Budget 2025 du gouvernement Barnier : tout le monde va passer à la caisse en France
Le jeudi 10 octobre, le nouveau Gouvernement français, dirigé par le Premier ministre Michel Barnier, a présenté son budget 2025 aux parlementaires. Et dans les grandes lignes, tout le monde va devoir passer à la caisse pour atteindre l’objectif ambitieux de 41 milliards d’euros d’économies. Dans la foulée, l’agence de notation Fitch a annoncé, vendredi 11 octobre, qu’elle maintient la note de la France à AA-, mais en la plaçant sous perspective négative. Ce budget ne satisfait personne, puisque l’opposition, qu’elle soit d’extrême droite ou de gauche, s’y oppose fermement, et même au sein du parti présidentiel, de nombreux mécontentements se font entendre. Alors, quelles sont les grandes mesures proposées pour faire face à la crise budgétaire dans laquelle se trouve la France ? Ls débats démarrent ce mercredi 16 octobre 2024 en commission des finances à l’Assemblée nationale, ils promettent d’être ardus.
Le gouvernement Barnier propose deux grands axes pour combler le déficit qui, depuis l’année dernière sous le gouvernement Borne, a presque doublé. Il vise à réaliser des économies de 41 milliards d’euros, et ce sera l’Etat qui fera le plus d’efforts puisqu’il espère faire 21,5 milliards.
Régime minceur pour la Sécurité sociale
La Sécurité sociale fera l’objet d’un resserrement important, avec des réductions de remboursement sur certaines prestations, alors que son déficit devrait atteindre 18 milliards d’euros cette année. Par exemple, les consultations à domicile des médecins généralistes, actuellement remboursées à 70 %, devraient passer à 60 %.
De plus, les arrêts maladie seront moins pris en charge par la Sécurité sociale, Michel Barnier souhaite que les entreprises compensent cette baisse de prise en charge, bien que les modalités précises restent encore à définir. Toutefois, ces réductions ne concerneront pas les personnes atteintes d’affections de longue durée.
Aujourd’hui, il y a une urgence : rétablir notre solde public pour qu’ensemble, demain, nous soyons capables de protéger à nouveau nos concitoyens en cas de nouvelles crises.
Cette diminution des remboursements inquiète les associations de consommateurs qui craignent une nouvelle augmentation des cotisations des mutuelles, alors que le secteur a déjà enregistré une hausse moyenne de 10 % par an ces 4 ou 5 dernières années. Les médecins s’inquiètent également pour les 25 % de Français qui ne possèdent pas de mutuelle et devront payer la différence non remboursée.
Ces différentes mesures devraient permettre à la Sécurité sociale d’économiser environ un milliard d’euros. « Aujourd’hui, il y a une urgence : rétablir notre solde public pour qu’ensemble, demain, nous soyons capables de protéger à nouveau nos concitoyens en cas de nouvelles crises », justifie Laurent Saint-Martin, ministre chargé du Budget et des Comptes publics.
Réduction des aides à l’emploi
Parmi les coupes budgétaires, on note la réduction des aides à l’emploi, notamment dans l’apprentissage, ainsi que des diminutions dans l’aide publique au développement et la recherche. Par exemple, les aides à l’apprentissage passeront de 6 000 euros par an et par apprenti à 4 500 euros.
Il sera également moins avantageux pour les entreprises d’embaucher des salariés au SMIC. En effet, pour un travailleur gagnant entre 1.400 euros et 1 817 euros nets par mois, les charges patronales augmenteront, tandis qu’elles seront allégées pour un salarié gagnant entre 1 818 euros et 2 520 euros nets par mois. Le gouvernement cherche ainsi à rendre le SMIC moins attractif et à inciter les employeurs à augmenter davantage les salaires.
Enfin, 5 milliards d’euros d’efforts seront demandés aux communes, départements et régions, qui verront donc leurs budgets réduits. Ce serrage de ceinture pour les collectivités entraînera inévitablement des licenciements dans la fonction publique, un objectif à peine dissimulé par le Gouvernement Barnier qui estime que la fonction publique est en sureffectif.
Désaveu pour la politique économique Macroniste
Certains ministères verront cependant leurs budgets préservés, comme l’Education nationale et les ministères régaliens, figures de proue du nouveau gouvernement. Toutefois, 4 000 postes d’enseignants seront supprimés, ce qui fait bondir la gauche. L’exécutif se justifie en annonçant la création de 2 000 postes d’accompagnants pour les élèves en situation de handicap, ainsi qu’une baisse prévue des effectifs d’élèves dans les classes.
