesse du Président de la République, Emmanuel Macron. Le nouvel exécutif, dirigé par Michel Barnier, conserve sept ministres de la Macronie.
Il y a cependant quelques surprises, comme la nomination de Bruno Retailleau à l’Intérieur et d’Antoine Armand, qui prend pour la première fois un poste de ministre et hérite du ministère de l’Économie.
La liste du nouveau Gouvernement Barnier
A cette liste de ministres s’ajoute celle des ministres délégués, également révélée samedi soir :
Enfin, le gouvernement de Michel Barnier comprend cinq secrétaires d’Etat, dont la plupart n’étaient pas présents dans l’équipe de Gabriel Attal avant la dissolution :
Les départs
Parmi les ténors du Gouvernement Attal, trois personnalités emblématiques de la Macronie n’ont pas été reconduites.
Gérald Darmanin, ex-ministre de l’Intérieur, s’est exprimé sur X : « A l’heure de mon départ du gouvernement pour retrouver l’Assemblée nationale, j’adresse un message à tous les agents du ministère de l’Intérieur que je remercie profondément pour leur dévouement. Merci au Président de la République de m’avoir donné les moyens, budgétaires et politiques, de les soutenir pendant plus de quatre ans ».
Bruno Le Maire, ex-ministre de l’Economie, s’est lui aussi adressé aux Français, mais via une vidéo : (https://x.com/BrunoLeMaire/status/1834179458569277762) en les remerciant pour les 7 années passées à Bercy. Il y affirme avoir « fait toujours son maximum » et conclut qu’il va « retourner à ses premiers amours, l’enseignement » et qu’il a hâte de retrouver des étudiants.
Enfin, le charismatique Eric Dupond-Moretti, ex-garde des Sceaux, qui n’a pas été repris, n’a pas réagi.
Un déni de démocratie
L’enseignement à tirer de ce nouveau Gouvernement Barnier est sans aucun doute sa coloration politique définitivement à droite. En effet, le « en même temps » cher aux Macronistes semble avoir été mis de côté. Avec un seul ministre de gauche, certes nommé en premier dans la liste protocolaire et considéré comme le numéro 2, ce nouveau gouvernement a enragé la gauche, qui n’avait pas voulu faire partie des négociations avec Michel Barnier, estimant que sa nomination constituait un déni de démocratie.
La caractéristique de ce nouveau gouvernement, ce n’est pas son orientation politique, mais son illégitimité.
Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise, s’est exprimé aujourd’hui lors d’une des manifestations contre le nouveau gouvernement qui ont eu lieu cet après-midi dans toute la France. « La caractéristique de ce nouveau gouvernement, ce n’est pas son orientation politique, mais son illégitimité. C’est le seul pays au monde où les perdants d’une élection gouvernent le pays ».
Il faut dire que 3 Français sur 4 estiment qu’Emmanuel Macron n’a pas tenu compte des résultats des législatives, selon un dernier sondage d’Elabe.
La France insoumise (LFI) a déjà annoncé qu’elle voterait une motion de censure contre Michel Barnier dès la présentation du budget début octobre. Le reste de l’alliance de gauche, le Nouveau Front populaire, ne s’est pas encore prononcé dans son entièreté, mais reste très insatisfait sur le nouvel attelage gouvernemental.
Des ministères régaliens marqués très à droite
Le nom de Bruno Retailleau, qui circulait depuis un certain temps, est confirmé à l’Intérieur. Proche de François Fillon et de Philippe de Villiers (propriétaire du Puy du Fou), il est très conservateur, notamment sur l’immigration et les affaires sociales. Proche du mouvement de la Manif pour tous, il s’est également opposé à l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Il s’était aussi élevé contre la loi immigration de 2022, qu’il avait jugée « insuffisante ». A noter que cette proposition de loi avait été retoquée par le Conseil constitutionnel, qui avait jugé la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME) pour les personnes en situation irrégulière contraire à la Constitution.
On peut donc s’attendre à un durcissement de la politique migratoire du nouveau Gouvernement Barnier.
On peut donc s’attendre à un durcissement de la politique migratoire du nouveau Gouvernement Barnier. La nomination d’un ministre conservateur à ce portefeuille semble également être un geste pour apaiser l’extrême droite, qui avait elle aussi menacé de déposer une motion de censure.
Le ministère des Armées est également marqué à droite avec Sébastien Lecornu, ancien de l’UMP puis des Républicains, exclu de ces derniers lorsqu’il a rejoint la Macronie en 2017 dans le Gouvernement d’Edouard Philippe.
Cependant, l’un des trois ministères régaliens, la Justice, a été confié à l’homme de gauche Didier Migaud, l’exception qui confirme la règle, puisqu’il est le seul homme de gauche du nouveau gouvernement. Il hérite néanmoins d’un budget conséquent que son prédécesseur Eric Dupond-Moretti avait réussi à négocier. L’avenir dira si ce trio régalien, déséquilibré idéologiquement, fonctionnera.
Le dossier brûlant du budget à venir
Alors que la présentation du nouveau budget a traditionnellement lieu début octobre, le contexte politique pourrait retarder ce processus. Cela pose un problème, car la France s’est fait rappeler à l’ordre par Bruxelles alors que le déficit du pays pourrait atteindre 5,6 % du PIB. La tâche sera donc ardue pour le nouveau ministre, Antoine Armand, qui hérite de ce dossier brûlant.
Le ministère de l’Economie a été morcelé : d’un côté Antoine Armand est ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, et de l’autre Laurent Saint-Martin est ministre auprès du Premier ministre, chargé du Budget et des Comptes publics. Il reste à déterminer quel rôle Bercy jouera réellement dans la rédaction de ce nouveau budget, et dans quelle mesure Michel Barnier prendra la main.
Une Macronie en fin de règne
Dans tous les cas, en voulant ménager la chèvre et le chou, Emmanuel Macron et son nouveau Gouvernement Barnier n’ont en fait satisfait personne.
Si, d’un point de vue stratégique, le Président de la République a voulu limiter la casse en choisissant un gouvernement pouvant pour l’instant échapper à la censure, il ne saurait dissimuler l’impasse dans laquelle la dissolution de l’Assemblée a plongé la France.
Ce gouvernement ne reflète en rien les aspirations des Français. Nous vivons les derniers moments de combines politiciennes obsolètes et d’une Macronie en fin de règne.
Le Rassemblement national (RN) continue d’influencer les choix du nouveau gouvernement tout en gardant la menace d’une motion de censure sous le coude. Il est d’ailleurs prêt à jouer cette carte maîtresse au moment le plus opportun. Jordan Bardella, président du RN, l’a d’ailleurs confirmé sur X. « Ce gouvernement ne reflète en rien les aspirations des Français. Nous vivons les derniers moments de combines politiciennes obsolètes et d’une Macronie en fin de règne », a-t-il réagi sur le réseau social.
De même, la gauche, arrivée en tête des élections législatives bien qu’elle n’ait pas obtenu de majorité, compte se faire entendre et restreindre autant que possible le champ d’action du nouveau gouvernement.
Enfin, les Macronistes sont amers ce samedi soir, réalisant doucement un rebasculement vers un clivage gauche-droite qu’ils pensaient avoir dynamité.
Léna Job
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