Politique

Victoire du FPÖ : le retour en force de l’extrême droite en Autriche


Depuis plusieurs années, un vent global porte favorablement les extrêmes-droite au pouvoir en Europe. Depuis l’arrivée et la popularité de Silvio Berlusconi dans les années 1980 en Italie, jusqu’au célèbre regretté Jorg Haïder en Autriche, en passant par Georgia Meloni au pouvoir à Rome aujourd’hui et Marine Le Pen qui se prépare pour la présidentielle française en 2027, les partis politiques très à droite ont progressivement pris une place incontournable dans le paysage politique européen. Dernier succès en date : la victoire ce dimanche 29 septembre 2024 du Parti de la Liberté d’Autriche, le fameux FPÖ avec près de 28,8% des suffrages exprimés, face à l’actuel chancelier Karl Nehammer, chef des conservateurs de l’OVP qui le talonne avec 26,3% des votes. Analyse de la remontada du parti d’extrême droite autrichien.

Le regretté Jorg Haider, l’ancien gouverneur de Carinthie, doit se retourner dans sa tombe de joie, lui qui avait permis au FPÖ de se faire connaître à l’international. Mort en 2008, il avait dirigé de longue date le parti libéral d’Autriche et avait présidé aussi l’alliance pour l’avenir de l’Autriche, un parti dissident du FPÖ. Personnage controversé, il a ouvert la voie de la normalisation du parti dans le pays. Aujourd’hui, Herbert Kickl, l’actuel dirigeant a fait un bond spectaculaire lors de l’élection de ce dimanche 29 septembre 2024 avec une progression de plus de 13 points par rapport à 2019, alors que le parti avait connu la débâcle, il y a 5 ans. Pour Kickl, c’est « l’ouverture d’une porte sur une nouvelle ère », qui a d’ailleurs été saluée par Jordan Bardella, l’actuel Président du Rassemblement National (RN) français.

Une vieille histoire de l’extrême droite en Autriche

L’Autriche et l’extrême-droite, c’est une vieille histoire. Le FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs), a été fondé en 1956. Il est considéré comme un parti de droite populiste, voire d’extrême droite, en raison de ses positions nationalistes, anti-immigration et essentiellement eurosceptiques.

Fondé principalement par d’anciens membres du Verband der Unabhängigen (VdU), un mouvement regroupant des nationaux-libéraux et d’anciens nazis, le FPÖ se présentait comme un parti libéral-national, prônant la liberté individuelle et un certain nationalisme. Durant ses premières décennies, il restait un parti relativement marginal, ne jouant qu’un rôle mineur dans la politique autrichienne.

Le FPÖ estFondé principalement par d’anciens membres du Verband der Unabhängigen (VdU), un mouvement regroupant des nationaux-libéraux et d’anciens nazis.

En 1986, Jörg Haider devient président du FPÖ. Sous sa direction, le parti prend un virage national-populiste, axé sur des thèmes anti-immigration, anti-establishment et eurosceptiques. Il critique fortement l’immigration, la classe politique traditionnelle et les institutions européennes. Ce changement permet au FPÖ de gagner en popularité, notamment parmi les classes populaires et les jeunes déçus par les partis traditionnels (notamment par le Parti social-démocrate, le SPÖ, et le Parti populaire, l’ÖVP).

Gouvernement de coalition en 2000

Dans les années 1990, le FPÖ va connaître une forte montée en puissance électorale. En 1999, il obtient un score historique de 26,9 % aux élections législatives, devenant le deuxième parti du pays. En 2000, le FPÖ forme un gouvernement de coalition avec l’ÖVP, dirigé par Wolfgang Schüssel. Cette alliance provoque une controverse internationale, l’Union européenne imposant même des sanctions diplomatiques temporaires contre l’Autriche en raison de la participation d’un parti d’extrême droite au gouvernement.

Cette alliance provoque une controverse internationale, l’Union européenne imposant même des sanctions diplomatiques temporaires contre l’Autriche.

Mais les années de gouvernement entre 2000 et 2005 s’avèrent difficiles pour le FPÖ, marqué par des tensions internes et des désaccords. En 2005, Jörg Haider quitte le FPÖ et fonde un nouveau parti, l’Alliance pour l’avenir de l’Autriche (BZÖ), emmenant avec lui une partie des cadres et des élus du FPÖ. Ce départ affaiblit temporairement le FPÖ, mais le parti parvient à se reconstruire sous la direction de Heinz-Christian Strache, qui en devient alors Président. Sous la direction de Heinz-Christian Strache, le FPÖ retrouve une partie de sa popularité, notamment en jouant sur les thèmes de la crise migratoire, du nationalisme et de l’islamophobie. En 2017, le FPÖ entre à nouveau dans un gouvernement de coalition avec l’ÖVP, sous la direction du fameux chancelier Sebastian Kurz.

Cependant, en 2019, le FPÖ est secoué par le scandale de l’Ibizagate. Une vidéo datant de 2017 montre Heinz-Christian Strache en train de discuter avec une femme se faisant passer pour une oligarque russe, à qui il propose des marchés publics en échange de soutien politique. Ce scandale mène à sa démission et à l’effondrement de la coalition avec l’ÖVP.

Avec qui gouverner ?

Après le scandale, Norbert Hofer prend la tête du parti, avant d’être remplacé en 2021 par Herbert Kickl, une figure plus radicale au sein du FPÖ. Le parti continue à défendre des positions nationalistes, anti-immigration et eurosceptiques, tout en se recentrant aussi sur des thématiques critiques vis-à-vis des restrictions liées à la pandémie de Covid-19.

Les positions du FPO sur l’immigration et l’islam lui ont attiré un électorat désenchanté par les grands partis.

Les positions du FPO sur l’immigration et l’islam lui ont attiré un électorat désenchanté par les grands partis. Bien qu’il ait été plusieurs fois affaibli par des crises internes et des scandales, le FPÖ reste un acteur majeur de la politique autrichienne, jouant un rôle clé dans les coalitions gouvernementales. Mais il résiste jour après jour et reste un exemple frappant de la montée en Europe des partis populistes et nationalistes au cours des dernières décennies, illustrant les tensions autour des questions d’identité nationale, de souveraineté et d’immigration.

Reste à voir maintenant si Herbert Kickl et le FPÖ réussiront à bâtir une coalition pour gouverner le pays ou si les conservateurs et les socio-démocrates arriveront à constituer une « alliance des perdants » comme les identifie le leader populiste pour lui barrer la route.

Sébastien Boussois
Docteur en sciences politiques, chercheur monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales à l’IHECS (Bruxelles), associé au Cnam Paris (Equipe Sécurité Défense), à l’Institut d’Etudes de Géopolitique Appliquée (IEGA Paris), au Nordic Center for Conflict Transformation (NCCT Stockholm) et à l’Observatoire Géostratégique de Genève (Suisse).


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