Menace : les armes 3D rivaliseront bientôt avec les armes traditionnelles


Le 10 septembre dernier, un journaliste du New York Times a mis à jour les liens qui unissent un créateur d’armes 3D mondialement connu et certains députés des Républicains, le parti du candidat à la présidentielle américaine Donald Trump. Dans la dernière ligne droite de la campagne, ces révélations relancent vigoureusement le débat sur les armes en général et sur les armes 3D en particulier. Qu’en est-il en Belgique ? Cette nouvelle enquête est réalisée avec le soutien du Fonds pour le journalisme en Fédération Wallonie-Bruxelles et publiée sur le site du média numérique L-Post à raison d’un épisode par semaine. Elle a pour objectif de dresser un état des lieux le plus complet possible de la menace que représente la multiplication des armes imprimées, singulièrement chez nous. Dans ce troisième épisode, il est question de l’évolution technologique récente et future des armes produites via la technologie 3D et de l’effet d’aubaine que ces armes pourraient représenter dans des sociétés polarisées. L’arrivée des imprimantes 2.0 à des prix moins élevés annoncent des changements que redoutent les experts.

Dès la mise en ligne en 2013 des premiers plans de fabrication d’une arme entièrement imprimable en 3D, les armes imprimées ont intéressé de nombreux bricoleurs américains dont la plupart n’avaient pas d’intentions criminelles. Depuis lors, il suffit de disposer d’une imprimante 3D, de filaments de polymères et de suivre à la lettre les conseils d’assemblage prodigués sur des blogs pour disposer d’une arme à feu en une semaine.

Le FGC-9 et son mystérieux créateur

Le modèle d’arme 3D le plus souvent saisi en Europe est le FGC-9. Il s’agit d’une carabine semi-automatique créée en 2020 par un activiste allemand pro-armes dont le pseudonyme était JStark. FGC est l’acronyme de « F*ck Gun Control », en signe de rejet des différentes législations sur les armes de la part de son créateur. Le chiffre 9 indique que cette arme tire des cartouches de 9 millimètres.

Le FGC-9 est une carabine semi-automatique, créée en 2020, par un activiste allemand pro-armes dont le pseudonyme était JStark. FGC est l’acronyme de « F*ck Gun Control ».

JSTark est mort dans des conditions mystérieuses en 2021, un an après avoir diffusé les plans de son arme et quelques heures après avoir été interrogé par la police allemande.

Le successeur de JSark, celui qui a apporté les modifications décisives aux plans initiaux du FGC-9, Ivan the Troll (un jeune américain récemment identifié par le New York Times comme le neveu d’une élue républicaine pro-armes), a suscité un engouement pour l’innovation en la matière. Cet engouement n’a fait que s’amplifier depuis lors, à grands renforts de démonstrations vidéo et de plans de fabrication dignes des manuels de montage d’une grande firme d’ameublement suédois…

Capture d’écran extraite du documentaire « Printed Freedom » : 3D-printed firearm cuture réalisé par Ditto Nation, mis en ligne sur YouTube le 18/02/23. Traduction de la citation : « 99,999% d’entre nous sont simplement des fanas d’ordinateurs ».

Les enquêteurs ont démontré récemment que John Elik, alias « Ivan the Troll » avait fait en sorte de créer une entreprise de fabrication d’armes et d’être reconnu officiellement comme armurier par son Etat, l’Illinois. C’est ce qui explique la minutie avec laquelle les plans du FGC-9 sont rédigés, des plans qui circulent massivement en ligne, notamment en Europe. Cette information majeure met aussi en évidence la porosité croissante entre fabricants d’armes légaux et illégaux, et le transfert de savoir-faire qui a lieu en ce moment, via la technologie 3D.

Le supermarché des armes de demain a déjà ouvert

Aujourd’hui sur Internet, la profusion de modèles d’armes, 3D ou partiellement imprimés, est colossale. Pour s’en rendre compte, journalistes et spécialistes n’ont qu’à se rendre sur les pages X (ex-Twitter) ou YouTube des principaux influenceurs en la matière.

