L’essor des imprimantes 3D a décuplé les capacités des passionnés des armes et fait le bonheur des copieurs. Le pistolet-mitrailleur P90 de l’entreprise FN Herstal est l’une des armes les plus prisées par les concepteurs des armes 3D et les plus copiées. Il faut dire que P90 figure dans plusieurs jeux vidéo dont « Call of duty ». Les dirigeants de l’entreprise sont conscients et précisent qu’ils n’ont accordé aucune licence à cet effet, ni consenti à un placement de produit. Ce sont donc des utilisations illégales de leur marque. L’Intelligence artificielle (IA) est aussi en train de révolutionner les techniques d’investigation et d’anticipation des phénomènes de trafic d’armes à feu. Cette dynamique prometteuse trouve sa source en Belgique. En effet, c’est à un organisme belge, en l’occurrence l’Institut flamand pour la paix, que la Commission européenne a confié la mission de recenser des faits de violence armée dans toute l’Europe. L’institut a donc développé un système basé sur l’IA permettant de répertorier ces faits. Il faut dire que la Belgique est confrontée à un nombre croissant d’armes 3D en circulation, mais paradoxalement, elle traîne les pieds pour adapter sa législation afin d’éviter une prolifération incontrôlée. La loi belge sur les armes de 2006 doit-elle évoluer dès maintenant au regard de la spécificité des armes 3D ou faut-il attendre que des saisies d’armes manufacturées se produisent en plus grand nombre chez nous ? Le journaliste Julien Bal a interrogé pour L-Post de nombreux experts sur cette question dans le cadre d’une enquête réalisée avec le soutien du Fonds pour le journalisme en Fédération Wallonie-Bruxelles et publiée sur le site du média numérique. La nécessité de modifier le cadre législatif est le point sur lequel les avis divergent le plus. L’exemple du Canada qui a durcit sa législation mérite d’être examiné.
Il est désormais d’usage de confronter tous les phénomènes de société contemporains au potentiel infini de l’intelligence artificielle (IA). On se demande si, dans tel ou tel cas, cette avancée technologique va changer la donne, empirer des phénomènes socialement néfastes ou au contraire aider à les résoudre.
Dans le cas du trafic d’armes à feu imprimées via des imprimantes 3D, on pourrait se dire que l’IA pourrait accélérer et amplifier le phénomène (puisque la conception de ces armes comporte une dimension numérique avec les plans de fabrication de ces armes circulent en ligne).
Paradoxalement, l’IA est plutôt un rempart face à de potentielles « épidémies d’armes 3D » en Europe et singulièrement en Belgique.
Quand on y regarde de près, ça n’est pas le cas. C’est surtout l’évolution technologique des imprimantes 3D et la diffusion des savoir-faire en matière de fabrication d’armes à feu qui représentent un danger pour la société.
Paradoxalement, l’IA est plutôt un rempart face à de potentielles « épidémies d’armes 3D » en Europe et singulièrement en Belgique. Comment expliquer en effet qu’un chercheur canadien (Yannick Veilleux-Lepage, auteur de « How Terror Evolves ») ou que l’Institut flamand pour la paix soient plus à même de communiquer sur des chiffres et des tendances en termes de trafic d’armes à feu, y compris en Belgique, par rapport à la police et au ministère de l’Intérieur belges ? Quelques échanges avec le directeur de l’Institut flamand pour la paix (Nils Duquet) nous ont permis de lever le voile.
La Belgique pionnière dans le domaine
Dans le cas de l’Institut flamand pour la paix, tout est parti d’un constat, celui de la Commission Européenne et d’Europol inquiets qu’un peu partout en Europe le trafic illégal d’armes à feu prenne soit en train de prendre de l’ampleur.
Réclamant des données précises aux Etats membres, la Commission européenne s’est vite rendu compte que de nombreux pays comme la Belgique n’étaient pas en mesure de fournir des données cohérentes. C’est donc à un organisme belge, en l’occurrence l’Institut flamand pour la paix (dont les bureaux sont situés à Bruxelles), que la Commission européenne a confié le recensement des faits de violence armée dans toute l’Europe.
C’est à un organisme belge, en l’occurrence l’Institut flamand pour la paix que la Commission européenne a confié le recensement des faits de violence armée dans toute l’Europe.
