Israël lance une riposte « limitée », mais significative sur l’Iran
Depuis les frappes de missiles iraniens sur Israël, le 1er octobre dernier, on attendait l’inévitable riposte israélienne en s’interrogeant sur son ampleur. Elle a eu lieu dans la nuit de vendredi 25 octobre 2024 à samedi 26 octobre. Et s’il est encore trop tôt pour estimer les dommages subis par Téhéran, on peut déjà dire que tout en étant volontairement limitée dans son ampleur, l’attaque israélienne a été très significative et constitue une sorte de « dernier avertissement » que le régime des mollahs serait bien avisé de prendre en compte.
Il était environ trois heures du matin (heure locale) lorsque l’armée israélienne a annoncé qu’elle « menait des frappes précises sur des cibles militaires en Iran ». Aussitôt, à Washington aussi bien qu’à Tel Aviv, on précisait que les installations nucléaires ou pétrolières du pays n’étaient pas visées.
Les médias d’Etat iraniens ont rapidement fait état de bruits d’explosion près de la capitale, mais il n’y a pas eu d’informations immédiates sur les dégâts ou les victimes. La télévision d’Etat a ensuite identifié certaines des explosions comme provenant des systèmes de défense aérienne autour de la ville, sans donner plus de détails. Téhéran semblait manifestement vouloir minimiser l’effet des frappes.
Des frappes sur l’Iran et sur la Syrie
Des premiers retours d’information sur les réseaux sociaux, il ressort que si plusieurs cibles ont été « traitées » à Téhéran et dans sa banlieue, d’autres frappes ont touché Ispahan (centre du pays), Mashad (nord-est) et dans le Kurdistan iranien (nord-ouest). En Syrie, l’agence de presse officielle SANA, citant un responsable militaire anonyme, a rapporté que « des barrages de missiles en provenance du Golan syrien occupé et des territoires libanais ont pris pour cible certains sites militaires dans les régions du sud et du centre » tôt samedi 26 octobre 2024. Les défenses aériennes syriennes auraient abattu certains de ces missiles. Aucune information n’a été donnée dans l’immédiat sur les victimes.
Des barrages de missiles en provenance du Golan syrien occupé et des territoires libanais ont pris pour cible certains sites militaires dans les régions du sud et du centre.
L’Iran a évidemment annoncé être prêt à répondre à toute « agression » israélienne, selon un communiqué, samedi matin de l’agence de presse semi-officielle Tasnim. « Il ne fait aucun doute qu’Israël devra faire face à une réaction proportionnelle à toute action qu’il entreprend » affirment des sources citées par Tasnim.
Quelle riposte de l’Iran ?
En tout état de cause, c’est la réponse que l’Iran apportera à cette offensive israélienne qui donnera un aperçu de l’avenir de la région. Téhéran ne peut pas rester sans réaction, mais celle-ci entraînera quasi automatiquement une nouvelle riposte avec le risque de déclencher ainsi un engrenage fatal qui conduirait à une escalade vers une guerre ouverte.
Or Israël, dont les priorités sont d’en finir avec le Hamas à Gaza et de continuer ses opérations visant à affaiblir le Hezbollah, n’est pas intéressé, pour le moment du moins, à l’ouverture de nouvelles hostilités, même si à l’état-major de Tsahal, on répète régulièrement qu’à moyen terme un affrontement direct avec Téhéran semble inévitable. Au-delà des coups de menton et des rodomontades, le régime des mollahs sait très bien qu’il aurait peu de chances de sortir par le haut d’une guerre directe qui risquerait, au contraire, de miner son pouvoir sur une société qui pourrait y voir une occasion de se débarrasser de lui.
Un choix qui démontre la suprématie aérienne israélienne
En effet, si l’attaque israélienne semble avoir été beaucoup moins massive qu’annoncé, elle n’en demeure pas moins extrêmement significative. En deux heures et trois vagues successives, Heyl Ha Avir (l’armée de l’air) a en effet « traité » plus d’une vingtaine de cibles, entre autres des sites de fabrication de missiles et des installations de défense anti-aérienne.
Mais surtout, l’état-major a fait le choix d’une véritable démonstration de force prouvant qu’il disposait de la suprématie aérienne dans la région. Les Israéliens auraient en effet pu décider d’utiliser des missiles ou des drones – comme ce fut le cas au printemps dernier -, mais c’est un choix tout à fait différent qui a été fait : celui d’engager l’aviation. Environ 150 appareils, par « paquets » de 40 à 50 ont été engagés en trois vagues successives qui ont parcouru près de 4 000 kilomètres aller et retour pour frapper, se payant même le luxe au passage de « taper » des cibles en Syrie (qui a été survolée par les escadrilles, comme l’Irak). Signalons au passage que la longueur et la durée de ces vols semblent indiquer que les appareils israéliens ont été ravitaillés en l’air. Peut-être (mais le saura-t-on un jour ?) par des « citernes volantes » américaines.
Aucune perte n’a été enregistrée côté israélien et tous les avions étaient rentrés au bercail avant le lever du jour.
« Nous frappons ce que nous voulons, quand nous le voulons, où nous le voulons »
Pour Téhéran, l’humiliation est totale, mais la leçon est claire. Comme nous le confiait une source israélienne cette nuit : « Au-delà des dégâts infligés, nous avons démontré que nous frappions ce que nous voulions, où nous le voulions, quand et comment nous le voulons ».
Au-delà des dégâts infligés, nous avons démontré que nous frappions ce que nous voulions, où nous le voulions, quand et comment nous le voulons.
Exactement ce que disait le contre-amiral Daniel Hagari, porte-parole de Tsahal, lors d’une conférence de presse en début de matinée, après avoir affirmé que l’armée avait atteint « tous ses objectifs » : avec la destruction d’une partie des défenses anti-aériennes du régime, « Israël dispose désormais d’une plus grande liberté d’action en Iran ».
Bref, au-delà des dommages infligés, l’attaque israélienne contenait plusieurs messages que Téhéran serait bien inspirée d’étudier de près dans les heures et jours à venir avant de décider si et comment une riposte est possible.
Hugues Krasner