COMMEMORATION DU PREMIER ANNIVERSAIRE DU POGROM DU 7 OCTOBRE 2023

Moyen-Orient : 1 an après le 7 octobre, les plaies sont encore vives et la guerre fait toujours rage

Une affiche géante avec des photos de victimes disparues lors d'une commémoration en hommage aux victimes de l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023, organisée par le Forum des Organisations Juives (FJO) et le Comité de Coordination des Organisations Juives en Belgique (CCOJB), le dimanche 6 octobre 2024 à Bruxelles. BELGA

Il y a un an, jour pour jour, l’impensable se produisait. L’aube venait à peine de poindre quand un déluge de milliers de roquettes tombait sur Israël. Au même moment, des milliers de membres du Hamas et d’autres organisations terroristes – Djihad Islamique, Front Démocratique de Libération de la Palestine (FDLP), Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP) – détruisaient, en plusieurs points, la clôture de sécurité isolant la bande de Gaza du sud du pays et déferlaient sur les kibboutzim entourant le territoire palestinien autonome et sur deux festivals de musique, faisant près de 1.200 morts, pour les trois quarts des civils. Ce que l’on a pu appeler « le plus grand massacre de juifs depuis la Shoa » entraînait une riposte israélienne immédiate qui, en quelque semaines, se transformait en une guerre totale et ouverte. Un an plus tard, état des lieux.

Premier constat : on en sait beaucoup plus aujourd’hui sur la préparation et la nature de l’attaque terroriste.

Les documents saisis sur des terroristes tués le 7 octobre, l’exploitation des images filmées en temps réel par les caméras « go-pro » dont ils étaient porteurs (et qui, pour certaines d’entre-elles, furent diffusées en temps réel durant les attaques), la documentation retrouvée dans divers quartiers généraux du Hamas à Gaza, apportent toutes les informations nécessaires.

Ce déferlement de violence sans précédent n’a été possible que grâce à l’aveuglement des services de renseignement israéliens et à la réaction tardive et mal calibrée de l’armée.

On sait par exemple, de manière incontestable que, loin d’avoir été des victimes collatérales d’affrontement avec l’armée, les civils étaient délibérément visés. Les chefs du Hamas recommandaient même de s’en prendre à des enfants et de s’attaquer à des écoles. De même, la barbarie dont les assaillants ont fait preuve – enfants assassinés, civils tués à l’arme blanche ou brulés vifs dans leurs maisons, innombrables agressions sexuelles et mutilations génitales – entraient dans le cadre de la même stratégie visant à répandre la terreur au sens propre du mot.

L’aveuglement des services de renseignement et des politiques

Deuxième constat : ce déferlement de violence sans précédent n’a été possible que grâce à l’aveuglement des services de renseignement israéliens et à la réaction tardive et, dans un premier temps, mal calibrée de l’armée. Le Mossad n’a pas repéré les multiples contacts entre le Hamas, le Hezbollah et l’Iran qui se sont déroulés à Beyrouth et à Damas dans les mois précédant l’attaque. Il ne semble pas davantage avoir vu que des centaines de combattants du Hamas s’entraînaient en Iran (après avoir gagné ce pays en passant par l’Egypte).

Le Sin Beth (ou Shabak, le service de sécurité intérieure), pour sa part, n’a pas bien interprété les entrainements qui se déroulaient dans la bande de Gaza (et qui étaient pourtant filmés, certaines images étant même diffusées sur les réseaux sociaux) au cours desquels des terroristes se formaient à attaquer des installations ressemblant furieusement aux kibboutzim qui ont, ensuite, été visés.

Enfin, dans les jours et les heures précédant le drame, Aman (le renseignement militaire) n’a pas tenu compte des rapports alarmants arrivant de ses installations d’écoute et d’observation proches de Gaza. Et le Jour J, ce service n’a pas réagi lorsqu’entre 3.000 et 5.000 terroristes se sont regroupés en divers points le long de la clôture de sécurité.

Quid de l’armée israélienne ?

Quant à l’armée qui pouvait encore réagir, jusqu’au dernier moment, en procédant à des bombardements préventifs, elle ne l’a pas fait. Si l’on excepte des opérations isolées – souvent entreprises sur ordre des commandants d’unités et avec des moyens limités et pas de l’état-major – qui ont coûté la vie à de nombreux soldats, Tsahal a mis du temps à mobiliser ses forces pour contre-attaquer et pour venir en aide aux milliers de civils qui étaient pris au piège dans le sud.

Dans la plupart des cas, les habitants n’ont pu compter que sur eux-mêmes durant les douze premières heures.