Bien qu’anonymes, ils ont pignon sur rue. Quelques minutes passées à lire les commentaires sous leurs vidéos rythmées et colorées donnent accès à la fois à des plans de fabrication, aux programmes permettant de transformer un plan numérique en fichier d’impression (les slicers) et aux liens commerciaux permettant de se procurer les matériaux nécessaires (imprimantes et filaments de polymère).

Ce souhait d’innover et de produire des armes 3D de plus en plus perfectionnées est déjà une réalité.

Ces influenceurs d’un nouveau genre détaillent en temps réel, avec emphase, les évolutions technologiques suscitées par l’émulation constante de la communauté des férus d’armes 3D.

C’est donc en ligne que Matt Schroeder, chercheur associé au Small Arms Survey, constate les avancées technologiques en la matière : « La diversité des armes 3D ne fera qu’augmenter. Il en existe déjà de nombreux modèles. Ce souhait d’innover et de produire des armes 3D de plus en plus perfectionnées est déjà une réalité », constate-t-il.

Fusils d’assaut sous les radars

Matt Schroeder insiste sur une dimension plutôt américaine du phénomène : « Aux Etats-Unis, le cas de figure qu’on observe surtout, c’est la modification d’armes via la technologie 3D. Des pièces simples et faciles à fabriquer permettent de transformer des armes semi-automatiques en armes automatiques. Des milliers d’armes de ce type ont été saisies par les autorités. Elles sont modifiées de différentes façons, toutes n’incluent pas la technologie 3D, mais certaines si. Il reste très difficile de se procurer une arme automatique aux Etats-Unis, car c’est un type d’arme considéré comme à part, beaucoup plus onéreux que les autres. Ces modifications entrent dans la catégorie des fusils mitrailleurs. A ce titre, elles sont très sévèrement punies. Mais elles n’en sont pas moins très faciles à faire et peu coûteuses ».

C’est à ce sujet précisément que le président Joe Biden a tenu à légiférer par décret, le 25 septembre 2024, au terme de son mandat finissant.

Des imprimantes 2.0 qui changent la donne

Un chamboulement technologique majeur est survenu, mais il est encore inaccessible au grand public pour des raisons de coût principalement. Il s’agit de l’arrivée sur le marché d’imprimantes à métal. Aujourd’hui, les imprimantes 3D chauffent des filaments de polymère (un dérivé du plastique, source de fragilité de certaines armes 3D) pour les superposer suivant un plan, couche après couche. Demain, c’est aussi du métal chauffé que ces imprimantes couleront, couche après couche, pour concevoir des pièces d’armement. Les armes fabriquées avec cette technologie rivaliseront en solidité avec les armes traditionnelles.

Les imprimantes à métal coûtent plusieurs centaines de milliers d’euros actuellement, mais leur démocratisation prochaine changera la donne : les armes 3D n’auront presque plus rien à envier aux armes traditionnelles, tout en étant moins coûteuses et intraçables.

Le marché noir fournit, à ce stade, des armes traditionnelles de meilleure qualité et moins chères.

C’est une donnée dont la police fédérale belge est bien consciente. Confrontée de plus en plus fréquemment à des armes 3D, Valérie Fievet, analyste stratégique DJSOC/Centrex Armes, sait bien que le pire reste à venir : « Ce qu’on doit faire pour l’instant, c’est surtout suivre l’avancée de la technologie 3D. La plus grande évolution technologique va être celle des imprimantes métalliques. Le percuteur, le canon sont des pièces qui doivent nécessairement être en métal. La technologie va encore évoluer, c’est sûr. Mais pour l’instant le coût est un frein, une imprimante métal peut coûter plusieurs centaines de milliers d’euros. Le marché noir fournit, à ce stade, des armes traditionnelles de meilleure qualité et moins chères », observe-t-elle.

Julien Bal


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