Des couloirs feutrés de l’ONU aux rues animées de la ville, les enjeux climatiques s’invitent à New York
La Big Apple, épicentre mondial de la diplomatie, a vu l’ONU perdre de sa superbe face au dynamisme de la Climate week. L’engouement était nettement plus visible dans les rues de Manhattan que dans les coulisses de l’Assemblée générale des Nations Unies. Et si la société civile était plus efficace que l’initiative politique ?
Les uns appellent à la paix, à l’espoir, à la raison, tandis que les autres se rencontrent et scellent des partenariats. Cette semaine, les acteurs de la transition climatique ont insufflé dans la Big Apple un vent d’innovation et de volontarisme. Comparaison n’est pas raison, mais sur la thématique très précise du changement climatique, le contraste entre les deux rassemblements est saisissant.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a présenté cette semaine son Pacte pour l’avenir, décrit comme l’aboutissement d’un effort de plusieurs années pour adapter la coopération mondiale aux réalités d’aujourd’hui. Financer la transition écologique, c’est précisément l’objectif de toutes les entreprises, start-ups, universités et organisations à but non lucratif qui ont participé à la « Climate Week » de New York.
Dans les couloirs, on parle. Dans les rues, on agit ?
On se demande parfois quels sont les impacts réels des longs textes présentés sous forme de pacte lors des grandes assemblées de l’ONU. Le Pacte numérique mondial, la Déclaration sur les générations futures, le Pacte pour l’Avenir, etc., autant de documents dont on peut questionner la valeur réelle.
Il s’agit de rencontrer des investisseurs, de nouer des partenariats, de jeter les bases de nouvelles collaborations.
En réalité, le simple fait qu’un accord ait été conclu peut relever de l’exploit quand on connaît le degré de polarisation non seulement des Etats-Unis, mais du monde entier. De nombreux défenseurs du climat ont déjà décrit ce texte comme une étape cruciale pour faire avancer la cause climatique. L’exemple des combustibles fossiles est assez parlant : l’engagement de les éliminer progressivement – initialement convenu lors de la COP 28 à Dubaï – a été réaffirmé dans le Pacte pour l’Avenir, évoquant même « la nouvelle norme de base pour l’action climatique ». Un petit pas en avant, donc.
Du monde à la « Climate Week »
Si l’agenda de l’ONU attire bon nombre de médias internationaux, il faut reconnaître que les journalistes – et, par ricochet, le public – peinent à assimiler le programme tant l’institution se perd dans la multitude d’événements organisés sur une même semaine. « La semaine de haut niveau », « le sommet de l’avenir », « l’assemblée générale », « les réunions plénières », « le Moment ODD ». Un véritable casse-tête. Quant à savoir quel chef d’Etat est attendu à quel moment, c’est une autre paire de manches. Bref, un labyrinthe bien poussiéreux qui semble précisément conçu pour perdre toute personne qui aurait la volonté de s’y intéresser.
En parallèle, à seulement quelques kilomètres du siège de l’ONU, la « Climate Week » s’affirme comme un espace de collaboration et de discussions où l’ambiance chaleureuse et accessible contraste avec l’hermétisme des institutions. L’événement international profite d’une popularité grandissante, renforcée par l’image d’un événement plus convivial, dynamique et concret.
Les raisons de l’affluence à la « Climate week »
Selon le « Global Climate Diplomacy Briefing », les demandes de conférenciers et le nombre d’événements ont augmenté de 50% par rapport à l’édition 2023. « Les entreprises cherchent à envoyer des signaux clairs sur l’avenir de l’énergie propre », confie à Forbes la We Mean Business Coalition, qui compte plus de 16 000 entreprises.
Quand on interroge les entreprises européennes qui ont fait le déplacement, toutes semblent convaincues de l’intérêt d’y participer. « Il s’agit de rencontrer des investisseurs, de nouer des partenariats, de jeter les bases de nouvelles collaborations », nous glisse Kenn Crombé, business développer chez Forestbase. L’intérêt de l’événement est d’avoir accès à tous les interlocuteurs en un temps record, sur un territoire limité.
Les entreprises cherchent à envoyer des signaux clairs sur l’avenir de l’énergie propre.
Depuis plus de trois ans, l’entreprise suisse finance d’importants chantiers de reforestation et de restauration en Colombie et en Indonésie. « 78 000 hectares de forêt tropicale primaire à protéger, 4 millions d’arbres à planter pour une réduction annuelle moyenne de 285 000 tonnes de CO2 rien que pour la Colombie, cela demande un sacré financement », nous explique le gantois qui entend profiter de la « Climate Week » pour trouver de nouveaux investisseurs.
Les deux faces d’une médaille
Deux salles, deux ambiances, certes. Mais restons justes, le rôle des régulateurs est essentiel pour offrir aux entreprises un cadre structurel propice à la transition écologique. Les deux événements sont loin d’être antagonistes et présentent plutôt les deux faces d’une même pièce.
D’un côté, l’énergie débordante de la société civile, des entreprises et des ONG. De l’autre, la patience de la diplomatie et des institutions, nécessaires pour construire un cadre global et durable. Si les contrats se scellent à la « Climate Week », c’est bien dans les couloirs de l’ONU que les représentants politiques jettent les bases d’un environnement favorable au combat climatique.
Catarina Letor (à New York)