La chute de Bachar al-Assad annonce une nouvelle ère pleine d’incertitudes pour la Syrie
Après 54 ans de règne autoritaire de la famille Assad, la chute historique du président Bachar al-Assad marque un tournant majeur dans l’histoire de la Syrie. A la suite d’une offensive rebelle éclair, le régime s’est effondré, laissant le pays sans dirigeant et dans un état de division extrême. Si cet événement suscite des espoirs de renouveau, il expose également la Syrie à d’énormes défis : reconstruire un pays en ruines, gérer des divisions profondes entre les factions armées et répondre aux attentes internationales en matière de justice. Avec un ex-président qui a fui avec sa famille en Russie et des grandes puissances appelant à une transition, la Syrie se retrouve à la croisée des chemins entre promesses de paix et risque de chaos prolongé.
L’histoire du régime de la famille Assad commence en 1970 avec Hafez al-Assad, militaire devenu président à la faveur d’un coup d’Etat. Sa gouvernance repose sur une répression impitoyable et un contrôle rigide des institutions syriennes, qu’il transmet à son fils Bachar en 2000.
A son arrivée au pouvoir, Bachar al-Assad, formé comme ophtalmologue, était perçu comme un potentiel modernisateur. Mais rapidement, ses promesses de réforme se sont effondrées, laissant place à une dictature caractérisée par des pratiques brutales similaires à celles de son père.
Une dynastie éteinte : la chute d’Assad
Le soulèvement de 2011 marque un point de non-retour. Le régime, confronté à une opposition populaire massive, choisit la répression brutale plutôt que le dialogue. Cette décision précipite le pays dans une guerre civile dévastatrice. Pendant plus d’une décennie, Bachar al-Assad s’accroche au pouvoir grâce à l’appui militaire de la Russie et de l’Iran, tout en consolidant son contrôle par des tactiques de siège, des bombardements et l’emploi d’armes chimiques.
Sa chute, survenue après une offensive rebelle massive en ce mois de décembre 2024, clôt cette dynastie. Contraint à l’exil à Moscou, il laisse derrière lui un pays en ruines et un régime désintégré.
La prise de Damas : une offensive rebelle décisive
L’effondrement du régime Assad a été accéléré par une offensive éclair menée par les rebelles depuis leur bastion d’Idlib. Hayat Tahrir al-Cham (HTS), principal groupe armé impliqué, a coordonné une attaque stratégique visant les infrastructures essentielles de la capitale.
En l’espace de quelques jours, les forces rebelles se sont emparées de Damas. Les institutions centrales comme le palais présidentiel, des ministères et des prisons sont passés sous le contrôle des rebelles. Les forces loyalistes, démoralisées et mal équipées, n’ont opposé qu’une faible résistance.
Des populations civiles, piégées au cœur des combats, ont fui en masse vers des zones plus sûres, accentuant une crise humanitaire déjà catastrophique.
Le rôle des puissances étrangères, notamment la Russie, a été décisif dans cet effondrement. Moscou, principal soutien militaire et financier du régime, a progressivement réduit son engagement en Syrie. Son attention détournée par d’autres crises internationales a laissé Bachar al-Assad vulnérable, malgré les efforts de l’Iran pour compenser cette perte.
Damas, jadis bastion du pouvoir, est désormais en ruines : bâtiments détruits, quartiers abandonnés, et une absence totale d’autorité centralisée.
Un pays morcelé et des risques de chaos
La chute du président Assad n’a pas mis fin aux fractures profondes qui divisent la Syrie. Le pays est aujourd’hui fragmenté en plusieurs zones d’influence, chacune contrôlée par des acteurs aux intérêts divergents.
Les rebelles à Damas et Idlib : Hayat Tahrir al-Cham et d’autres groupes armés dominent désormais une grande partie de l’ouest de la Syrie, mais leurs alliances sont fragiles, et des luttes de pouvoir internes pourraient éclater.
Les Kurdes au nord-est : l’administration autonome kurde, qui contrôle une vaste région, reste méfiante à l’égard des rebelles et de la Turquie, qui maintient une présence militaire dans certaines zones.
Les milices pro-régime : dans certaines parties du sud et de Lattaquié, des milices loyalistes continuent de résister, bien que leur influence s’effrite rapidement.
Cette fragmentation alimente des craintes de nouveaux conflits internes. Les rivalités entre factions armées, combinées à l’intervention d’acteurs étrangers comme la Turquie, pourraient plonger le pays dans un cycle de violences prolongées.
Les grandes puissances face à leurs responsabilités
Depuis le début de la guerre civile, les grandes puissances ont adopté des positions ambiguës. Les Etats-Unis et l’Europe, tout en dénonçant les crimes d’Assad, ont souvent hésité à intervenir directement, craignant de s’enliser dans un conflit prolongé.
La Russie, principal pilier du régime syrien, a investi massivement pour soutenir Assad, mais sa priorité semble désormais ailleurs. Ce désengagement a laissé un vide stratégique que d’autres acteurs, comme la Turquie et l’Iran, cherchent à combler.
Avec la chute d’Assad, les puissances internationales appellent à une transition politique. L’ONU insiste sur l’urgence de convoquer une conférence de paix pour établir un gouvernement représentatif. Amnesty International exige également que les responsables des crimes de guerre, y compris Bachar al-Assad, soient traduits devant la justice.
Reconstruire une Syrie brisée
Le défi de la reconstruction syrienne est immense. La guerre a causé des destructions à une échelle colossale.
Infrastructures : hôpitaux, écoles et réseaux de transport sont presque inexistants dans certaines régions.
Crise humanitaire : des millions de Syriens vivent dans des camps de réfugiés ou en exil, souvent sans perspectives de retour.
Economie effondrée : les sanctions internationales, combinées aux destructions, ont plongé la Syrie dans une pauvreté extrême.
Rebâtir la Syrie nécessitera des milliards d’euros d’investissements et un soutien international coordonné. Mais au-delà de la reconstruction physique, le pays doit surmonter des divisions profondes pour éviter de replonger dans le chaos.
Un tournant historique, mais une paix incertaine
La chute de Bachar al-Assad est une victoire symbolique pour les opposants au régime, mais elle laisse la Syrie dans une situation précaire. Entre la nécessité de reconstruire et les risques de nouvelles luttes de pouvoir, le pays se trouve à un moment décisif.
Pour les Syriens, ce moment est porteur d’un fragile espoir. Mais sans une volonté collective, nationale et internationale, de dépasser les clivages, la Syrie risque de s’enfoncer dans un chaos encore plus profond.
Hamid Chriet