Dans la plupart des cas, les habitants n’ont pu compter que sur eux-mêmes durant les douze premières heures et il aura fallu trois jours pour éliminer les derniers terroristes encore présents sur le sol israélien.

Sur cette longue chaine d’erreurs, des zones d’ombres subsistent. La plus importante étant : les plus mauvaises décisions ont-elles été prises à l’échelon sécuritaire et militaire ou à l’échelon politique ? Les chefs des services de renseignement et l’état-major ont rapidement admis leur échec et tous ont promis d’en tirer toutes les conséquences. Le patron du renseignement militaire l’a déjà fait, à titre personnel, en présentant sa démission. Mais il faudra des commissions d’enquête parlementaires et indépendantes pour retracer le plus précisément possible, ce qui s’est réellement passé. Cela aura lieu, mais seulement quand les guerres en cours seront terminées.

AFP

Des flammes s’embrasent dans un bâtiment touché par un bombardement israélien dans le quartier de Sheikh Radwan, au nord de la ville de Gaza, le 3 septembre 2024. (Photo par Omar AL-QATTAA / AFP).

Une reconstruction de Gaza est inévitable

Troisième constat : la guerre à Gaza a été terrible. Le nombre de victimes civiles est très élevé même s’il est permis de douter (faute de vérification indépendante) des bilans quotidiens émis par le Hamas et qui font état de plus de 41.000 morts, tous des civils. D’abord, le nombre lui-même devrait être vérifié, en plus, il est évident que tous les morts ne sont pas des civils. Selon certaines estimations, au moins 15 000 membres du Hamas ou d’autres milices terroristes auraient été tués. Mais cela ne change rien au constat : les dégâts provoqués par les bombardements israéliens sont énormes et une grande partie de la bande de Gaza et de la ville de Gaza elle-même sont désormais inhabitables et devront être reconstruites. Où vivront en attendant les millions d’habitants de la zone ? Cette question, attend encore une réponse satisfaisante.

Selon les analystes militaires israéliens et occidentaux, le Hamas en tant qu’organisation militaire a été presque totalement détruit et les principaux chefs de sa branche politique ont été éliminés.

Ce qui semble certain, en tout cas, c’est que la guerre au sud touche à sa fin. Selon les analystes militaires israéliens et occidentaux, le Hamas en tant qu’organisation militaire a été presque totalement détruit et les principaux chefs de sa branche politique ont été éliminés. L’organisation tentera évidemment de se relever (si Israël lui en laisse l’occasion, ce dont on peut douter), mais il y mettra du temps. Ce qui amène une autre interrogation : qui gouvernera Gaza après la guerre ? Ici aussi, une réponse est attendue.

Au nord, le Hezbollah est à son tour en train de s’effondrer

Quatrième constat : la guerre se développe désormais au nord, en direction du Liban et du Hezbollah.

L’appui apporté au Hamas par le Hezbollah depuis le 8 octobre 2023, s’est traduit par des milliers de roquettes et de missiles tirés sur la Galilée. Ces bombardements quotidiens ont forcé le gouvernement à évacuer plus de 63 000 habitants du nord.

Les opérations israéliennes visent jusqu’à présent à forcer le Hezbollah à renoncer à ses tirs afin de revenir à la situation ex-ante et de permettre le retour des évacués.

Les opérations israéliennes visent jusqu’à présent à forcer le Hezbollah à renoncer à ses tirs afin de revenir à la situation ex-ante et de permettre le retour des évacués. Elle n’a pas fonctionné et la nouvelle stratégie consiste désormais à détruire le Hezbollah ou, en tout cas, à l’affaiblir considérablement et à l’éloigner de la frontière israélienne.  Ceci a déjà été largement accompli par les opérations ciblées de « décapitation » visant à éliminer les dirigeants militaires et politiques de la milice chiite pro-iranienne, par les opérations des pagers et des walkies-talkies piégés, et par des bombardement massifs sur le sud Liban, sur la plaine de la Bekaa, le long de la frontière syrienne et sur la banlieue sud de Beyrouth, soit sur les trois zones où sont situés les états-majors, les arsenaux  et les principales installation du Hezbollah. Le chef de l’organisation depuis plus de trente ans, Hassan Nasrallah et 95% des responsables de haut niveau de la milice ont ainsi été éliminés.

Pas plus tard que dans la nuit de jeudi à vendredi, de nouvelles frappes auraient tué Hashem Safieddine (successeur désigné de Nasrallah), son chef du renseignement Hajj Mortada et le général Esmaïl Qaani, commandant de l’unité al-Qods, responsable des opérations extérieures des Gardiens de la Révolution iraniens et, plus particulièrement, du soutien au Hezbollah. Les trois hommes ainsi que plusieurs autres commandants du Hezbollah et d’al-Qods étaient réunis dans un bunker de Beyrouth-sud lorsque qu’une frappe les a éliminés.

