La Cour de cassation marocaine a annulé récemment la première condamnation pour viol conjugal de l’histoire du royaume. La cour d’appel de Tanger avait reconnu, en 2019, un mari coupable de « viol conjugal » et d’« atteinte grave à l’intégrité physique » de sa femme. L’arrêt de la Cour de cassation a créé une onde de choc parmi les associations de défense des droits des femmes qui y voient un inquiétant retour en arrière. Depuis des années, les militantes demandent la reconnaissance du viol conjugal, mais leur requête est jusqu’ici ignorée dans le code pénal marocain et dans la loi 103-13 de 2018, pourtant adoptée pour lutter contre les violences faites aux femmes. Selon Fouzia Yassine, membre de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), cette annulation freine les avancées espérées et rappelle les résistances juridiques et sociales persistantes dans le pays. Alors que le Maroc est en pleine réforme de son Code de la famille, la Moudawana, les courants conservateurs comme le Parti de la justice et du développement (PJD) s’opposent fermement à la criminalisation du viol conjugal, craignant qu’elle ne « perturbe l’harmonie familiale ».
Un espoir de jurisprudence brisé
La première condamnation pour viol conjugal au Maroc, prononcée en 2019 par la cour d’appel de Tanger, avait marqué un tournant historique. Pour la première fois dans le Royaume chérifien, un homme avait été reconnu coupable de « viol conjugal » et d‘« atteinte grave à l’intégrité physique » de sa femme. La décision avait suscité des réactions positives parmi les associations de défense des droits des femmes. Fouzia Yassine, membre du bureau exécutif de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), espérait que la décision de la cour d’appel de Tanger établisse une jurisprudence favorable à la reconnaissance du viol conjugal dans un pays où cette notion reste taboue.
On s’attendait à un progrès, à un précédent juridique, mais c’est un recul.
Mais cette avancée a été remise en question le 10 octobre 2024, lorsque la Cour de cassation du Maroc a annulé l’arrêt de la cour d’appel de Tanger, brisant ainsi l’espoir de voir une telle reconnaissance s’installer dans le droit chérifien. Pour les militantes féministes, cette décision, motivée par des considérations de droit que la Cour n’a pas encore détaillées, est une « douche froide ». « On s’attendait à un progrès, à un précédent juridique, mais c’est un recul », déplore Fouzia Yassine. Elle qualifie cette annulation de « choquante » et de « décevante », soulignant qu’elle laisse les militantes dans un état d’incompréhension face à ce qu’elles perçoivent comme une stagnation.
Non-reconnaissance légale du viol conjugal au Maroc
La reconnaissance légale du viol conjugal est une revendication de longue date des féministes marocaines, mais elle se heurte à des obstacles sociétaux et juridiques. Le code pénal marocain, pourtant réformé à plusieurs reprises, n’inclut pas le viol conjugal parmi les infractions criminelles. La loi 103-13 de 2018, adoptée pour lutter contre les violences faites aux femmes, a été saluée pour ses avancées, mais elle est jugée insuffisante par les associations de défense des droits des femmes, car elle ne pénalise pas spécifiquement le viol entre époux.
Selon une enquête nationale de 2019 sur les violences faites aux femmes, plus de la moitié des femmes marocaines avaient subi un acte de violence au cours des douze mois précédents.
Selon une enquête nationale de 2019 sur les violences faites aux femmes, plus de la moitié des femmes marocaines avaient subi un acte de violence au cours des douze mois précédents, illustrant l’ampleur du problème. Pour les militantes, la criminalisation du viol conjugal est cruciale pour combattre les violences au sein des foyers et briser les tabous qui entourent cette question. « Cette reconnaissance fait partie de nos revendications », précise Fouzia Yassine, qui considère que l’absence de criminalisation du viol conjugal expose les femmes à des abus sans recours légal suffisant. Pour les défenseurs des droits des femmes, la décision de la Cour de cassation renforcera la vulnérabilité des femmes dans une société où les normes sociales pèsent lourdement sur les relations conjugales.
La réforme du Code de la famille sous pression politique et sociale
L’annulation de la condamnation pour viol conjugal intervient alors que le Maroc est en pleine révision de son Code de la famille, la Moudawana, adoptée pour la première fois en 2004. Ce texte, qui avait introduit des réformes majeures pour améliorer les droits des femmes, est aujourd’hui jugé insuffisant pour garantir une égalité réelle dans la sphère familiale. Cependant, toute tentative d’introduire des changements substantiels dans le droit familial marocain se heurte à une résistance de la part des courants conservateurs, notamment le Parti de la justice et du développement (PJD).
Alors que la société marocaine débat de la place des femmes et de la violence conjugale, la décision de la Cour de cassation résonne comme un rappel des obstacles juridiques et sociaux auxquels sont confrontées les femmes.
Abdelilah Benkirane, secrétaire général du PJD et ancien Premier ministre, a exprimé des craintes sur les conséquences d’une possible réglementation plus stricte des relations conjugales. Pour lui, la criminalisation du viol conjugal pourrait « perturber l’harmonie familiale ». Cette opposition politique reflète une vision conservatrice des rapports de genre, qui freine les efforts pour une protection accrue des droits des femmes. Alors que la société marocaine débat de la place des femmes et de la violence conjugale, la décision de la Cour de cassation résonne comme un rappel des obstacles juridiques et sociaux auxquels sont confrontées les femmes dans leur quête d’égalité et de protection.
Hamid Chriet
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