Depuis, en un temps record, un programme d’Intelligence artificielle a été mis sur pied. Il dépouille tout ce qu’il peut trouver en open source : rapports, articles de presse, images et autres documents, afin de dresser un état des lieux cartographié extrêmement précis des faits de violence armée en Europe. Cet état des lieux est affiné et alimenté avec d’autres données, plus confidentielles, dont dispose l’Institut flamand pour la paix.
Un outil européen développé par des Belges
A l’avenir, ce nouvel outil européen développé en Belgique et disponible en ligne (gunviolence.eu) permettra d’observer les tendances en temps et réel et de comprendre avec précision dans quelles zones géographiques des phénomènes comme une épidémie soudaine d’armes 3D (et la probabilité de l’implantation d’ateliers clandestins) peuvent survenir.
Dans le cas spécifique du trafic d’armes à feu, l’IA pourrait donc être une aubaine plutôt qu’un frein pour lutter contre la prolifération des armes (3D ou non). Et dans le cas présent, c’est la Belgique qui apparaît comme un véritable leader dans le domaine.
Mais alors, pourquoi d’un point de vue législatif, en termes de recensement des armes saisies et de formation de ses policiers aux spécificités de la 3D, la Belgique est-elle un mauvais élève européen ? Il suffit, pour prendre la mesure de tout ce que la Belgique ne fait pas, d’observer ce qu’un pays comme le Canada a pu mettre en place ces dernières années.
L’exemple canadien : une législation plus dure
Au Canada, face à une augmentation fulgurante de 1000% du nombre d’armes 3D saisies par les services de police, le Gouvernement fédéral a décidé de prendre sérieusement les devants en actualisant et en durcissant son Code criminel via la loi C-21 sur l’usage et la détention d’armes. Désormais au Canada, la diffusion et le téléchargement de plans pour imprimer des armes sont passibles de dix ans d’emprisonnement.
Le Canada a également mis en place une collaboration étroite entre les services de police, les douanes et les instances législatives pour une plus grande coordination de leurs actions visant à réduire le trafic d’armes à feu manufacturées.
En Belgique, une note d’information sur les armes 3D à destination des agents de police leur a été envoyée par mail. Sur le terrain, nombreux sont ceux qui nous disent ne pas l’avoir consultée.
Cette coordination s’appuie notamment sur des formations spécifiques à destination des agents de terrain pour qu’ils soient en mesure de reconnaître des pièces d’armes 3D. Ce point est salué par les experts : la formation des agents aux spécificités des pièces 3D est primordiale pour déceler et enrayer les phénomènes de propagation d’armes manufacturées.
En Belgique, une note d’information sur les armes 3D à destination des agents de police leur a été envoyée par mail. Sur le terrain, nombreux sont ceux qui nous disent ne pas l’avoir consultée. Quant au téléchargement des plans d’armes 3D, la Belgique ne prévoit pas d’adapter sa loi pour l’instant.
Un avocat de Charleroi en première ligne
En Belgique, il est un avocat particulièrement attentif à la situation canadienne : Me Yves Demanet, l’avocat de référence sur les questions d’armes à feu en Belgique. Pour lui c’est clair, le modèle canadien devrait nous servir d’exemple. Il estime qu’il faut modifier la loi belge pour intégrer, dès à présent, la particularité principale des armes 3D, à savoir qu’elles sont fabriquées à base de plans numériques. « Il suffirait de modifier l’article 8 de la loi du 8 juin 2006 et d’y inscrire que le téléchargement des programmes permettant la création des armes 3D est prohibé, comme au Canada. Il suffirait de faire ça, pour commencer », dit-il.
Coordination, leadership et courage politique
Ce n’est pas seulement en intervenant sur ses textes législatifs que le Canada est parvenu à endiguer la prolifération d’armes 3D sur son territoire. La coopération étroite et fructueuse entre les différents services impliqués (police, douanes, renseignement, justice), le Canada la doit en grande partie à la volonté politique d’un homme, Marco Mendicino, ministre de la Sécurité publique au moment de l’épidémie d’armes 3D au Canada, d’octobre 2021 à juillet 2023.
Il suffirait de modifier l’article 8 de la loi du 8 juin 2006 et d’y inscrire que le téléchargement des programmes permettant la création des armes 3D est prohibé, comme au Canada.
Les évolutions que le Canada a dû mettre en œuvre en urgence ont également nécessité des investissements importants. « Le Canada a investi plus de 500 millions de dollars canadiens pour renforcer la capacité des organismes d’application de la loi à détecter le trafic d’armes à feu et les opérations de fabrication illicites, à lutter contre ces activités, à tracer les armes à feu et à améliorer les capacités opérationnelles et les outils de renseignement » précise Karine Martel, porte-parole de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).
