Société

Les internes britanniques acceptent un compromis sur leurs salaires après 18 mois de grève


Nous vous en parlions déjà l’année dernière, les internes en médecine au Royaume-Uni étaient en grève depuis plus de 18 mois. Ils ont récemment accepté la proposition du nouveau gouvernement travailliste, concernant une augmentation de salaire de 22 %, après 11 grèves successives. Après des négociations au point mort pendant des mois avec le précédent Gouvernement conservateur, qui refusait de se mettre à la table des négociations, il s’agit d’un tour de force pour le nouveau Gouvernement travailliste, qui a réussi à débloquer la situation en seulement quelques semaines.

Le syndicat British Medical Association (BMA), auquel les médecins internes britanniques grévistes s’étaient ralliés, a soumis la proposition d’une augmentation de 22 % au vote lundi 16 septembre. Sur 45.000 votants, 66% se sont prononcés en faveur de la proposition du gouvernement.

Cependant, il s’agit d’une offre significativement en deçà de ce que les internes en médecine espéraient. Ils demandaient une augmentation de salaire de 35%. Le BMA a donc averti le gouvernement que cette augmentation ne suffirait pas à apaiser la colère grandissante qui dure depuis des années au sein du système de santé publique.

Pas d’indexation pour les médecins du secteur public

L’augmentation de 35% des salaires, demandée à l’origine, reflétait le fait que le salaire des médecins travaillant dans le public n’est pas indexé sur l’inflation, contrairement à celui d’autres fonctionnaires. Le BMA estimait que depuis 2008, les salaires effectifs avaient chuté de 26%. Il faut aussi ajouter que les étudiants britanniques paient des frais de scolarité élevés et qu’à la fin de leurs études, les jeunes médecins se retrouvent avec des dettes pouvant atteindre 100 000 livres sterling.

Les changements devront être systémiques et, au-delà des revendications salariales, les internes en médecine demandent de meilleures conditions de travail.

Les changements devront être systémiques et, au-delà des revendications salariales, les internes en médecine demandent de meilleures conditions de travail. Le docteur Vivek Trivedi, médecin syndicaliste, en charge des négociations, a déclaré à la BBC que l’accord avait seulement commencé à « renverser la tendance des baisses de salaire ». Il l’a présenté comme un « compromis ». A l’instar des internes, la BMA réclamait aussi une augmentation salariale de 35% pour compenser 15 années de rémunérations inférieures à l’inflation.

Il a ajouté que, pour les années à venir, l’attente était que les salaires continuent d’augmenter au-dessus de l’inflation et que, si cela ne se produisait pas, le gouvernement devrait être « préparé aux conséquences. Cest une première étape, mais la lutte n’est pas terminée ».

AFP

Les médecins consultants du National Health Service (NHS) participent au « Fix Consultant Pay Rally » à la British Medical Association (BMA) House à Londres le 20 juillet 2023, alors que les médecins seniors en Angleterre ont organisé une rare grève. (Photo par HENRY NICHOLLS / AFP).

Que représente l’accord pour les jeunes médecins ?

L’accord augmente le salaire de départ d’un jeune médecin, passant de 29.384 £ en 2022-2023 à 36.616 £ par an en salaire de base. Ceux qui se trouvent en haut de l’échelle salariale gagnent plus de 70.000 £. Cependant, les jeunes médecins gagnent généralement 25 % à 30 % de plus grâce à des paiements supplémentaires pour des tâches comme le travail supplémentaire et les horaires décalés.

Cela marque la première étape nécessaire dans notre mission de réduire les listes d’attente, de réformer le service de santé défaillant et de le préparer pour l’avenir.

L’offre a été faite par le ministre de la Santé, Wes Streeting, à la fin du mois de juillet, quelques semaines après la victoire du Parti travailliste aux élections. Il s’est dit « heureux » qu’elle ait été acceptée, mettant fin au « conflit le plus dévastateur de l’histoire du service de santé. Cela marque la première étape nécessaire dans notre mission de réduire les listes d’attente, de réformer le service de santé défaillant et de le préparer pour l’avenir ». Cette augmentation se fera progressivement sur deux ans. Les internes bénéficieront aussi d’une augmentation rétroactive de 4% de leurs salaires pour l’année 2023/2024.

Soulagement pour le service public de santé (NHS)

L’accord est favorablement accueilli au sein du service public de santé (NHS). « Les responsables de la santé ont poussé un énorme soupir de soulagement en apprenant que le conflit avait été résolu avec succès. La dernière chose que nos membres souhaitaient était la menace de nouvelles grèves à l’approche d’un hiver qui s’annonce très difficile », a commenté Danny Mortimer, directeur général de NHS Employers, qui représente les trusts du NHS.

Le système de santé publique britannique, le NHS, est au bord de l’effondrement depuis des années. Entre gestion administrative inefficace et coûteuse, manque de médecins et d’infirmières après le Brexit, et enfin la crise du Covid, il est à terre, et ce sont les patients qui en paient le prix.

AFP

Le système public de santé britannique (NHS) est sous pression depuis des années et suscite des mécontentements. (Photo par JUSTIN TALLIS / AFP).

Système de santé public inefficace

D’après les estimations, le mauvais état du système de santé illustré notamment par les listes d’attente pour voir un spécialiste ou se faire opérer, coûterait la vie à 500 patients par mois, car ils n’ont pas pu être traités à temps. Parallèlement, le temps d’attente pour être pris en charge pour une urgence n’a jamais été aussi élevé, avec en moyenne 6 heures d’attente pour les enfants et jusqu’à 12 heures pour les adultes.

Les internes dénoncent donc des conditions de travail de plus en plus difficiles et des salaires si peu attractifs que beaucoup renoncent à devenir médecins. Les conditions d’immigration se sont aussi durcies avec le Brexit, alors que le NHS employait beaucoup de médecins étrangers, pour qui le salaire était autrefois attractif.

Le gouvernement précédent a détruit le NHS et les patients n’ont plus confiance. Il s’agit de vies humaines qui sont en jeu.

Beaucoup d’internes expliquent quitter la médecine ou partir à l’étranger, notamment en Nouvelle-Zélande ou en Australie, où ils sont mieux rémunérés. Le Premier ministre, Keir Starmer, assure qu’il faut « réformer de manière systémique le NHS ou il mourraLe gouvernement précédent a détruit le NHS et les patients n’ont plus confiance. Il s’agit de vies humaines qui sont en jeu ».

C’est donc probablement l’un des plus gros dossiers que le nouveau locataire du 10 Downing Street devra résoudre avec son nouveau gouvernement, et pour l’instant, il a gagné une bataille, mais il n’a absolument pas gagné la guerre.

Léna Job (à Londres)


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