Qui a déjà voté ? Que disent les sondages ? Quelles sont les forces et les faiblesses de la Démocrate Kamala Harris et celles du Républicains, Donald Trump ? Comment se dessinent la situation dans les fameux « Swing states » ? L-Post fait le point, depuis New York, sur l’élection présidentielle la plus serrée de l’histoire moderne des Etats-Unis.
Le vote anticipé
En ce début de semaine, près de 77,5 millions d’Américains ont déjà voté, soit environ le tiers des électeurs éligibles, dans les 36 états qui l’autorisent. La Caroline du Nord affiche le taux de participation anticipée le plus élevé, avec plus de la moitié des électeurs déjà mobilisés, suivie de près par l’Arizona, où 46 % des électeurs se sont exprimés. Alors que le vote anticipé avait largement avantagé les Démocrates en 2020, le scrutin 2024 pourrait témoigner d’une course plus étroite, car de nombreux hauts responsables républicains ont énergiquement exhorté leurs partisans à voter avant le 5 novembre.
En additionnant les votes des Etats où chaque candidat est favori, Kamala Harris atteint, à ce stade, 226 grands électeurs, tandis que Donald Trump en recueille 219.
Les sondages les plus serrés de l’histoire moderne
À la veille du scrutin, la bataille pour la Maison-Blanche reste indécise, tant au niveau national que dans les Etats clés. Les sondages montrent des écarts minimes, souvent dans la marge d’erreur de 3 points. En additionnant les votes des Etats où chaque candidat est favori, Kamala Harris atteint, à ce stade, 226 grands électeurs, tandis que Donald Trump en recueille 219. La victoire passera donc par les fameux « Swing states » (les Etats indécis) : la candidate démocrate a besoin de 44 votes supplémentaires ; le candidat républicain, de 51. La Pennsylvanie (19 votes), la Caroline du Nord (16), la Géorgie (16), le Michigan (15), l’Arizona (11), le Wisconsin (10) et le Nevada (6) seront déterminants. Néanmoins, certaines prévisions ont étonné les analystes politiques ce week-end, en donnant Kamala Harris en tête dans l’Iowa (qui n’est pas un Swing state). L’Alaska peut également créer la surprise en adoptant un ton bleu, et à l’inverse le Nouveau Mexique pourrait virer au rouge. Prudence donc !
7 « Swing States » décisifs et un marathon final
Dans ces Swing States, le coude-à-coude se poursuit, et les écarts restent minces entre les deux candidats qui continuent de taper sur le clou en y multipliant les meetings. Ce lundi 4 novembre 2024, à J-1 des élections, Kamala Harris et Donald Trump sont en Pennsylvanie pour y jeter leurs dernières forces. La Démocrate Harris passera par Scranton, la ville natale de Joe Biden, avant de rejoindre Pittsburgh et Philadelphie où l’attendent les stars Oprah Winfrey, Lady Gaga et Ricky Martin.
Dans ces Swing States, le coude-à-coude se poursuit, et les écarts restent minces entre les deux candidats qui continuent de taper sur le clou en y multipliant les meetings.
Quant au Républicain Trump, après un premier meeting à Raleigh, en Caroline du Nord, l’ancien président a mis le cap sur la Pennsylvanie (Reading et Pittsburgh), mais c’est à Grand Rapids, dans le Michigan, qu’il clôturera sa journée marathon. Les colistiers sont également sur le terrain ; Tim Walz défendra Kamala Harris dans les Etats du Minnesota et du Wisconsin, alors que JD Vance se battra pour Trump en Géorgie, dans le Michigan, le Wisconsin et la Pennsylvanie.
Vu la quasi-égalité dont témoignent les sondages, il est urgent pour les deux candidats de gagner l’un ou l’autre pourcent supplémentaire. Selon les prévisions du New York Times, Kamala Harris reste en tête dans le Nevada (49% contre 46%), en Caroline du Nord (48% vs 46%), dans le Wisconsin (49% vs 47%) et en Géorgie (48% vs 47%). Dans le Michigan et en Pennsylvanie, les deux candidats sont à égalité, tandis que Donald Trump conserve l’avantage en Arizona avec 49% contre 45% pour la démocrate.
Les priorités des Américains : économie, avortement et immigration
Les derniers sondages montrent également un changement dans les priorités des électeurs, et ce, à quelques heures seulement de la dernière ligne droite. Avec un pic d’inflation jamais atteint depuis 1970 (9,1%) en juin 2022, l’économie reste, sans surprise, la principale préoccupation des Américains, mais l’avortement arrive désormais presque au même niveau, notamment dans des Etats comme le Wisconsin, largement dominé par Kamala Harris.