Dans l’hypothèse d’une recrudescence soudaine d’armes 3D dans les années à venir, une coordination complexe de grande ampleur comme au Canada est-elle possible dans cet autre Etat fédéral et multilingue qu’est la Belgique ?
L’exemple canadien est-il un miroir grossissant d’une réalité à venir chez nous ? Il mérite en tout cas d’être étudié pour ce qu’il est : le premier cas d’endiguement d’une épidémie d’armes 3D grâce à un plan d’action coordonné, une actualisation efficace de la loi sur les armes et un leadership politique fédérateur.
En serions-nous capables ?
La loi belge sur les armes devenue défaillante ?
La loi sur les armes du 8 juin 2006 énonce les droits et devoirs des collectionneurs, des tireurs sportifs et des armuriers en Belgique. Plus restrictive que la loi française au sujet du port d’arme, elle n’en est pas moins vivement critiquée. En off, policiers et magistrats confient volontiers que cette loi est un « brol compliqué » qui a « fait son temps » et qu’il faudrait la « revoir de fond en comble » car elle incite, en l’état « à concentrer les enquêtes sur d’autres faits que la détention d’armes ».
Le problème, selon la plupart de ses détracteurs, c’est que la loi belge sur les armes s’encombre de nombreux cas particuliers et d’autant d’exceptions, sans pour autant être claire et précise sur les cas les plus fréquemment rencontrés sur le terrain.
La loi ne peut vraiment rien contre la propagation des armes manufacturées ?
Le 21 février dernier, après le premier démantèlement d’un atelier clandestin de fabrication d’armes 3D à Leuven (Belgique), le sénateur Rik Daems (Open Vld) a interpellé les ministres de la Justice et de l’Intérieur, Paul Van Tigchelt (Open VLD) et Annelies Verlinden (CD&V), sur l’arsenal législatif disponible pour contrer la propagation éventuelle de tels ateliers à l’avenir.
La législation actuelle couvre déjà les diverses infractions possibles en matière de détention, de port, de transport, de fabrication, de commerce, ou d’import-export.
Voici un extrait de la réponse que le sénateur Daems a obtenu par écrit suite à son interpellation : « Pour l’instant, aucune mesure spécifique n’a été envisagée concernant la production et le commerce des armes imprimées en 3D. La législation actuelle couvre déjà les diverses infractions possibles en matière de détention, de port, de transport, de fabrication, de commerce, ou d’import-export. Il n’y a donc pas non plus de plan visant à modifier ou à renforcer les dispositions contenues dans les textes existants ».
Cette réponse a de quoi étonner à première vue car de nombreux points cruciaux différencient les armes 3D des armes conventionnelles (leurs plans des armes 3D circulent en lignent, elles sont le plus souvent fabriquées clandestinement et ne sont pas traçables).
La Belgique regarde les trains passer
Pour Matt Shroeder, chercheur associé au Small Arms Survey de Genève, de telles décisions (se satisfaire de la loi telle qu’elle est comme le fait la Belgique) ne peuvent être prises à la légère. Elles doivent nécessairement découler d’un état des lieux méticuleux. « Il n’existe pas de solution miracle pour endiguer la production illégale ou le trafic et de pièces imprimées en 3D. L’enjeu, c’est de tenter de réduire ce trafic, tant que possible. Je crois qu’un certain nombre de mesures politiques peuvent être prises. Par exemple, s’assurer que les lois sur les armes s’appliquent aussi aux armes 3D et spécifiquement aux éléments qui composent les armes imprimées. Cela peut impliquer des changements législatifs ou pas, mais les différents gouvernements doivent s’assurer que leurs lois permettent d’appréhender cette réalité nouvelle » précise-t-il.
Il n’existe pas de solution miracle pour endiguer la production illégale ou le trafic et de pièces imprimées en 3D.
Est-on sûr, dans le cas de la Belgique, que cette vérification a été faite avant de soutenir que la loi suffisait à affronter l’émergence d’armes manufacturées comme l’ont décrété péremptoirement les ministres de l’Intérieur et de la Justice de la coalition Vivaldi ?
