Politique

La stratégie multilatérale du Qatar pour résoudre les crises ou panser les plaies au Moyen-Orient


On ne compte plus les terrains d’intervention du Qatar depuis qu’il a cherché à devenir un acteur et médiateur de crises régionales. Malheureusement, si les conflits s’éternisent et que leur résolution est de plus en plus complexe, le pays a mis en place toute une stratégie d’interventions humanitaires pour pallier les conséquences humanitaires souvent désastreuses des échecs politiques : les derniers faits en date sont l’Afghanistan en 2021, le Maroc en 2023, Gaza cette année et désormais le Sud-Liban qui vit des heures sombres depuis plusieurs semaines. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, avait annoncé vouloir en finir avec le Hamas à Gaza et le Hezbollah au Liban, mais ce sont les civils qui paient un lourd tribut de ce règlement de compte militaire entre l’Etat hébreu et les organisations islamistes. 

Avec la coopération des Nations Unies, le flux d’assistance humanitaire venant du Qatar en direction de Gaza n’a eu de cesse de s’intensifier pour venir en aide aux populations sur place, victimes collatérales du conflit. Que ce soit via le Fonds du Qatar pour le Développement, ou encore le Croissant Rouge, mais aussi la Qatar Charity, l’aide a abondé massivement. Cela concerne notamment du matériel de secours, des produits alimentaires, des abris, des ambulances, et un hôpital de campagne. Pour les cas les plus graves, notamment des enfants, ils sont, pour ceux qui peuvent le supporter, transportés jusque Doha à l’hôpital Sidra pour être soignés. Cela concerne aussi un nombre impressionnant d’enfants qui doivent subir des amputations.

Comme pour les réfugiés afghans en 2021

Comme le Qatar avait accueilli des milliers de réfugiés afghans en 2021, il prend en charge les enfants blessés à Gaza dans ce que l’on appelle « La cité des enfants blessés ». C’est dans un complexe initialement prévu pour la Coupe du Monde 2022, que Doha a installé son hôpital de campagne. Blessés, amputés, orphelins, ces enfants sont pris en charge et soignés avec du matériel moderne. On les équipe de prothèses pour leur permettre de retrouver une mobilité et de l’autonomie.

Doha est venu en aide également aux Palestiniens qui n’ont plus d’emploi depuis le début de la guerre, qu’ils soient à Gaza ou en Cisjordanie. L’ensemble des actions déployées par Doha se fait essentiellement en partenariat avec les agences onusiennes, notamment l’UNRWA, l’Office de secours et de travaux des Nations unis pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient. En septembre dernier, le Croissant Rouge qatari signait un accord de près de 4,5 milliards de dollars avec l’UNRWA pour venir en aide aux Gazaouis bloqués en Cisjordanie depuis le début de la guerre.

120 millions de dollars pour les besoins vitaux

Il s’agit aussi pour l’Emirat de financer les projets de développement, à hauteur de 120 millions de dollars dans les domaines des interventions vitales, des abris, de la santé, de l’éducation et de l’économie. La collaboration se fait aussi avec l’OIT, l’Organisation Internationale du Travail, qui dispose d’un bureau à Doha. L’action déployée à Gaza est désormais renouvelée au Liban.

La ministre d’Etat pour la Coopération du Qatar, Lolwah Al Kather, se rendait le 8 octobre dernier, à Beyrouth, à l’hôpital gouvernemental universitaire de Beyrouth. C’était l’occasion pour le Qatar d’annoncer avec le Liban une coopération renforcée, sur le plan diplomatique pour permettre la désescalade, mais également pour apporter un soutien financier concret aux établissements libanais de santé. La France et le Qatar ont lancé également le même jour, dans le cadre de leur partenariat stratégique, une action humanitaire conjointe au Liban avec deux avions remplis d’aide médicale, d’équipements de santé à destination de Beyrouth.

C’est un nouveau pont aérien qui se met en place, tel que Doha l’avait organisé lors de l’évacuation des ressortissants occidentaux et personnels afghans en août 2021, après la reprise de Kaboul par les Talibans. Des dizaines d’avions avaient fait la navette entre Kaboul et Doha pour protéger les civils qui ne pouvaient plus rester en toute sécurité dans le pays.

Alors, le Qatar apporte-t-il un soutien intéressé comme certains l’accusent ? Probablement à contre-courant en tentant de défendre ce qu’il reste de multilatéralisme et de droit humanitaire, le pays tord en tout cas le cou à beaucoup d’idées reçues qui circulent à son sujet. Face au déclin des intermédiaires traditionnels occidentaux, largement dépassés aujourd’hui en Afghanistan comme à Gaza, ou ailleurs en Afrique, et à la complexification des crises régionales, c’est aussi ça le rôle d’un médiateur local stratégique, qui plus est régional.

Sébastien Boussois
Docteur en sciences politiques, chercheur monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales à l’IHECS (Bruxelles), associé au Cnam Paris (Equipe Sécurité Défense), à l’Institut d’Etudes de Géopolitique Appliquée (IEGA Paris), au Nordic Center for Conflict Transformation (NCCT Stockholm) et à l’Observatoire Géostratégique de Genève (Suisse).


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