Pour moi, être un citoyen américain est un privilège, un honneur.
A contrario, l’immigration est érigée au rang de priorité suprême dans les Etats proches de la frontière mexicaine, comme l’Arizona. « Tous ces gens qui traversent la frontière, c’est une invasion », a témoigné un électeur américain d’origine brésilienne auprès de nos confrères de la BBC. Luiz Oliveira, propriétaire d’une petite entreprise, s’en est pris à « la politique de la frontière ouverte » prônée par Joe Biden. « Pour moi, être un citoyen américain est un privilège, un honneur », a-t-il ajouté pour distinguer l’« immigration loyale » de l’immigration « illégale ».
Différents sondages attestent de cette divergence de préoccupations selon la couleur politique. Ainsi, les Républicains seront davantage intéressés par l’économie, la politique étrangère, la criminalité, alors que les Démocrates scruteront la santé, les nominations de la Cour Suprême, l’avortement, le changement climatique et les inégalités.
Les femmes derrières Harris, les hommes derrière Trump
L’écart entre les sexes persiste dans les sept « Swing states ». Harris reste la favorite des femmes (53% contre 42%), alors que Trump attire davantage les hommes (50% contre 45%). Si la candidate démocrate évoque rarement le vote de la gent féminine, l’ancien président ne fait pas preuve de la même réserve, multipliant les allusions et les tentatives de séduire cette frange de l’électorat américain. Il jure de protéger les femmes, « qu’elles le veuillent ou non » – formule douteuse, à l’heure de la révolution #MeToo -, et promet de solliciter l’homme controversé Robert F. Kennedy Jr pour travailler sur la santé des femmes, tout en proférant des menaces violentes à l’encontre de la républicaine devenue démocrate, Liz Cheney.
Dimanche soir, 3 novembre 2024 à Glendale, en Arizona, ses accusations ont suscité l’indignation : « C’est une faucon de guerre radicale. Mettons-la là avec un fusil à neuf canons qui tirent sur elle, OK ? ». Une remarque violente, crue, qui n’a pas manqué de choquer la classe démocrate. Le sexisme pourrait-il se retourner contre Donald Trump ? Ou, au contraire, nuire à Kamala Harris ?
Harris et l’héritage Biden
Les Américains déçus, laissés pour compte, esseulés par les précédents mandats, auront tendance à imputer la faute au pouvoir en place. Une règle théorique bien connue, qui a offert à Donald Trump un boulevard pour débiter son argument favori ; vous n’allez pas mieux qu’hier, alors changer de camp.
Les aides sociales vous détruisent, vous abrutissent. Vous ne voulez pas d’un pays qui vous assiste, mais d’une Amérique qui vous libère.
Tout, absolument tout, peut être pointé comme une conséquence directe du mandat du Démocrate Joe Biden. Une femme, elle aussi interrogée par la BBC, est allée jusqu’à dénoncer le président sortant pour l’avoir rendue dépendante aux aides sociales. « Elles vous détruisent, vous abrutissent. Vous ne voulez pas d’un pays qui vous assiste, mais d’une Amérique qui vous libère », a-t-elle déclaré sur la chaîne britannique.
La grande majorité des Américains ne s’intéressent pas suffisamment à la politique pour étudier les véritables liens de cause à effet. Les grandes promesses, les grandes accusations, deviennent un puits de lumière dans une vie terne et précaire. A la question « Êtes-vous dans une meilleure situation aujourd’hui qu’il y a quatre ans ? », posée par Trump tout au long de sa campagne, les multiples sondages réalisés à ce propos répondent « non ». Une raison suffisante d’élire le candidat républicain à la tête des Etats-Unis ? Réponse ce mardi 5 novembre 2024.
Trump, polarisant malgré tout
A contrario, la plus grande force de Kamala Harris est … de ne pas être Donald Trump. Malgré les fidèles, les trumpistes, les MAGA et les groupes de soutien particulièrement audibles, le candidat républicain reste une figure profondément polarisante, qui ne cesse de susciter la surprise, l’indignation, et l’hésitation.
Selon un sondage Reuters/Ipsos réalisé en juillet, quatre américains sur cinq ont le sentiment que le pays est en train de s’effondrer. Kamala Harris se présente comme une alternative stable contre l’excentricité d’un candidat aux mille visages.
Catarina Letor (à New-York)
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