PROBLEME DEMOGRAPHIQUE POUR L'EUROPE

Pour la première fois en 50 ans, le taux de décès est supérieur au taux de natalité au Royaume-Uni

AFP

Dans l’ensemble du Royaume-Uni, pour la première fois depuis 50 ans, le taux de décès est supérieur à celui des naissances, en excluant l’année de la pandémie de Covid-19 en 2020. Toutefois, on observe des disparités entre les quatre régions du Royaume-Uni. En effet, si en Ecosse et au Pays de Galles, les décès ont été plus nombreux que les naissances, en Angleterre et en Irlande du Nord, le taux de natalité est tout juste au-dessus du taux de décès. Les raisons du phénomène sont multiples. Explications.

Le taux de natalité représente le nombre moyen d’enfants par femme. Lorsque l’on parle de taux de natalité, on voit souvent apparaître le chiffre de 2,1. C’est le taux nécessaire pour maintenir les niveaux de population. La Corée du Sud en est loin : l’année dernière, son taux était de 0,72. Le Japon est à 1,26.

La moyenne de l’Union européenne (UE) est de 1,53 et celle du Royaume-Uni de 1,49, ce qui est le record le plus bas jamais enregistré dans le pays. En effet, de nombreux pays sont désormais en dessous de 2,1.

Population en hausse grâce à l’immigration

En revanche, la population globale du Royaume-Uni est toujours en hausse, notamment grâce à l’immigration.

Alors que le pays a eu tendance à dramatiquement restreindre l’immigration et que le nouveau Premier ministre, Keir Starmer, continue dans la voie d’une immigration limitée, l’immigration pourrait bien sauver la croissance démographique du Royaume-Uni.

Cependant, le Royaume-Uni n’est pas isolé, et de nombreux pays européens voient leur taux de natalité chuter tandis que leur taux de décès augmente. Cette convergence des naissances et des décès peut être expliquée par plusieurs facteurs. Tout d’abord, la génération des baby-boomers, c’est-à-dire les personnes nées après la Seconde Guerre mondiale, commence à vieillir et à mourir.

« Le nombre de décès auxquels nous devons nous attendre va augmenter dans les prochaines années avec cette génération de baby-boomers qui devient de plus en plus âgée et qui commence à disparaître », explique la Pr Sarah Harper, directrice de l’institut Oxford pour le vieillissement de la population.

Le nombre de décès auxquels nous devons nous attendre va augmenter dans les prochaines années avec cette génération de baby-boomers qui devient de plus en plus âgée et qui commence à disparaître.

D’autre part, plusieurs facteurs socio-économiques sont à l’origine de la baisse de la natalité. En effet, la dernière fois que ce phénomène de convergence entre le taux de décès et le taux de natalité a eu lieu, c’était en 1976. A l’époque, les économistes avaient conclu que cette baisse de natalité était due à deux facteurs principaux : la généralisation des moyens de contraception et la crise économique des années 70. Beaucoup d’économistes s’accordent à dire que l’incertitude économique a un réel impact sur le taux de natalité. Aujourd’hui, l’anxiété autour du changement climatique exacerbe cette incertitude.

Enfin, l’accès et le coût de la garde d’enfants sont des facteurs non négligeables qui contribuent au déclin de la natalité. Le Royaume-Uni a en effet l’un des coûts les plus élevés pour la garde d’enfants, et dans le même temps, il y a une pénurie de places en crèche.

Quelles solutions pour contrer la baisse de la natalité ?

Couplé aux attentes croissantes que les femmes entrent sur le marché du travail, le taux de natalité chez les femmes de moins de 30 ans est au plus bas.

Alors, quelles solutions pour faire face au déclin de la population ? C’est une question que se posent de nombreux pays, et pas seulement le Royaume-Uni. En effet, des pays comme la Corée du Sud et le Japon, qui ont la population la plus âgée au monde, rencontrent le même problème depuis des décennies. Les gouvernements tentent de mettre en place des politiques pro-natalistes. Par exemple, la Corée du Sud a instauré des incitations financières et subventionné des soins de santé, mais cela n’a pas fonctionné.

Il n’existe pas de solution rapide, ni unique pour endiguer le déclin démographique ou le vieillissement de la population.

En janvier, en France, le Président Emmanuel Macron a parlé de « réarmement démographique » et a annoncé un plan incluant des changements dans le congé parental.

En Italie, qui a l’un des taux de natalité les plus bas d’Europe, la Première ministre Giorgia Meloni a annoncé une série d’initiatives. Cependant, les exemples de la Corée du Sud et du Japon suggèrent qu’il est très difficile d’inverser la tendance à la baisse de la natalité.

Pas de politiques pro-natalistes

Keir Starmer s’était exprimé lors de la campagne des élections générales en juillet dernier sur le fait qu’il ne souhaitait pas promouvoir de politiques pro-natalistes, expliquant qu’il ne voulait pas s’immiscer dans la vie privée des citoyens. Dans le même temps, il avait cependant réaffirmé sa volonté de limiter l’immigration, mettant potentiellement le Royaume-Uni dans une situation où sa population pourrait fortement décliner si elle n’est pas renflouée par l’immigration. « Il n’existe pas de solution rapide, ni unique pour endiguer le déclin démographique ou le vieillissement de la population. Les taux de natalité affectent la croissance démographique à long terme, tandis que l’immigration peut avoir un effet à court terme, mais les immigrants vieillissent aussi », souligne la professeure Anna Rotkirch, directrice de la recherche sur la population finlandaise.

Les conséquences du déclin de la natalité

Pour le démographe Dr Paul Morland, « ce n’est pas surprenant que le Japon, qui a depuis longtemps un très faible taux de fertilité et la population la plus âgée du monde, ait les pires finances publiques des pays développés, car le gouvernement dépense de plus en plus pour la santé et les retraites, tandis que le nombre de contribuables diminue ».

D’ici 2070, le nombre de travailleurs au Royaume-Uni devrait augmenter d’un million, tandis que le nombre de retraités augmentera de cinq millions. Cela créera inévitablement des pressions économiques. Avec l’augmentation de l’espérance de vie et les faibles taux de natalité, les personnes âgées représenteront une part de plus en plus importante de la population, comme on l’a vu au Japon.

D’ici 2070, le nombre de travailleurs au Royaume-Uni devrait augmenter d’un million, tandis que le nombre de retraités augmentera de cinq millions.

The Economist soutient que les pays à faible taux de natalité devront faire face à des impôts plus élevés, des départs à la retraite plus tardifs, des rendements plus faibles pour les épargnants et peut-être des crises budgétaires.

Ces taux de natalité en baisse entraîneront des changements majeurs dans la nature de nos populations, qui pourraient faire diminuer la population mondiale au siècle prochain, avec des conséquences pour le fonctionnement de nos sociétés.

Le débat sur le taux de natalité est donc houleux, entre ceux qui soutiennent ce déclin alors que le monde s’apprête à affronter le changement climatique, et ceux qui s’inquiètent des conséquences économiques et sociétales que le déclin de la population aura à long terme sur les systèmes de santé et de retraite par exemple.

Léna Job (à Londres)