La grande nouveauté de ce budget réside dans les augmentations d’impôts. Un tiers du budget, soit 20 milliards d’euros, sera issu de hausses d’impôts, rompant ainsi avec la ligne rouge tracée par Emmanuel Macron en 2017. Michel Barnier choisit en effet d’augmenter les impôts des Français les plus fortunés : une personne seule déclarant plus de 250 000 euros de revenus par an, soit 20 830 euros par mois, sera taxée à hauteur de 20% minimum. 65 000 foyers fiscaux seront concernés.
La crainte que nous avons déjà exprimée est que le budget qui semble se dessiner n’intègre pas assez de réformes et comporte trop d’impôts.
Ces augmentations ne plaisent pas aux Macronistes de la première heure, comme l’ancien Premier ministre Gabriel Attal. « La crainte que nous avons déjà exprimée est que le budget qui semble se dessiner n’intègre pas assez de réformes et comporte trop d’impôts, avec le risque de déstabiliser nos industries et la classe moyenne qui travaille », dit-il.
Les grandes entreprises seront elles aussi mises à contribution. Les groupes dont le chiffre d’affaires dépasse un milliard d’euros devront payer une contribution exceptionnelle sur leurs profits, une mesure prévue pour les deux prochaines années, qui pourrait rapporter à l’Etat 8 milliards d’euros. Environ 440 grandes entreprises seraient concernées.
Colère des patrons
Le Medef, la fédération des grands patrons français, assure que cette nouvelle taxation aura un impact négatif sur l’emploi. Un représentant déclare : « Il est inconcevable que cette mesure n’ait aucune répercussion sur les ménages, qui sont en fait les salariés de ces grandes entreprises ». Même si ces hausses d’impôts semblent d’abord concerner les plus riches, il ne faut pas se méprendre : tous les Français devront mettre la main à la poche.
Il est inconcevable que cette mesure n’ait aucune répercussion sur les ménages, qui sont en fait les salariés de ces grandes entreprises.
Au total, les ménages paieront une addition de 16 milliards d’euros en 2025, entre impôts et coupes budgétaires. Les ménages seront touchés par la baisse des remboursements de la Sécurité sociale, de même que par l’augmentation de la taxe sur l’électricité. Mais plusieurs aides financières seront supprimées, comme la « prime rénov », qui finançait en partie l’isolation des logements.
Les retraités seront également concernés : les retraites, qui devaient être ajustées à l’inflation en janvier, le seront avec six mois de retard, tandis que les aides sociales seront revalorisées normalement.
Hausse du malus écologique sur les voitures
Enfin, le malus écologique sur les voitures sera élargi et augmenté. Le seuil d’émissions de CO2 concerné sera abaissé, et le montant maximum du malus atteindra 10 000 euros. La hausse de la taxe sur les billets d’avion a également été confirmée, incluant désormais les jets privés, bien que le gouvernement n’ait pas encore chiffré cette mesure.
Ce budget, c’est une déclaration de guerre sociale.
L’examen du projet de loi relatif au budget 2025 commence ce mercredi 16 octobre 2024 en commission des Finances à l’Assemblée nationale, avec pour objectif une adoption définitive avant le 21 décembre. Cependant, il semble difficile d’imaginer que ce budget soit adopté autrement que par un recours à l’article 49.3. En effet, il ne satisfait aucune des oppositions, ni d’extrême droite, ni de gauche. Plusieurs députés ont déjà réagi, à l’instar de Sébastien Chenu, député du Nord et porte-parole du RN. Il estime que le gouvernement « demande des efforts supplémentaires aux Français, à ceux qui travaillent ou qui ont travaillé (…), aux entreprises » et qu’il franchit une ligne rouge pour le parti d’extrême droite. « Ce budget, c’est une déclaration de guerre sociale », s’insurge Aurélien Le Coq, député LFI du Nord.
Enfin, la pression monte de toutes parts sur le Gouvernement Barnier, car Bruxelles surveille de près ce nouveau budget français, tandis que le Parlement européen a rappelé la France à l’ordre pour déficit excessif. C’est donc un véritable exercice d’équilibrisme qui attend le nouvel exécutif français, tant au sein de l’hémicycle français qu’avec l’Union européenne.
L.J.