Cinq interviews en deux jours : la candidate démocrate Kamala Harris fait son show… à raison ?

Longtemps critiquée pour la rareté de ses apparitions médiatiques depuis l’annonce de sa candidature, Kamala Harris a changé de cap cette semaine avec un véritable sprint réalisé en majeure partie à New York. En deux jours, la vice-présidente sortante, candidate pour la présidentielle du 5 novembre 2024, a enchaîné cinq interviews sur des plateaux télé et des émissions de radio aux tons plutôt bienveillants et légers. « The Howard Stern Show » (SiriusXM), « The Late Show with Stephen Colbert » (CBS) ou encore « The view » (ABC)… Un marathon payant ? 

« The howard Stern Show », l’interview la plus longue

L’échange le plus révélateur de ce marathon médiatique fut sans conteste la longue interview accordée à l’animateur radio Howard Stern. Kamala Harris s’y est dévoilée comme rarement, allant jusqu’à mentionner les « Spécial K » (céréales, ndlr) qu’elle aimait manger au petit déjeuner. Il s’agit ici du plus long entretien – et ininterrompu – offert par la vice-présidente depuis l’annonce de sa candidature pour la Maison Blanche.

Howard Stern n’est pas journaliste et sa sympathie pour le camp démocrate est connue de tous. Il soutient donc ouvertement Kamala Harris et l’a signifié à plusieurs reprises durant l’interview, ce qui ne l’a pas empêché de creuser certains sujets politiques et personnels. « Quand vous entendez de fausses accusations sur les immigrants haïtiens, en plein débat, en plein direct, à quoi pensez-vous ? », a questionné l’animateur.

Vous vivez une étape sérieuse et déterminante de la campagne, et voilà que votre adversaire parle de choses factuellement fausses ou tout bonnement ridicules.

« Je suis stupéfaite, aussi stupéfaite que tous ceux qui ont regardé le débat », a répondu la candidate. Des échanges surréalistes qui continuent de la surprendre, malgré l’habitude.  « Vous vivez une étape sérieuse et déterminante de la campagne, et voilà que votre adversaire parle de choses factuellement fausses ou tout bonnement ridicules », s’étonne encore la candidate des Démocrates.

Elle a également réaffirmé son soutien indéfectible à Joe Biden, notamment en matière de politique étrangère. Sur la question de l’Ukraine, elle a dressé un parallèle avec l’attitude de Donald Trump envers Vladimir Poutine : « Dans les quartiers où j’ai grandi, on disait que si vous souteniez une personne malveillante au détriment de vos alliés, c’est que vous vous faisiez manipuler ».

« The View », la première en direct 

Mardi matin, 8 octobre, c’est sur le plateau de « The View » qu’est apparue la candidate démocrate, aux côtés de l’ancienne actrice et co-animatrice Whoopi Goldberg. Elle y a évoqué son récent déplacement en Géorgie et en Caroline du Nord, où elle a apporté son soutien aux habitants touchés par le passage destructeur de l’ouragan Helene. Réagissant aux accusations infondées de Donald Trump – qui a affirmé que Joe Biden avait détourné les fonds de l’Agence fédérale de gestion des urgences (FEMA) pour loger des migrants en situation irrégulière -, la vice-Présidente sortante n’a pas caché son indignation. « C’est le comble de l’irresponsabilité et, franchement, de l’insensibilité. Des vies sont littéralement en jeu, des gens perdent leur maison sans espoir de la récupérer, et voilà qu’un homme comme Trump instrumentalise ces tragédies à des fins purement électorales », a-t-elle dénoncé.

Kamala Harris a également été interrogée sur les propos du Gouverneur de Floride, Ron DeSantis, qui l’a accusée d’exploiter la crise provoquée par l’ouragan pour gagner du terrain politique. Cependant, ABC News a révélé cette semaine que DeSantis aurait refusé de prendre un appel de la vice-Présidente durant cette période critique. « J’ai contacté des gouverneurs, qu’ils soient Démocrates ou Républicains. Pour moi, cette crise n’a jamais été une question partisane. Mais il semble que ce soit le cas pour d’autres », a-t-elle répondu, sous-entendant une attitude politicienne du gouverneur.

« The Late Show », la plus décontractée (une bière à la main !)

Avec une canette de Miller High Life à la main – une bière emblématique de l’Etat clé du Wisconsin -, Kamala Harris s’est prêtée au jeu de la légèreté en plaisantant sur le fait que sa dernière bière remontait à un match de baseball « avec Doug », son mari. Ce moment plus détendu n’a cependant pas empêché la vice-Présidente d’aborder des sujets autrement plus graves, notamment le conflit à Gaza et les récentes révélations concernant Donald Trump. Selon le journaliste Bob Woodward, l’ancien Président des Etats-Unis aurait, au début de la pandémie, envoyé des tests Covid-19 rares à Vladimir Poutine, alors même que les Etats-Unis en manquaient cruellement.

J’ai contacté des gouverneurs, qu’ils soient Démocrates ou Républicains. Pour moi, cette crise n’a jamais été une question partisane. Mais il semble que ce soit le cas pour d’autres.

« Je veux que chacun ici, et tous ceux qui nous regardent, se souviennent de cette période », a déclaré Kamala Harris. « Vous vous rappelez combien de personnes n’avaient pas accès aux tests et faisaient tout pour se faire dépister ? Trump pense que Vladimir Poutine est son ami. Mais le peuple américain ? C’est à lui qu’il devrait offrir sa loyauté en premier ».

Un marathon payant ?

Difficile de se prononcer à ce stade sur les retombées de ce marathon médiatique. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’aux Etats-Unis, l’exposition médiatique est rarement un pari risqué pour les politiques. Alors qu’une interview peut facilement tourner au scandale en Belgique ou en France, les figures politiques américaines ont tout à gagner à s’afficher aux côtés de célébrités du petit écran. Kamala Harris l’a bien compris, mêlant avec dextérité les anecdotes personnelles aux enjeux majeurs du scrutin. Un subtil équilibre qui, s’il n’aura pas converti ses opposants, a certainement revigoré ses partisans.

Aux Etats-Unis, l’exposition médiatique est rarement un pari risqué pour les politiques.

En fin de semaine, les sondages se montrent d’ailleurs favorables à la vice-Présidente. Selon les prévisions du Washington Post – qui compile quotidiennement plus de 148 sondages – Kamala Harris reste en tête au niveau national. Dans les swing states (Etats indécis), elle domine également dans quatre Etats-clés (Wisconsin, Michigan, Nevada et Pennsylvanie), laissant les trois autres à Donald Trump (Arizona, Géorgie, Caroline du Nord).

Un rappel utile, toutefois : les sondages relèvent davantage de l’outil que de la prévision. Un outil intéressant pour quiconque souhaite saisir les grandes tendances du paysage politique américain et l’évolution de son opinion publique.

Catarina Letor (à New York)