MOBILISATION LA REFORME CONSTITUTIONNELLE AU CONGO

RDC : Félix Tshisekedi, de l’opposant réformateur au président controversé

Le président congolais Etienne Tshisekedi milite pour une révision de la Constitution qui suscite l'inquiétude de ses opposants, ils le soupçonnent de vouloir briguer un troisième mandat interdit par l'actuelle Constitution. AFP

Félix Tshisekedi, Président de la République démocratique du Congo (RDC) depuis 2019, est aujourd’hui au cœur d’une controverse majeure. Le projet de révision constitutionnelle qu’il défend soulève des inquiétudes tant au sein de l’opposition que de la société civile. Cette initiative est perçue par beaucoup comme une tentative déguisée de concentrer davantage le pouvoir entre les mains du président. Les critiques pointent également la contradiction flagrante entre cette démarche et les positions que le Président Tshisekedi défendait lorsqu’il était dans l’opposition.

L’opposant d’hier, le président d’aujourd’hui

Avant son accession au pouvoir, Félix Tshisekedi se présentait comme le héraut d’une nouvelle ère démocratique pour la République démocratique du Congo (RDC). Il s’était notamment opposé fermement à toute modification de la Constitution sous son prédécesseur, Joseph Kabila, dénonçant une tentative de « trahison envers le peuple ». Mais aujourd’hui, élu Président de la RDC, il semble avoir changé de cap.

Il s’était notamment opposé fermement à toute modification de la Constitution sous son prédécesseur, Joseph Kabila, dénonçant une tentative de « trahison envers le peuple ».

En plein second mandat (depuis le 23 décembre 2023), il soutient un projet de révision de la Constitution, justifié par des arguments flous et contestés. Selon lui, certains articles, dont le fameux article 217, « consacrent la vente de notre souveraineté ». Ce discours, bien que séduisant en apparence, suscite des doutes sur ses véritables intentions. Pour ses détracteurs, cette réforme est avant tout un prétexte pour ouvrir la voie à un éventuel troisième mandat.

Un bilan mitigé

Depuis son arrivée au pouvoir, Félix Tshisekedi a promis une transformation profonde de la RDC, pourtant, les résultats sont loin de répondre aux attentes. Les « grands travaux » annoncés avec fracas n’ont pas produit les infrastructures attendues, et plusieurs projets phares sont à l’arrêt ou enveloppés d’opacité.

La lutte contre la corruption, un cheval de bataille du Président Tshisekedi, n’a pas porté ses fruits. Les scandales impliquant des proches du pouvoir continuent de ternir son administration. Dans un pays où une grande partie de la population vit toujours dans la pauvreté, cette incapacité à mettre fin aux pratiques prédatrices des élites alimente la désillusion.

La lutte contre la corruption, un cheval de bataille du Président Tshisekedi, n’a pas porté ses fruits. Les scandales impliquant des proches du pouvoir continuent de ternir son administration.

Sur le plan économique, les progrès sont timides. Alors que la RDC dispose de ressources naturelles considérables, notamment en cobalt et en cuivre, leur exploitation continue de profiter à une poignée de privilégiés, souvent au détriment des populations locales. Le développement inclusif, promis par Félix Tshisekedi, reste une chimère.

Une opposition galvanisée

Face à ce projet controversé, l’opposition congolaise s’est regroupée dans un front commun. Des figures politiques majeures comme Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Augustin Matata Ponyo et l’ancien président Joseph Kabila ont signé une déclaration commune dénonçant un « coup d’Etat contre la Constitution ».

Ce front uni illustre une rare convergence des forces politiques en RDC, qui redoutent que ce projet ne plonge le pays dans une instabilité accrue.

Des figures politiques majeures comme Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Augustin Matata Ponyo et l’ancien président Joseph Kabila ont signé une déclaration commune dénonçant un « coup d’Etat contre la Constitution ».

La RDC est déjà confrontée à des défis colossaux. Dans l’Est du pays, des groupes armés continuent de semer la terreur, exacerbant une crise humanitaire qui affecte des millions de personnes. Sur le plan politique, les institutions restent fragiles, et la méfiance entre les différents acteurs est palpable.

Dans ce contexte, une révision constitutionnelle pourrait être la goutte de trop. Les tensions politiques risquent de s’exacerber, alimentant des mobilisations populaires et des affrontements qui menaceraient la stabilité précaire du pays.

Un tournant pour Tshisekedi et la RDC

Pour Félix Tshisekedi, ce projet de révision constitutionnelle représente un tournant. En insistant pour le faire passer, il met en péril non seulement son propre héritage politique, mais aussi l’avenir démocratique de la RDC. Le Président pourrait bien être perçu comme un autre dirigeant africain qui, une fois au pouvoir, renie ses engagements pour asseoir son règne (Macky Sall au Sénégal). La RDC, riche de ses ressources mais pauvre de ses gouvernants, se trouve une fois de plus à un carrefour décisif.

Bertin Onana (en RDC)