Alors que l’enquête sur les incidents antisémites de jeudi dernier, à Amsterdam, continue et que se profile le match à haut risque sécuritaire qui opposera les Bleus et Israël au Stade de France, ce jeudi, l’hypothèse que l’Iran soit l’instigateur du pogrome néerlandais gagne du terrain. Le régime des mollahs en tout cas se fait menaçant. Hier soir, Israël mettait en garde contre des risques d’attaques contre Juifs et Israéliens à Paris, mais aussi à Bruxelles, à Amsterdam et au Royaume-Uni.
L’enquête sur les incidents d’Amsterdam n’en est qu’à ses débuts, mais déjà une polémique enfle. Selon plusieurs témoignages, les « 62 arrestations » annoncées par les autorités néerlandaises au lendemain de la terrifiante chasse aux Juifs à laquelle on a assisté à quelques centaines de mètres de la maison où se cachèrent la petite Anne Frank et sa famille avant d’être raflées par la Gestapo et déportée vers Auschwitz, n’ont rien à voir avec les faits.
Il apparait de plus en plus clairement que ces incidents (...) avaient été soigneusement planifiés.
Apparemment, ces individus, parmi lesquels plusieurs mineurs, avaient été arrêtés avant et pendant le match pour d’autres incidents. Rien à voir, donc, avec les auteurs du pogrom qui se déroula après la rencontre et se poursuivit tard dans la nuit. Si cela se confirme, il s’agit d’un autre dossier délicat à charge de la police. Le sous-dimensionnement du dispositif policier avait déjà été pointé du doigt et la passivité de certains membres des forces de police à l’égard des lyncheurs avaient déjà été mis en évidence.
« Episode 2 de la chasse aux Juifs »
L’enquête, pourtant, se poursuit, menée à la fois par les services officiels et par les médias. Et il apparait de plus en plus clairement que ces incidents, comme nous l’annoncions dès vendredi, n’avaient rien de « spontané » mais avaient été soigneusement planifiés. Ainsi, un nouveau message publié sur les réseaux sociaux la veille du match a été exhumé. On peut y lire : « Demain, après le match, dans la soirée, épisode 2 de la chasse aux Juifs. Demain, nous nous occuperons d’eux ».
La question qui se pose, bien entendu, s’il y a eu préméditation et coordination, est de savoir d’où elles venaient. Ici, les suspects ne manquent pas : Students for Justice in Palestine (SPJ), un groupuscule comparable à ceux qui ont organisé, ces derniers mois, les blocages des facs françaises, mais aussi des nébuleuses telles que les groupes activistes free.palestine.nl et Week.4PalestineNL, avaient appelé à la mobilisation et ont diffusé, parfois en direct, des vidéos tournées par les lyncheurs.
Les Gardiens de la Révolution et le gouvernement iranien menacent
Mais ont-ils agi de leur propre initiative ? Rien n’est moins sûr. En fin de semaine dernière, les Gardiens de la Révolutions, l’armée idéologique du régime des mollahs qui dépend directement du Guide Suprême Ali Khamenei et contrôle de vastes pans du système sécuritaire iranien, mais également le programme nucléaire et tous les secteurs de l’économie et de l’industrie qui lui sont liés, publiaient, sur un compte Telegram qui leur est lié, un message évoquant les évènements de jeudi soir.
On peut y lire : « Aucun endroit au monde ne devrait être sûr pour les sionistes ». Plus inquiétant encore, samedi matin, prenant la parole à une cérémonie d’hommage à Hassan Nasrallah, le ministre des Affaires étrangères, Abbas Araghci, lançait : « Si l’agression israélienne continue, la guerre et l’insécurité peuvent s’étendre à des régions très éloignées ».
Une enquête en cours entre Paris et Berlin, vise plusieurs individus soupçonnés d’avoir projeté l’assassinat de personnalités juives en France et en Allemagne.
Ces propos extrêmement agressifs interviennent alors que plusieurs enquêtes en cours dans le nord de l’Europe, entre autres au Danemark et en Suède, révèlent que les services de renseignement iraniens ont renoué avec une pratique qui était la leur il y a une vingtaine d’années : le recrutement de truands locaux pour commettre des attentats « sous couverture » à l’étranger.
Il y a vingt ans, c’est l’opposition en exil qui était ciblée, mais depuis le 7 octobre 2023, ce sont les communautés juives et les intérêts iraniens qui sont en première ligne. A Copenhague, c’est l’ambassade israélienne qui avait été visée par des jets de grenades le 2 octobre par un mineur et un jeune adulte suédois. Ils avaient été recrutés par un gang spécialisé dans le trafic de drogue à l’incitation d’un agent iranien. D’autres investigations ciblent une bande organisée, « Loyal to Familia », pour des agressions contre des Juifs. Ici aussi, on suspecte une ingérence iranienne.
Opération « Marco Polo » : le recrutement de criminels par l’Iran
Une enquête est également en cours entre Paris et Berlin, visant plusieurs individus soupçonnés d’avoir projeté l’assassinat de personnalités juives en France et en Allemagne. Un suspect a été mis en examen fin septembre, à Paris, dans le cadre de ce dossier baptisé « Marco Polo ». L’affaire illustre parfaitement le rôle de Téhéran dans le « terrorisme d'État».
Selon la DGSI (le renseignement intérieur français), « À partir de 2015, les services iraniens ont renoué avec une pratique d'assassinats ciblés qui n'avait plus été observée en Europe depuis une vingtaine d'années, en limitant leur exposition grâce au recrutement de criminels de droit commun». L’intermédiaire entre les commanditaires iraniens et les exécutants serait un narcotrafiquant de la région lyonnaise. Les « petites mains », elles seraient un couple de criminels franco-algériens.
Au moins 4 000 gendarmes mobiles et CRS seront déployés autour du stade et des hôtels.
Selon nos sources les services iraniens ont réactivé l’opération visant à éliminer des Juifs et des diplomates israéliens lorsque les tensions ont recommencé à s’accumuler au Moyen-Orient après le pogrom du 7 octobre et la riposte israélienne à Gaza contre le Hamas. Et des enquêteurs amstellodamois nous affirment « prendre très au sérieux » une éventuelle manipulation iranienne à l’origine du pogrome de jeudi soir.