Pour Bryan Struvay, référent armes pour la Police fédérale auprès de la Direction judiciaire déconcentrée de Namur, en Belgique, la loi n’est pas le problème. « La loi nous permet d’agir, à l’heure actuelle déjà, et de constater qu’une arme artisanale (3D ou pas) est détenue illégalement. C’est soit une arme prohibée, soit une arme soumise à autorisation. La Loi belge clarifie déjà ces types de cas. Pas besoin d’entrer dans les détails et de nommer spécifiquement les armes 3D dans la loi, encore moins d’en prohiber l’usage. Un armurier qui utiliserait cette technologie novatrice pour réparer des armes ne doit pas être freiné par la loi, il doit continuer d’en avoir le droit », rétorque-t-il.
Pour les policiers sur le terrain, il y aurait moins de doutes si la loi était clarifiée.
Du côté de la DJSOC (Direction centrale de la lutte contre la criminalité grave et organisée), on perçoit quand même les limites de l’immobilisme belge en la matière. Valérie Fievet, analyste stratégique DJSOC/Centrex Armes constate que sur le terrain, la loi actuelle est trop peu claire pour être efficace : « Au niveau purement juridique, cette loi est certainement suffisante, mais pour les policiers sur le terrain, il y aurait moins de doutes si la loi était clarifiée », observe-t-elle.
Les zones grises d’un phénomène numérique
Pour Matilde Vecchioni, chercheuse à l’UNIDIR (Institut des Nations unies pour la recherche sur le désarmement), les lois nationales, si elles sont peu claires, peuvent effectivement mettre des bâtons dans les roues aux agents de terrain : « La production et la détention d’armes artisanales, en ce compris les armes 3D, est interdite au sein de l’Union européenne. Cela dit, les lois et les sanctions varient d’un pays à l’autre, en ce qui concerne les plans et les composants notamment. Dans de nombreux pays, les zones grises de la loi compliquent le travail des forces de police. Entrer par exemple dans un atelier clandestin, y trouver des imprimantes 3D ou des plans pour fabriquer des armes ne permet pas nécessairement de déterminer la culpabilité des personnes interpelées », précise-t-elle.
Pour Bryan Struvay, référent armes pour la Police fédérale auprès de la Direction judiciaire déconcentrée de Namur, la persistance de certaines zones de flou s’explique facilement. « Il y a la spécificité des plans, c’est vrai. Mais des plans d’armes classiques, non 3D, se trouvent aussi sur Internet. S’y intéresser, est-ce criminalisable pour autant ? Le flux Internet ne peut pas être régulé. Un contrôle absolu de ce qui se passe sur Internet est impossible. Quand un site signalé ferme, il réapparaît aussitôt sous un autre nom. On ne peut pas empêcher les gens de communiquer et de s’envoyer des fichiers », souligne-t-il.
Et les fabricants d’imprimantes 3D dans tout ça ?
Dans un documentaire Netflix consacré aux aspects ludiques et aux côtés les plus sombres de l’impression 3D (« Print the legend », 2014), on voit bien que les professionnels du secteur n’ont jamais été très à l’aise avec la question de la fabrication d’armes. Ils refusent généralement d’en parler.
La production et la détention d’armes artisanales, en ce compris les armes 3D, est interdite au sein de l’Union Européenne.
Dans ce documentaire, sur un pas de porte, Anthony Moschella, responsable produit pour MakerBot (l’entreprise qui a démocratisé l’impression 3D) est confronté à cette question, il y réagit sèchement, en ces termes. « Et si quelqu’un se fait tuer avec une arme associée à notre marque, on fait quoi ? Il se passe quoi ? C’est un risque, et je ne souhaite pas le prendre », répond-t-il.
Pourtant, l’action conduite à l’époque par MakerBot en ce sens n’a consisté qu’en un retrait de certains fichiers d’armes sur sa plateforme collaborative, sans envisager de brider ses imprimantes en cas de tentative de fabriquer des armes. La question des imprimantes est en fait centrale. Si elles étaient programmées pour « refuser » d’elles-mêmes d’imprimer des composants d’armes à feu, seul quelques très bons geeks seraient en mesure de contourner ce rempart.
En fait, les entreprises du secteur n’ont jamais pris leurs responsabilités face à une part importante de l’utilisation qui est faite avec leurs produits : à savoir fabriquer des armes.
Les imprimantes 3D sont mises sur le marché par de nombreuses entreprises sans véritable législation contraignante.
