Politique

Israël/ Gaza : la nouvelle curieuse idée du président français Emmanuel Macron


Tout appel à faire cesser le bruit des armes entre Israéliens, palestiniens et libanais est louable. Après la mort de plus de 1.200 israéliens le 7 octobre 2023 et l’élimination de plus de 40.000 gazaouis a plongé la région dans l’impasse. L’appel d’Emmanuel Macron à cesser de livrer des armes à Israël utilisées contre Gaza peut apparaître de prime abord comme une bonne idée, mais se révèle très largement insuffisant et très largement déséquilibré. Voici pourquoi.

Le président français, Emmanuel Macron, vient de lâcher une de ses petites bombes discursives dont il a le secret et qu’il convient d’essayer de comprendre. Ce samedi 5 octobre 2024, il a ainsi appelé les pays à cesser de livrer des armes à Israël utilisées dans la poursuite de la guerre à Gaza.

Depuis des mois, l’Etat hébreu mène une guerre contre le Hamas qui aurait fait, selon les chiffres de l’organisation islamiste, plus de 40 000 morts et principalement des civils. Au nom de sa sécurité et après les terribles attaques du 7 octobre 2023, Israël a jeté un tapis de bombes sur l’enclave palestinienne avec le soutien de bon nombre de pays occidentaux. Soit, c’est une réalité.

Les Etats-Unis, premiers fournisseurs d’Israël 

Les premiers fournisseurs étrangers d’armes à l’Etat hébreu sont bien sûr les Etats-Unis, qui représentent près de 70% des stocks livrés à Tel Aviv. Puis viennent l’Allemagne et la France bien loin derrière. Tandis que l’Espagne et l’Italie ont cessé de le faire depuis des mois, s’attirant la sympathie de leurs propres opinions pro-palestiniennes. Cela veut donc dire, qu’Emmanuel Macron espère faire des émules et peser dans sa décision face à Washington.

A minima, c’est totalement dénué de bon sens, car cela voudrait dire que le Président français pense avoir une quelconque influence sur le premier allié mondial d’Israël. Et au pire, et c’est à notre avis le plus grave, Emmanuel Macron demande d’éteindre un feu, mais qui ne peut se faire que via la démilitarisation totale de la zone, voire de la région.

En effet, comment demander à l’Etat hébreu qui riposte aux attaques du Hamas et du Hezbollah, certes d’une façon si disproportionnée, qu’il est impossible d’éviter la mort de civils et donc de commettre quelques crimes de guerre sur le chemin, et ne pas le « demander » poliment au Hamas et au Hezbollah soutenus par l’Iran ? Ces deux mouvements refuseraient bien évidemment si on demandait leur avis. En résumé : il est totalement illusoire de penser que la simple décision de la France, qui n’aurait que peu d’impact, puisse convaincre les Etats-Unis d’opter pour une autre stratégie et de de couper les vivres à Israël, que d’imaginer pouvoir le faire avec l’Iran.

AFP

Une femme tient une pancarte sur laquelle on peut lire en français « Stop à l’impunité lors d’un rassemblement organisé par l’association France Palestine Solidarité (AFPS) en soutien au peuple palestinien, à Paris, le 5 octobre 2024. (Photo par STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

La France risque d’être seule

Que cherche le Président français ? Cela n’est pas sans rappeler sa sortie du mois d’octobre 2023 à Jérusalem, où il proposait la mise en place d’une coalition internationale pour lutter contre le Hamas.

Au vu des intérêts divergents des acteurs de la région, du manque de neutralité de la France, du risque lié aux populations civiles qu’endosserait alors la communauté internationale, et du refus anticipé des pays arabes de risquer de se mettre à dos leurs propres populations, c’était voué à l’échec. La France risque de se trouver bien seule à nouveau.

Aujourd’hui, Emmanuel Macron propose d’arrêter de fournir des armes à Israël, sans avoir dans le même temps de propositions ou de solutions pour empêcher le Hezbollah de continuer à tirer des roquettes sur le nord du pays, ou le Hamas de continuer à se battre et se regénérer. Cela paraît en effet bien saugrenu. On en revient en réalité toujours à la même problématique : si l’objectif est de pousser le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, à négocier et arrêter la guerre, il faudrait être sûr que ce dernier soit enfin enclin à le faire. Or, avec une coalition gouvernementale portée par les juifs ultra nationalistes religieux qui refusent catégoriquement de le faire, la démarche est vouée à l’échec.

Emmanuel Macron surestime le poids de la France

Personne n’y croit, au point même d’abandonner les otages à leur propre sort depuis des mois. De plus, il faudrait être sûr que le Hamas et le Hezbollah soient considérés par l’ensemble des parties, voire la communauté internationale, comme des acteurs avec qui on doit discuter. Pourtant, comment parvenir à un accord sans justement l’accord de toutes les parties ?

Le bilan de cette nouvelle proposition artistique du Président français, c’est de penser qu’il a oublié en réalité une fois encore que la France ne pèse plus grand-chose dans la région. Mais surtout que les Etats-Unis dirigés par un(e) Démocrate ou un Républicain à l’avenir pourraient changer leur fusil d’épaule, et abandonner Israël et son droit inaliénable à se défendre quitte à avaler en permanence des couleuvres face à un Netanyahou qui n’obéit à aucune des demandes de l’administration de Joe Biden depuis des mois et des mois.

Sébastien Boussois
Docteur en sciences politiques, chercheur monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales à l’Ihecs (Bruxelles), associé au Cnam Paris (Equipe Sécurité Défense), à l’Institut d’Etudes de Géopolitique Appliquée (IEGA Paris), au Nordic Center For Conflict Transformation (NCCT Stockholm) et à l’Observatoire Géostratégique de Genève (Suisse).


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