Royaume-Uni : épinglée pour son salaire jugé trop élevé, la directrice de cabinet du Premier ministre démissionne
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La directrice de cabinet du Premier ministre Britannique, Keir Starmer a annoncé sa démission, samedi 5 octobre 2024. Sue Gray est en poste depuis septembre 2023, et a grandement participé à son accession aux portes de Downing Street. Sa nomination avait alors été remarqué, puisque Sue Gray était connue par les Britanniques pour avoir rédigé l’accablant rapport du « Party Gate », sur les fêtes organisées au 10 Downing Street lors des confinements de 2021 durant ma crise du Covid-19. Ce rapport, qui avait été accablant pour le gouvernement de Boris Johnson, avait fini par lui coûter son mandat de Premier ministre. Un ancien cadre de TikTok entre au cabinet du Premier ministre Starmer.
Sue Gray avait alors été saluée par le public pour l’impartialité de son rapport, alors qu’elle était encore une haute fonctionnaire. Elle a, peu de temps après avoir rendu son rapport, démissionnée de la fonction publique et a rejoint officiellement les rangs du Parti travailliste en septembre 2023.
Son ralliement politique avait alors enragé les Conservateurs qui avaient alors remis en cause les véritables motivations de Sue Gray lors de la rédaction du rapport sur le « Party Gate » lequel avait grandement écorné l’image du parti.
C’était un honneur d’assumer le rôle de chef de cabinet et de jouer mon rôle dans la mise en place d’un Gouvernement travailliste.
Ce transfert d’allégeance ne s’était pas fait sans mal, puisque le ministère de l’Intérieur pour lequel elle travaillait a, par la suite, dirigé une enquête pour déterminer si elle n’avait pas été en contact avec le Parti travailliste quand elle était encore fonctionnaire. Elle avait ensuite été lavée de toute soupçon de partialité, puisque cette enquête n’a pas prouvé que Sue Gray était en contact avec le « Labour », quand elle avait rédigé son rapport sur le gouvernement Johnson. Toutefois, le ministère avait requis qu’elle attende une période de 6 mois pour pouvoir rejoindre l’équipe de Starmer.
Pourquoi Sue Gray a-t-elle démissionné ?
C’est sans doute un scandale dont les Travaillistes se seraient bien passés et qu’il n’avait sûrement pas vu venir lors de leur élection en juillet dernier. Qu’est-ce qui a provoqué la chute de la directrice de cabinet de Keir Starmer ? Son salaire qui, à la surprise générale, est supérieur à celui du Premier ministre.
Les critiques du public britannique ont fusé lorsqu’un tabloïd avait révélé que Sue Gray touche un salaire de plus de 150.000 £ par an, supérieur de 3.000 £ à celui du Premier ministre.
Cette révélation est intervenue dans un contexte où le Parti travailliste est secoué par la polémique autour des cadeaux offerts à plusieurs ministres, notamment des vêtements par plusieurs donneurs du parti. « C’était un honneur d’assumer le rôle de chef de cabinet et de jouer mon rôle dans la mise en place d’un Gouvernement travailliste. Tout au long de ma carrière, mon premier intérêt a toujours été le service public », a déclaré Sue Gray.
« Cependant, ces dernières semaines, il m’est apparu clairement que les nombreux commentaires autour de ma position risquaient de devenir une distraction pour le travail essentiel de changement du gouvernement. C’est pour cette raison que j’ai choisi de me retirer, et j’ai hâte de continuer à soutenir le Premier ministre dans mon nouveau rôle », a-t-elle précisé.
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Des manifestants protestent contre le Premier ministre britannique Boris Johnson, alors qu’il fait une déclaration à la Chambre des communes à Londres, le 25 mai 2022, suite à la publication du rapport de Sue Gray. (Photo par Daniel LEAL / AFP).
Conflit interne au parti
Cela faisait en effet quelques semaines qu’en interne, les travaillistes se demandaient si la chef de cabinet allait pouvoir gérer le scandale des cadeaux faits aux ministres, alors que dans le même temps le parti prônait une politique d’austérité, notamment en supprimant les chèques énergies dont bénéficiait une grande partie des retraités. La situation est d’autant plus embarrassante que Keir Starmer était le premier à la dénoncer quand il était dans l’opposition.