Une passivité du privé que Nils Duquet, directeur de l’institut flamand pour la paix, propose de corriger avec différentes astuces. « Pour l’instant, les imprimantes 3D sont mises sur le marché par de nombreuses entreprises sans véritable législation contraignante. Une possibilité technique pour tenter de réduire le risque serait d’imposer que l’imprimante laisse une trace sur tous les objets qu’elle imprime, une sorte d’empreinte microscopique qui ferait office de numéro de série. Les producteurs d’imprimantes auraient l’obligation de rendre traçables les objets produits par chacune de leurs machines. L’autre possibilité serait de faire en sorte qu’à chaque fois qu’une imprimante détecte qu’elle est en train de servir à la production d’une arme, qu’elle se refuse de le faire, qu’elle se bloque. Je ne suis pas un technicien. Mais je me dis que ça doit être possible. Ça changerait certainement la donne », suggère-t-il.
Des entreprises complices du trafic ?
L’arrivée sur le marché des imprimantes 3D à métal est à la fois un risque et une aubaine pour la sécurité publique : ces imprimantes permettront de fabriquer des armes plus solides et donc plus dangereuses qu’elles ne le sont actuellement, c’est un fait. Mais parallèlement, les filaments de métal se marquent plus facilement que les filaments de polymères. Par conséquent, l’idée de doter les produits imprimés d’une marque de reconnaissance ou d’un numéro de série microscopique – via les imprimantes 3D – serait facilité par l’arrivée de l’impression à métal.
C’est une piste qui permettrait de limiter l’absence de traçabilité des armes 3D, à condition bien sûr que les fabricants d’imprimantes jouent le jeu. Il faudra, pour cela, qu’ils acceptent de ne plus se voiler la face sur le fait qu’une partie importante de leur succès économique auprès du grand public repose aujourd’hui sur la volonté de certains particuliers de fabriquer des armes ou des objets illicites.
Les géants de l’armement désarmés face au phénomène ?
Les entreprises de l’industrie militaire ont longtemps observé l’émergence des armes 3D avec distance, tout en intégrant homéopathiquement cette technologie à leurs processus de fabrication. Ces mêmes entreprises sont en train de réaliser que si les armes 3D ne représenteront jamais une concurrence directe, elles n’en représentent pas moins une menace sérieuse pour leur image déjà bien complexe à entretenir.
L’exemple de l’entreprise FN Herstal (basée à Herstal) est particulièrement éloquent. Une de ses armes passionne particulièrement les concepteurs d’armes 3D et qui fait l’objet de très nombreuses copies en 3D : le P90.
Le P90, conçu et produit en Belgique par l’entreprise wallonne, est un pistolet-mitrailleur de taille compacte offrant une cadence de tir particulièrement élevée. Les armées et les forces de police d’une quarantaine de pays l’utilisent ou l’ont utilisé. C’est une arme mondialement reconnue.
Comment expliquer l’engouement massif pour cette arme de la part des fabricants d’armes 3D ? Pour sa forme particulière, certainement. Mais aussi et surtout parce qu’elle est omniprésente dans les jeux vidéo les plus connus. Interrogé par le réalisateur Ditto Nation dans le documentaire « Printed Freedom », un créateur d’armes 3D l’explique le plus simplement du monde : « Ceux qui ont joué assidument à Call of Duty rêvent tous de posséder un P90 en vrai ».
Aucune licence commerciale n’est donnée pour l’utilisation de nos modèles dans des jeux vidéo, idem dans le cinéma. Nos armes ne sont pas des jouets. Aucun jeu vidéo ne nous paye pour utiliser nos armes.
FN Herstal est-elle au courant de cet engouement pour l’une de ses armes chez les amateurs de jeux vidéo et les créateurs d’armes 3D (les deux univers étant évidemment très liés) ? Oui.
Est-ce l’effet d’un placement de produits délibéré de la part de l’entreprise belge (ce qui serait un peu douteux au regard de l’ultra violence des jeux en question) ? Non. « Aucune licence commerciale n’est donnée pour l’utilisation de nos modèles dans des jeux vidéo, idem dans le cinéma. Nos armes ne sont pas des jouets. Aucun jeu vidéo ne nous paye pour utiliser nos armes », précise Henri de Harenne, porte-parole de FN Herstal.
Difficiles poursuites judiciaires
Il se révèlerait certainement peu utile et très coûteux pour l’entreprise d’engager des poursuites contre les entreprises de jeux vidéo qui reproduisent l’un de ses modèles. Ces entreprises de divertissement ont certainement assuré leurs arrières pour plaider confortablement l’inspiration artistique plus que la copie d’une arme en particulier.