AFP

Une femme défigure un portrait du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avec de la peinture alors que des manifestants anti-gouvernementaux israéliens organisent une manifestation appelant à agir pour obtenir la libération des otages israéliens retenus captifs depuis les attaques du 7 octobre par des militants palestiniens dans la bande de Gaza, devant le ministère israélien de la Défense à Tel Aviv, le 5 septembre 2024. (Photo par Jack GUEZ / AFP).

La hausse vertigineuse de l’antisémitisme

Cinquième constat : le conflit a suscité une hausse terrifiante de l’antisémitisme dans le monde et, plus particulièrement, en Europe et en Amérique du Nord. Dès le 9 octobre, alors que le sang des victimes du pogrom était encore frais (et que leurs corps n’avaient pas été retrouvés…) avaient lieu les premières manifestations de « soutien à la Palestine ».

L’extrême gauche qui mobilise sans relâche ses sympathisants depuis douze mois a ainsi participé à la propagation de l’antisémitisme le plus abject.

On remarquera que, loin de constituer des démonstrations en faveur des « Palestiniens », ce qui serait tout à fait légitime, ces défilés ignoraient totalement les victimes du pogrom et avaient pour but unique de s’en prendre à Israël, avec des slogans génocidaires comme « La Palestine sera libre de la rivière à la mer », qui signifie que plus aucune présence juive ne sera tolérée entre le Jourdain et la Méditerranée.

L’extrême gauche qui mobilise sans relâche ses sympathisants depuis douze mois a ainsi participé à la propagation de l’antisémitisme le plus abject. Celui-ci a connu un bond terrifiant en un an.

Selon des chiffres récents, les actes antisémites auraient triplé au Royaume-Uni (5 000 cas, ces douze derniers mois) et en France (près de neuf cents cas répertoriés pour les seuls six premiers mois de cette année. Au Pays-Bas des policiers issus de la diversité refuseraient de protéger les personnes et institutions juives, évoquant un « droit de réserve moral » qui laisse songeur.

BELGA

Photo d’une action de protestation des étudiants de UAntwerpforPalestine pour appeler au boycott académique des universités israéliennes, le jeudi 03 octobre 2024, au Ossenmarkt d’Anvers. . (BELGA PHOTO WARD VANDAEL).

Des actes antisémites

Comme toujours, les agressions ont accompagné ou suivi les mots. En France, une fillette de 13 ans a été violée par un groupe d’adolescents du même âge parce qu’elle avait caché à son petit ami qu’elle était juive. Au Danemark, le 10 septembre 2024, un individu a été arrêté pour avoir incendié l’appartement d’une femme au seul prétexte qu’elle était juive. A à Toronto, le 29 mai 2024, une synagogue a été incendiée et l’on ne compte plus les arrestations, opérées en Europe et en Amérique du Nord, d’activistes préparant des attentats contre les communautés juives et les intérêts israéliens. Certains de ces extrémistes sont de très jeunes adolescents.

En Belgique, l’ULB a été occupé pendant plusieurs semaines au printemps dernier. En France, l’école supérieure Sciences-po Paris et la plupart des universités sont le théâtre de manifestations quasi-quotidiennes. A Paris, particulièrement, La France Insoumise a mené toute la campagne des élections européennes sur…le soutien à Gaza.

Israël et les Etats-Unis préparent une réponse, sans doute imminente, aux récentes frappes iraniennes.

Son leader, Jean-Luc Mélenchon, s’est fait particulièrement remarquer par des propos à teneur antisémite. Il a récemment accusé Israël de vouloir « faire la guerre à l’Iran », alors que c’est Téhéran qui venait de lancer près de 200 missiles balistiques sur l’Etat juif. Mieux : alors que l’on commémorera, ce lundi, le premier anniversaire du massacre, LFI organisait samedi deux grandes manifestations anti-israéliennes et Jean-Luc Mélenchon, appelait les Français et les universités à se pavoiser de drapeaux israéliens dès le 8 octobre. Sans un mot, bien entendu, pour les victimes israéliennes ni pour les 150 otages encore retenus à Gaza….

Et les choses pourraient encore empirer. Israël et les Etats-Unis préparent une réponse, sans doute imminente, aux récentes frappes iraniennes. Selon l’ampleur qu’elle aura et les cibles visées, on peut craindre que toute la région s’embrasse et les secousses de cette nouvelle crise majeure se fassent sentir jusqu’en Europe. Entre autres sous la forme d’attentats.

Hugues Krasner