Dans le cadre de notre enquête sur la problématique des armes 3D, nous retrouvons Nils Duquet, directeur de l’Institut Flamand pour la Paix. L’enquête est publiée sur le site de L-Post avec le soutien du Fonds pour le journalisme en Fédération Wallonie-Bruxelles. Il relève le changement de ton dans le chef d’Europol qui devient alarmiste face la menace que constituent les armes 3D.
Julien Bal (J. B.) : Au regard de l’évolution importante que ces armes ont connu ces quatre dernières années, avec l’arrivée imminente des imprimantes à métal, et si j’en crois les informations qu’Europol diffuse en ce moment, il n’est plus tellement question d’évolution des technologies et des modèles d’armes, mais bien d’une polarisation de nos sociétés occidentales. C’est ça qui pourrait mettre le feu aux poudres et déclencher une épidémie d’armes 3D en Europe, comme le Canada en a connu une ces dernières années. Vous êtes d’accord avec cette analyse ?
Nils Duquet (N. D.) : Juste un point avant de vous répondre sur le fond. Europol est effectivement en train de devenir le leader européen de la lutte contre la propagation des armes 3D. C’est intéressant, parce que si on relit les rapports publiés par Europol à ce sujet il y a dix ans, ils n’étaient pas alarmistes du tout, ils étaient plutôt de ceux qui disaient que la 3D ne représentait qu’une menace assez vague, en tout cas éloignée dans le temps. Depuis, ils ont radicalement changé de point de vue, ils sont devenus alarmistes. Il faut dire que la technologie s’est mise subitement à évoluer très vite et que les imprimantes sont devenues très peu coûteuses.
Si on regarde ce qui est disponible sur le marché, c’est une autre paire de manche. D’autant plus que la technologie 3D vient de connaître une petite révolution.
Le premier pistolet 3D dont les plans ont circulé sur le Web, le Liberator, est constitué entièrement de plastique, à part le percuteur, qui est un clou. Dans les vidéos d’essais du Liberator qu’on trouve sur YouTube, en général c’est une corde qui tire sur la gâchette. Ça démontre à quel point le risque que cette arme vous explose entre les mains est réel. Pendant longtemps Europol s’est focalisé sur cette image un peu bancale, en se disant que ce ne sont pas des armes fiables et que leur propagation massive était peu probable.
Maintenant, si on regarde ce qui est disponible sur le marché, c’est une autre paire de manche. D’autant plus que la technologie 3D vient de connaître une petite révolution, puisque désormais c’est l’imprimante métallique qui est en train de prendre le relai des imprimantes à polymères. Fini les pistolets en plastique, tout ou presque est imprimé en métal et ces armes-là sont devenues presque aussi fiables que les armes traditionnelles.
J. B. : Et elles tirent avec la même précision ?
N. D. : Un peu moins. Mais pour de nombreux criminels, ça n’a pas tellement d’importance. Une arme sert le plus souvent à menacer, pas à tirer.
J. B. : Les imprimantes métalliques dont vous parlez à l’instant sont encore très chères pour un particulier, elles coûtent aujourd’hui plusieurs centaines de milliers d’euros. Une imprimante plastique est plus abordable puisqu’avec 250 euros, 100 euros de polymères, et quelques pièces de métal, on a de quoi faire une arme. C’est surtout le FGC-9 qui gagne en popularité en Europe ces temps-ci, une arme hybride, en plastique et en métal. Comment peut-on l’expliquer ?
N. D. : Le FGC-9 une arme faite pour inonder l’Europe, ni plus, ni moins. Toutes les pièces qui sont soumises à autorisation en Europe sont imprimables en plastique dans les plans du FGC-9. Les autres pièces, ce sont des bouts de métal qu’on trouve sans problème dans les rayons du Brico du coin. Tout ce qu’il est interdit de produire en Europe, les plans du FGC-9 le contiennent. Il est donc normal que cette arme capable de tirer plusieurs coups d’affilée gagne du terrain en Europe. Elle a été conçue pour ça.
Entretien : Julien Bal
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