Plus difficile encore de faire assumer la responsabilité à ces entreprises de jeux vidéo des contrefaçons et d’éventuels crimes commis avec ces contrefaçons en 3D. Il se pourrait bien qu’un jour pourtant, sur une scène de crime, on retrouve un P90 plus vrai que nature imprimé en 3D. Dans ce cas, l’impact sur l’image de marque du fleuron belge de l’armement serait important.
Ce qu’il faut monitorer en premier lieu, plus que les armes elles-mêmes qui par définition passent sous les radars, c’est la capacité que détiennent certaines personnes de les fabriquer.
Voilà un domaine de plus – la contrefaçon en l’occurrence – où la question des armes 3D chamboule tous les processus habituels de lutte et de répression des fraudes.
Les armuriers belges également dans le viseur
Pour Yannick Quéau, directeur du Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (Grip), il faut aussi se tourner vers ceux qui détiennent les savoir-faire nécessaires à la fabrication des armes à feu en Belgique. Selon lui, un premier pas décisif pourrait être effectué dès à présent. « Interdire le transfert illégal du savoir-faire, c’est fondamental. Ce qu’il faut monitorer en premier lieu, plus que les armes elles-mêmes qui par définition passent sous les radars, c’est la capacité que détiennent certaines personnes de les fabriquer. Produire une arme de manière légale avec une imprimante 3D, c’est soumis à une autorisation de licence. A partir du moment où le savoir-faire de l’impression pour produire des armes existe en Belgique, il faut que les acteurs en question rendent compte du bon usage et de la non-diffusion de leur savoir-faire. En effet, c’est le savoir-faire qui est déterminant pour la qualité de l’arme qui va être produite », analyse-t-il.
Les Pays-Bas inondés par les armes 3D. Quid en Belgique ?
Des événements récents chez nos voisins néerlandais donnent raison à Yannick Quéau et valident la théorie selon laquelle des savoir-faire circulent facilement entre professionnels de l’armurerie et particuliers. Ces compétences circulent surtout au sujet de la technologie 3D et au sein des ateliers clandestins qui apparaissent comme des champignons dans plusieurs pays d’Europe (Pays-Bas, Espagne, Allemagne, Royaume-Uni).
A l’issue du premier procès néerlandais pour fabrication d’armes 3D, un Néerlandais de 33 ans originaire de Hollande méridionale vient d’être condamné à deux ans de prison pour fabrication massive de pièces 3D. La police avait saisi neuf imprimantes à son domicile dont six étaient en train d’imprimer des pièces de FGC-9 au moment de la perquisition. Il dit avoir simplement vu dans l’impression d’armes une aubaine économique.
Ce n’est pas un phénomène isolé, le pays est littéralement inondé d’armes de ce type en ce moment-même.
A la fin de ce procès historique, le ministère public néerlandais (équivalent du SPF justice) a décidé de jouer franc jeu, par l’intermédiaire du porte-parole du Procureur néerlandais : « Ce n’est pas un phénomène isolé, le pays est littéralement inondé d’armes de ce type en ce moment-même ». Est-il légitime de croire qu’en Belgique, depuis la perquisition d’un atelier à Leuven, aucun atelier clandestin n’a été mis sur pied, alors qu’ils fleurissent aux Pays-Bas, en Espagne et au Royaume -Uni ?
De l’impression à l’assemblage
L’accusé néerlandais, pendant son procès, a précisé qu’il s’est formé rapidement à l’impression 3D, principalement via YouTube. Par contre, pour ce qui est de l’assemblage des armes, n’en étant pas capable, il a fait appel à une personne compétente et formée. Plusieurs éléments corroborent cette version. Un intermédiaire détenteur de techniques professionnelles d’assemblage d’armes à feu est donc intervenu dans la production illégale de ces armes 3D.
Des faits de ce genre se rencontrent de plus en plus fréquemment chez nos voisins, et c’est ce qui fait dire à Yannick Quéau, le directeur du Grip que « les professionnels doivent rendre compte du bon usage et de la non-diffusion de leur savoir-faire ».
Cela est vrai, à plus forte raison, dans un pays comme la Belgique où ces compétences sont largement diffusées, du fait de l’industrie des armes pour laquelle la Belgique est réputée tout en étant une plaque tournante européenne du trafic d’armes à feu.
Julien Bal
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