S’il est bien une pratique qui ne s’exporte pas facilement, c’est la publicité politique. Il peut être étonnant, pour un citoyen belge, de découvrir la liberté dont disposent les candidats américains lorsqu’il s’agit de se mettre en avant ou de dévaloriser son adversaire. A une dizaine de jours de l’élection présidentielle américaine du 5 octobre, les campagnes publicitaires sont de plus en plus présentes dans le paysage. Tant sur les chaînes de télévision linéaires que sur les immenses panneaux publicitaires qui bordent les autoroutes, il est habituel de voir Donald Trump ou Kamala Harris – pour ne citer que les deux figures de proue actuelles – se mettre en scène sur fond de musique classique, rencontrant un travailleur, un senior ou une jeune diplômée en quête d’emploi. Le message résonne sans aucune ambiguïté, la personnalité qui apparaît à l’écran est la seule capable de défendre votre cause, de comprendre votre situation, d’améliorer vos conditions de vie.
Un tel déploiement de moyens peut surprendre, quand on connaît le déclin de la télévision traditionnelle. Tandis que le marché publicitaire global tend à s’émanciper de la production linéaire, avec une transition marquée vers des formats numériques plus interactifs et personnalisés, les Etats-Unis ont-ils raison de nager à contre-courant ?
« Seul Trump n’oublie pas les travailleurs ! »
L’une des dernières productions en date a d’ailleurs été épinglée par le New York Times. Une publicité pro-Trump qui le présente comme un combattant des travailleurs, l’homme qui réduira vos impôts, le héros qui a survécu à un assassinat et qui, dès lors, surmontera tous les obstacles. Le clip décrit son le candidat républicain comme le « seul américain » qui s’intéresse « vraiment » aux travailleurs. Le seul qui reste debout, malgré tout.
La vidéo a été diffusée sur les chaînes de télévision de Pennsylvanie, de Géorgie et d’Arizona pour un coût total de 500.000 dollars au cours des trois premier jours.
La vidéo a été diffusée sur les chaînes de télévision de Pennsylvanie, de Géorgie et d’Arizona pour un coût total de 500.000 dollars au cours des trois premier jours, informe AdImpact relayé par le New York Times. 36.000 dollars supplémentaires ont été dépensés pour diffuser une version espagnole de la vidéo, principalement en Arizona.
Le message est clair, un seul homme croit en la réduction d’impôt. Un seul homme n’a pas oublié les travailleurs américains. Un seul homme continue de se battre à leurs côtés. Une vidéo coûteuse, adressée à un public bien précis.
Le spot publicitaire pour capter un nouveau public
En effet, depuis le début de la campagne, le candidat républicain appelle à une série de réductions d’impôts, notamment sur les revenus provenant des pourboires, des heures supplémentaires et de la sécurité sociale, pour tenter de séduire les électeurs de la classe ouvrière. Parmi ses mesures phares, l’exonération des pourboires et des heures supplémentaires de l’impôt sur le revenu. Une proposition que Kamala Harris a également mentionnée en août lors d’une étape de sa campagne dans le Nevada, d’où l’intérêt d’une petite piqûre de rappel par le biais d’une vidéo diffusée en masse sur les chaînes de télévision.
Ce nouveau spot publicitaire de Donald Trump, diffusé à quelques jours du scrutin, a été financé par Right for America, un super PAC dont les principaux donateurs sont les milliardaires Ike et Laura Perlmutter (Ike est l’ancien PDG de Marvel Entertainment) qui y ont injecté 25 millions de dollars. Un investissement loin d’être un coup dans l’eau, si l’on en croit les spécialistes américains de l’audience.
La diffusion linéaire, essentielle à la publicité politique ?
Les équipes de Nielsen, société internationale spécialisée dans la mesure d’audience, se sont intéressées aux spots publicitaires politiques. L’un de leurs principaux constats porte sur l’efficacité du message politique. Selon elles, le message passe tout aussi bien s’il est diffusé au cours d’une émission d’information qu’en plein show de téléréalité. « Les gens peuvent regarder la NFL ou Love Island tout en étant réceptifs aux messages politiques », apprend-t-on de l’enquête publiée sur le site internet de Nielsen.
Les gens peuvent regarder la NFL ou Love Island tout en étant réceptifs aux messages politiques.
Sachant qu’un jeune électeur consomme environ 15 minutes d’informations sur la télévision linéaire, le contact avec le spot publicitaire peut être d’autant plus décisif. Les annonceurs politiques avisés savent parfaitement quels profils d’électeurs toucher pour atteindre chacun des marchés médiatiques et permettre à leurs candidats de franchir la ligne d’arrivée. Aux Etats-Unis, contrairement au marché global de la publicité, les spots diffusés sur la télévision linéaire semblent essentiels.
1,2 milliard de dollars investis dans la publicité
Les candidats, les partis et les groupes de soutien dépensent des milliards de dollars en publicité lors des campagnes présidentielles américaines. Et les budgets ne cessent d’exploser. Selon le cabinet MediaRadar, qui analyse les tendances marketing, 1,2 milliard de dollars seront dépensés, rien que pour la publicité, en vue du scrutin présidentiel du 5 novembre 2024.
Ce chiffre a presque triplé depuis 2016. Une évolution que l’on peut attribuer, en partie, à la levée – en 2010 – des restrictions aux dépenses de groupes extérieurs durant une campagne. Depuis 2010, la création de « Super PAC » (Political Action Committee), entités susceptibles de lever des centaines de millions de dollars pour soutenir un candidat, est donc autorisée.
Catarina Letor (à New York)
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