COMMENT COLLABORER APRES LE BREXIT

Keir Starmer ouvre la voie du pragmatisme pour les relations entre Londres et Bruxelles

Le Premier ministre britannique Keir Starmer serre la main de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen au siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 2 octobre 2024. AFP

Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, a rencontré ce mercredi 2 octobre la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, à Bruxelles. Depuis le Brexit, les relations entre Londres et Bruxelles se sont considérablement détériorées. Keir Starmer s’efforce désormais d’adopter une approche différente de celle de ses prédécesseurs, Boris Johnson et Liz Truss, cherchant à améliorer les liens avec l’Union européenne. Cette visite marque sa première occasion de discuter avec Bruxelles de sujets clés tels que le commerce, la sécurité et la mobilité des jeunes. Bien que Starmer ait précisé que son gouvernement, issu de la victoire du Parti travailliste en juillet dernier, n’envisage pas de renégocier l’accord global du Brexit, il souhaite néanmoins renforcer les relations bilatérales dans plusieurs domaines stratégiques.

« Je crois fermement que l’opinion publique britannique souhaite un retour à un leadership pragmatique et sensé lorsqu’il s’agit de traiter avec nos voisins les plus proches », a déclaré Keir Starmer, à son arrivée à Bruxelles. « Nous sommes déterminés à remettre cette relation sur une base stable et positive, ce que nous souhaitons tous, je pense ».

Les graines de la coopération

Depuis les élections, le Premier ministre a entamé une véritable odyssée, sillonnant les chemins de l’Europe avec des étapes à Berlin, Paris, Rome et Dublin, afin de poser les premières fondations d’une réinitialisation des relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Comme un navigateur cherchant à redresser le cap après une tempête, Keir Starmer espère ramener son pays sur une voie d’une relation plus apaisée et productive avec le continent.

Nous devrions explorer les voies d’une coopération accrue tout en assurant la pleine et fidèle application de l’accord de retrait.

Si l’Union européenne partage son aspiration à un pacte de sécurité commun, les eaux risquent de devenir plus agitées lorsque viendront les négociations sur la libre circulation des biens et des personnes. « Nous devrions explorer les voies d’une coopération accrue tout en assurant la pleine et fidèle application de l’accord de retrait », a déclaré Ursula Von der Leyen.

Lundi, un porte-parole de la Commission européenne a décrit la rencontre avec la Présidente de l’exécutif européen comme le « début d’une conversation » sur l’évolution des relations entre la Grande-Bretagne et l’Union européenne.

Tourner la page du Brexit

Keir Starmer espère tenir sa promesse de « réinitialiser » les liens avec l’UE après les répercussions importantes du Brexit. Toutefois, il a longtemps souligné qu’il n’envisageait pas de démarches plus radicales, telles que la réintégration dans le marché unique ou l’union douanière.

« Le Royaume-Uni est indéniablement plus fort lorsqu’il collabore étroitement avec ses partenaires internationaux les plus proches. Cela n’a jamais été aussi crucial, alors que la guerre, les conflits et l’insécurité frappent aux portes de l’Europe », a déclaré le Premier ministre britannique dans un communiqué. Il se dit « déterminé à tourner la page du Brexit et à établir une relation plus pragmatique et mature avec l’Union européenne », tout en veillant à ce que « le peuple britannique en récolte les bénéfices qu’il mérite ».

Coopération plus étroite, mais les priorités diffèrent

Le Premier ministre britannique aspire à stabiliser les relations avec l’Union européenne, jugées essentielles pour nourrir la croissance économique et renforcer les intérêts sécuritaires du Royaume-Uni.

Il a également mis en lumière la migration comme un domaine riche en possibilités de coopération avec l’UE. Toutefois, les contours de cette réintégration demeurent flous, laissant planer une incertitude sur la manière dont le Royaume-Uni envisage de tisser à nouveau des liens avec le bloc.

Le Royaume-Uni est indéniablement plus fort lorsqu’il collabore étroitement avec ses partenaires internationaux les plus proches.

Du côté européen, on reconnaît que le Brexit a diminué le poids de l’Union sur la scène mondiale, la privant des 67 millions d’habitants du Royaume-Uni, de sa puissance militaire, de son réseau diplomatique et de son secteur financier d’importance.

Cette perte souligne l’urgence pour l’UE de redéfinir ses priorités et de s’adapter à un nouvel équilibre géopolitique. Ursula Von der Leyen a, quant à elle, insisté sur la nécessité d’une « mise en œuvre complète et fidèle » des accords existants sur le Brexit.

Elle a également affirmé que « les partenaires partageant les mêmes idées » doivent coopérer plus étroitement, en mettant l’accent sur leurs convictions communes concernant la lutte contre le changement climatique et le soutien à l’Ukraine face à l’invasion russe.

Tous deux ont condamné la récente attaque iranienne contre Israël, appelant à une désescalade des tensions au Moyen-Orient. « En période de danger, nous avons le devoir de travailler ensemble pour préserver la stabilité et la sécurité », a déclaré Keir Starmer, réaffirmant ainsi la nécessité d’une solidarité internationale.

Malgré cela, les priorités des deux parties diffèrent. Londres souhaite négocier un nouveau pacte de sécurité avec l’Union, dont les contours restent encore très flous. Elle formule également des demandes concrètes : simplifier les contrôles phytosanitaires sur les produits agricoles, assurer une reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles et faciliter les tournées des artistes.

Une renaissance à la croisée des vagues

La récente visite de Keir Starmer à Bruxelles représente un tournant significatif dans les relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.

Comme l’a souligné le professeur Richard Whitman, cette rencontre « est le symbole d’une volonté de dissiper le brouillard existant entre les deux côtés de la Manche ». Elle incarne l’espoir d’une redéfinition des liens, tout en soulignant que le Royaume-Uni doit reconnaître les efforts nécessaires pour atteindre une véritable amélioration des relations.

En période de danger, nous avons le devoir de travailler ensemble pour préserver la stabilité et la sécurité.

Sébastien Maillard, de l’Institut Jacques-Delors, abonde dans ce sens en affirmant qu’il s’agit d’une « visite importante », la première d’un Premier ministre britannique à Bruxelles depuis 2019. Le fait qu’un dirigeant « Remainer », initialement hostile au Brexit, prenne l’initiative d’un rapprochement pourrait marquer le début d’un dialogue régulier entre les deux entités.

Ainsi, au-delà des défis qui persistent, cette démarche pourrait bien être le prélude à une collaboration renforcée et à un avenir plus lumineux, permettant aux deux parties de naviguer ensemble dans un monde en constante évolution.

Alexander Seale (à Londres)