La situation de Sue Gray représentait donc une image néfaste pour le Labour. Par ailleurs, elle était en conflit ouvert avec un autre proche de Keir Starmer, Morgan McSweeney, l’architecte politique de sa campagne pour les élections générales de juillet dernier. « L’un ou les deux devront partir et ça ne sera pas Morgan (McSweeney) », a confié un ministre du gouvernement en interne.
Jeu de chaises musicales
C’est Morgan McSweeney, jusqu’alors directeur de la stratégie politique, qui va succéder à Sue Gray, à la tête du cabinet de Keir Starmer. Cette dernière a hérité de la mission « d’envoyée auprès des régions et des nations ». Son rôle consiste à maintenir le lien entre le gouvernement central de Westminster et les autres gouvernements décentralisé du Royaume-Uni.
La nomination de Morgan McSweeney est une stratégie de long terme pour pouvoir gagner de nouveau les prochaines élections qui auront lieu dans 5 ans.
La nomination de Morgan McSweeney est une stratégie de long terme pour pouvoir gagner de nouveau les prochaines élections qui auront lieu dans 5 ans. Il se dit en interne qu’il est très apprécié par le staff du 10 Downing Street notamment grâce à ses compétences de manager. Cependant, c’est au sein du Parti travailliste qu’il n’est pas populaire. Du moins, pour l’aile plus à gauche du parti, puisque c’est Morgan McSweeney qui avait orchestré l’évincement de l’ancien dirigeant du Labour, Jeremy Corbyn.
Keir Starmer avait succédé à Jeremy Corbyn à la tête du parti non sans controverse, puisqu’il avait aussi purgé une grande partie des supporters de son prédécesseur. Il avait justifié ces purges par les nombreux incidents antisémites dont certains membres du parti s’étaient rendus coupables sous la direction de Corbyn.
Il est donc à prévoir que ce changement de direction de cabinet change la stratégie politique du Premier ministre de manière drastique.
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James Lyons, nouveau directeur de la stratégie de communication au cabinet du Premier ministre, Keir Starmer. (Photo par Niklas HALLE’N / AFP).
Un ancien de TikTok dans le cabinet de Keir Starmer
La démission de Sue Gray illustre la volonté du Premier ministre de faire le « ménage » au sein de son cabinet et de mettre fin rapidement au scandale afin de pouvoir progresser dans sa politique. Elle démontre aussi une facette moins connue de Keir Starmer, celle d’un responsable qui sait se montrer ferme et intransigeant lorsqu’il s’agit de sa survie en politique. Les Travaillistes approchent de la date fatidique des 100 jours au pouvoir, ils préfèrent donc éviter toute fausse note.
D’autres remplacements sont à noter au sein du cabinet du Premier ministre. James Lyons, a été nommé directeur de la stratégie de communication. Ancien journaliste au Daily Mirror, il avait aussi dirigé la communication du système public de santé (le NHS) lors de la pandémie de Covid-19. Il a ensuite rejoint l’équipe de communication de TikTok en 2023. La nomination de ce nouveau communicant apparaît donc comme une nouvelle stratégie pour faire face à la communication de crise.
La démission de Sue Gray illustre la volonté du Premier ministre de faire le « ménage » au sein de son cabinet et de mettre fin rapidement au scandale afin de pouvoir progresser dans sa politique.
Deux femmes ont été nommées directrices-adjointes du cabinet : Vidhya Alakeson, Jill Cuthbertson. La première était en charge des Affaires étrangères lorsque les travaillistes étaient dans l’opposition, elle a fait son entrée au sein du cabinet du nouveau Premier ministre en tant que directrice politique. La seconde est l’ancienne directrice des relations avec le gouvernement. Elle est décrite par ses collègues comme extrêmement tenace.
Enfin, une troisième femme, Ninjeri Pandit, est nommée secrétaire particulière auprès du Premier ministre. Elle a travaillé précédemment pour le NHS comme cadre dans le digital. Elle a donc une expérience dans le domaine de la santé, un des grands travaux qui attend Keir Starmer.
Léna Job (à Londres)