Politique

Le Premier ministre Barnier ne promet pas de miracle aux Français


Vingt-six jours après avoir été nommé Premier ministre par le Président de la République Emmanuel Macron, Michel Barnier a présenté son discours de politique générale (DPG). Ce mardi 1er octobre, face aux 577 députés, il a déroulé pendant près d’une heure et demie la feuille de route qu’il va assurer avec son gouvernement. Se référant à son maître à penser, le général de Gaulle, il a conscience de devoir « faire bien avec peu ». Et de préciser, dans la foulée : « Il n’y aura pas de miracle ». Il a confirmé la hausse d’impôts pour certaines catégories (riches et grandes entreprises) et une mise au point sur des sujets sociétaux.

A 73 ans, en politique et en responsabilité (entre autres, ministre, commissaire européen ou encore négociateur du Brexit) depuis plus de cinquante ans, Michel Barnier a accepté la mission que lui a confiée le Président de la République, sachant pertinemment que ça relève quasiment de l’impossible avec un gouvernement réunissant les « forces » du bloc central (ex-majorité présidentielle) et une petite cinquantaine de députés LR (Les Républicains).

Discours de vérité

Alors, face à l’Assemblée Nationale, il a fait du Barnier, pas d’esbrouffe, pas d’effet de manche malgré, durant toute son intervention, sous le brouhaha savamment annoncé et entretenu par le NFP (Nouveau Front Populaire, gauche) piloté par LFI (La France Insoumise du « sous-commandant de la Canebière » Jean-Luc Mélenchon).

Le Premier Ministre a donné des gages à toutes les formations politiques. Côté face, il a insisté sur le dialogue, le respect et l’écoute. Côté pile, il a repoussé à plus tard des décisions difficiles.

Pendant 90 minutes, en mode Barnier, ce fut la rupture en douceur avec des annonces attendues (hausse d’impôts pour certaines catégories), des mises au point sur des sujets sociétaux (pas question de remettre en cause l’IVG/Interruption volontaire de grossesse, la PMA/Procréation médicale assistée, ou encore le mariage pour tous), le gel de toute consultation en Nouvelle-Calédonie pour trouver une solution au conflit explosif qui frappe l’archipel… ou encore un rappel essentiel : en France, l’Etat de droit prévaut, éteignant ainsi une polémique lancée sur le sujet par son très droitier ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.

Commentaire du quotidien « L’Opinion » : « Le Premier Ministre a donné des gages à toutes les formations politiques. Côté face, il a insisté sur le dialogue, le respect et l’écoute. Côté pile, il a repoussé à plus tard des décisions difficiles ».

AFP

Marine Le Pen, présidente du groupe parlementaire du Rassemblement national, et Jean-Philippe Tanguy, député du Rassemblement national (RND), assistent à la déclaration de politique générale du Premier ministre français Michel Barnier à l’Assemblée nationale française à Paris, le 1er octobre 2024. (Photo par ALAIN JOCARD / AFP)

D’autres ont relevé qu’en bon pompier anti-Macron, il n’a pas manqué de pointer que « la situation de la France est si grave qu’il va falloir verser du sang et des larmes pour la redresser. Dressant un bilan sévère de la gestion Macron, le Premier ministre sonne l’alarme », et que « fin de vie, petite enfance, violences faites aux femmes : sur ces sujets, le Premier ministre affiche de bonnes intentions sans dire toute la vérité ».

Michel Barnier, un Premier ministre ad intérim…

Mais mieux que personne, Michel Barnier qui ne manque pas une occasion d’évoquer son « pays de Savoie » connaît, en bon montagnard qui avance pas à pas, parfaitement la topographie politique si particulière depuis la dissolution de l’Assemblée Nationale prononcée par le Président de la République dans la foulée des élections européennes de juin dernier, et la configuration inédite du Parlement sans majorité absolue et scindée en trois blocs (NFP, bloc central et RN/Rassemblement National, et ses alliés « ciottistes »).

Je suis là depuis vingt-six jours. Pour combien de temps encore ? C’est vous seuls qui en déciderez.

Et malgré son discours de politique générale (à l’issue duquel il n’a pas pris le risque de demander la confiance des députés), comme le titre l’hebdomadaire très à droite « Valeurs actuelles », il est « cerné par les flammes ». Ce qui lui a fait dire, petit sourire aux lèvres, aux députés : « Je suis là depuis vingt-six jours. Pour combien de temps encore ? C’est vous seuls qui en déciderez »…

Le danger viendra de l’extrême droite

Et c’est bien ce qui alimentent tous les déjeuners et dîners en ville du monde politique français : combien de temps va tenir ce gouvernement Barnier, regroupant autour d’une même table des macronistes, des centristes et aussi des LR pas très éloignés du RN ?

Evidemment, le NFP qui ne se remet pas du refus d’Emmanuel Macron de nommer à Matignon sa candidate Lucie Castets a redit qu’il censurera le gouvernement Barnier, puis exigera la destitution du Président de la République… Sauf que l’hypothèse semble peu probable, le NFP ne comptant qu’à peine 200 députés, alors que la majorité absolue est fixée à 289. C’est plutôt du côté du RN et de ses alliés « ciottistes » que va venir le danger pour le gouvernement Barnier.

AFP

Le président du groupe parlementaire A Droite, Eric Ciotti, assiste à la déclaration de politique générale du Premier ministre français Michel Barnier à l’Assemblée nationale française à Paris, le 1er octobre 2024. (Photo par ALAIN JOCARD / AFP).

L’immigration, sujet central à traiter

Avec ses presque 150 députés, le bloc d’extrême droite a pouvoir de vie et de mort sur le Premier ministre et ses ministres. Ainsi, Marine Le Pen, présidente du groupe RN à l’Assemblée Nationale et bien qu’empêtrée dans un difficile procès dits « des assistants parlementaires européens » ouvert ce 30 septembre 2024, a bien précisé que si, pour l’heure, elle attend pour juger, elle fixe trois sujets d’importance dont, en premier lieu, l’immigration – que Michel Barnier et ses ministres devront appliquer – sinon, à l’exemple d’un empereur romain aux Jeux du cirque, elle baissera le pouce… « Nous tenons Barnier dans notre main », a fait savoir une porte-parole du RN. Tout est dit…

Nous tenons Barnier dans notre main.

Enfin, l’incendie pourrait aussi bien se déclarer tout simplement au sein même du gouvernement. Pour l’heure, pas encore de tensions entre les ministres du bloc central et la poignée de « droitiers ». Mais le précédent Premier ministre Gabriel Attal, aujourd’hui président du groupe des députés EPR (Ensemble pour la République) a fait alliance avec Gérald Darmanin, son ancien ministre de l’Intérieur, et a annoncé qu’il tirera leçons et conséquences s’il y a le moindre faux-pas du gouvernement Barnier, comprendre, un penchement trop net vers le RN…

Serge Bressan (correspondant à Paris)


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